Nantes : que s’est-il passé samedi 30 avril dans le quartier Malakoff ?


La police a-t-elle tiré à balles réelles ?


À Nantes, le quartier Malakoff est une cité située en bord de Loire, derrière le quartier de la gare. Ce samedi, d’importantes tensions y ont eu lieu. Les échos de la presse locale évoquent un déploiement de police et des affrontements. Le journal Ouest-France décrit : «une quarantaine de grenades lacrymogènes ont été lancées par les forces de l’ordre. Un peu plus tôt dans la soirée, les policiers de la BAC ont tenté d’interpeller des jeunes. Ils participaient à des rodéos dans le secteur. Pris à parti par une dizaine de jeunes, les policiers ont dû demander des renforts.» France 3 évoque «des cars de CRS stationnés, des voitures de la BAC gyrophare sur le toit, des policiers casqués prêts à lancer des grenades lacrymogènes.» Plus tard la télé locale, Télénantes, diffuse une vidéo montrant des projectiles jetés du haut d’un immeuble sur une rangée de policiers en tenue anti-émeute, sans le son, et sans donner de contexte.

Or, cette vidéo vient du compte «CpasdesLol» apprécié dans les quartiers, qui diffuse des vidéos amateurs. Sur la vidéo complète, on entend la détonation d’un tir, et des photos montrant des cartouches ramassées par des habitants, avec la mention «des keufs qui nous tirent dessus». Elles ressemblent effectivement aux douilles de Sigsauer, le pistolet de service dans la police. La vidéo affirme donc que les policiers ont tiré à balles réelles, dans le quartier Malakoff, ce soir là. De son côté, la presse évite soigneusement d’en parler. Alors, que s’est-il réellement passé ?

Une habitante de Malakoff nous raconte ce qu’elle a vu : «Vers 19h nous étions sur notre terrasse qui donne sur la route noire du 1 rue d’Angleterre, nous avons entendu des coups de feux puis vu des gens courir pour rentrer vers la tour. Ensuite nous avons observé des mouvements de jeunes courir se réfugier et des policiers les poursuivant ainsi que des tirs de lacrymogène vers l’espace jardin et devant l’entrée de la tour.» Cette habitante nous a joint plusieurs vidéos attestant de son récit, dont nous avons isolé des captures d’écran. On y voit également des policiers tirer avec leurs LBD, et on entend une femme crier «il y a des enfants!»

«Ses paroles étaient juste l’expression de notre désarroi face à cette situation. Nous sommes descendus avec mon mari près de la rue d’Irlande, qui était bouclée par des policiers et des camions de CRS. Une moto orange était couchée par terre et entourée par des policiers.»

Cette habitante poursuit : «Depuis quelque temps les rapports sont très tendus entre les forces de police et les jeunes, le quartier est souvent dans le noir – certains disent que les jeunes coupent le courant, d’autres que ce sont les flics pour opérer. Depuis quelques temps les tirs ont repris dans les quartiers. Pour rappel un jeune était mort d’une balle perdue. Je pense que depuis hier les choses s’aggravent puisque les coup de feu entendus sont attribués à un policier qui a voulu sortir son arme mais qui a tiré deux coup et a failli se blesser au pied. Quand nous étions dehors nous avons entendu un jeune à la fenêtre crier à un flic qu’il avait tiré deux fois et qu’il l’avait raté.» S’agit-il des douilles de balles ramassées et filmées ?

Pour cette témoin, le déploiement était disproportionné, avec «approximativement 150 forces de l’ordre pour une moto et un conducteur qui a pris la fuite ! Encore une fois ce n’est que pour nous contrôler, contrôler nos enfants et les dominer dans une continuité de gestion coloniale. Pour une intervention de pompiers ils débarquent en robocop à côté d’enfants qui jouent au foot». Entre autres violences policières dans les cités nantaises, il faut aussi rappeler la mort du jeune Aboubakar, tué par un CRS dans le quartier du Breil en 2018, qui avait embrasé Nantes, et notamment Malakoff. Notre interlocutrice déplore enfin que la presse locale n’ait repris que les «éléments de propagande de la préfecture».

En effet, si des tirs à balles réelles ont été effectués lors d’une opération de contrôle dans un quartier nantais, pourquoi n’y a-t-il eu aucun écho dans la presse ? L’usage d’armes, y compris létales, au milieu d’un quartier nantais un samedi en début de soirée en présence de familles est-il insignifiant pour les journalistes ?

Si ces tirs policiers à l’arme à feu ont eu lieu, c’est un précédent grave à Nantes. L’équipe de Nantes Révoltée se tient à la disposition de nos confrères travaillant pour des médias traditionnels, s’ils souhaitent des éléments vidéo et témoignages permettant de faire la lumière sur cette affaire.

Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.

Pour ne rien manquer de nos publications, suivez-nous sur nos réseaux