Qu’est-ce que c’est l’extrême gauche ?

Les médias dominants titrent sur les dangers de l'extrême gauche

«J’ai peur pour mon pays !» hurle la ministre macroniste Amélie de Montchalin sur la chaîne d’extrême droite Cnews ce lundi matin. «Ce sera le chaos» si la NUPES obtient une majorité. Elle conclut : «il faut faire barrage aux anarchistes d’extrême gauche».

Hier, l’ancien ministre Jean-Michel Blanquer avait déclaré à propos de la NUPES : «l’extrême gauche est un danger aussi important que l’extrême droite». Et Gérald Darmanin avait tweeté : «nous ne voulons pas d’une majorité d’extrême gauche». Ces déclarations s’inscrivent dans le cadre d’une campagne très agressive, concertée avec quasiment tous les médias dominants qui parlent d’un «danger» Mélenchon, d’une NUPES qui serait «radicale» voire même «soviétique» selon l’ancien ministre Castaner.


Alors, Mélenchon est-il «d’extrême gauche» comme on l’entend partout ? Un peu de culture :


D’abord, c’est quoi la gauche ?

La gauche, c’est l’héritage de la Révolution Française, et en particulier de la tendance la plus avancée de la Révolution, qu’on appelait «la Montagne» sous la Convention (1792-1795), qui comptait notamment le célèbre Robespierre. Au XIXème siècle, la gauche c’est le socialisme. Pas celui du PS. Le socialisme qui veut abolir le capitalisme et «socialiser» les moyens de production. Il y a différentes tendances : une voie socialiste libertaire, qui veut abolir l’État sans attendre, et une voie socialiste plus autoritaire, qui veut passer par une dictature du prolétariat. Voilà, ça c’est la gauche. C’est l’Internationale et ses paroles appelant à faire « table rase » du passé, et invite les « damnés de la terre » à se tenir « debout ». Il y a plus de 100 ans, la grande figure socialiste Jean Jaurès fait des discours anticapitaliste et anti-militariste. Et il est pourtant considéré comme modéré par les révolutionnaires de l’époque. Des socialistes comme Jules Guesde ou Jean Allemane aussi prônent la fin du capitalisme. À la même époque, les premiers syndicats sont fondés sur une ligne ouvertement révolutionnaire, qui vise l’abolition du patronat et de l’exploitation. Plus tard, en 1981, François Mitterand, pourtant issu de la droite, dénonce encore les «monopoles» et le «capital». Évidemment, il y a les paroles et les actes, et la gauche a souvent trahi dans son histoire. Mais cela veut dire que même quand Mélenchon, venu du PS, s’énerve un peu, ça reste de l’eau tiède par rapport aux basiques de la gauche.

Mais alors, et l’extrême gauche ?

C’est une force qui se situe en dehors du champ parlementaire. L’extrême gauche prône la révolution par la rue et la lutte, un monde libéré des dominations et de l’exploitation. La base commune, c’est la collectivisation des moyens de productions – on prend les usines, les richesses, et on les redistribue –, l’abolition de l’État et de la police, la fin de l’argent. L’autogestion au travail : pas de patrons mais, par exemple, des comités de travailleurs. La fin de l’armée et des frontières, l’internationalisme. Une partie de l’extrême gauche prône encore la dictature du prolétariat, une autre une révolution sans autorités. Et puis, plus loin, en-dehors du champ politique traditionnel, il y a les anarchistes, les autonomes, les mouvements d’occupation… Il y a de nombreux courants et de nombreuses nuances, mais on est très très éloigné de la NUPES et son programme social-démocrate.

Alors qu’est-ce qui serait particulièrement scandaleux dans la NUPES ?

Augmenter les salaires ? Ce n’est même pas une mesure spécifiquement «de gauche» : cela stimule la croissance économique. L’idée est de mieux payer les travailleurs pour qu’ils puissent consommer plus. Une partie du patronat est d’accord avec ça : Ford avait augmenté les salaires de ses ouvriers pour qu’ils puissent acheter des voitures. L’économiste Keynes inspire le «New Deal» aux États-Unis dans les années 1930 : baisse du chômage, investissement public, protections sociales. Cela n’a rien d’anticapitaliste ni de révolutionnaire.

Renationaliser les services publics ? Pas vraiment « extrême », c’est ce qu’a fait le gouvernement Gaulliste dans l’après-guerre. Quand LFI dit qu’il faut augmenter les salaires ou soutenir les services publics, c’est une mesure d’urgence, car les gens ne pourront bientôt plus manger ou se soigner. Faire stagner les salaires alors que l’inflation explose comme le fait Macron, c’est du néolibéralisme dans sa version hardcore. Cela revient à organiser délibérément l’appauvrissement du plus grand nombre, la paupérisation et la prolétarisation de la part exploitée de la population. C’est criminel. Et «extrême» pour le coup.

Le pouvoir en place et ses médias tentent de renverser le sens des mots. Marine Le Pen et son parti issu du pétainisme n’est plus qualifiée «d’extrême droite». Par contre une NUPES qui n’est que le retour de la gauche plurielle serait «d’extrême gauche» et même «anarchiste». De même, la «République» invoquée par les macronistes n’a plus rien de républicain. La République qui repose en principe sur l’héritage de la Révolution et le tryptique «Liberté, Égalité, Fraternité» est devenue un synonyme d’État policier. Aujourd’hui, dénoncer les violences policières ou le racisme est qualifié «d’anti-républicain». C’est une vraie inversion.

Tout cela témoigne d’une droitisation extrême des dominants. À nous de tirer, à nouveau, l’échiquier politique dans le bon sens. Poser les vraies questions : mettre fin au saccage planétaire par des réformes écolos ou une révolution anticapitaliste immédiate ? Démanteler les forces de répression ou seulement les encadrer ? Détruire le CAC 40 ou le taxer ? La liste des questions cruciales qu’il nous faut poser est encore longue…

Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.

Pour ne rien manquer de nos publications, suivez-nous sur nos réseaux