Face à la justice, le commissaire affirme qu’il n’a pas donné d’ordre et l’ancien préfet qu’il ne savait rien
Trois ans se sont écoulés depuis la fête de la musique tragique de Nantes. Le 21 juin 2019, la police attaquait un sound system au bord de la Loire, et tirait des dizaines de grenades et de balles en caoutchouc sur des jeunes qui fêtaient la musique. 14 personnes tombaient dans le fleuve et Steve mourait noyé. Trois ans ont passé, durant lesquels la justice a tout fait pour faire traîner l’affaire. Insinuer le doute. Il a fallu attendre plus d’un an pour une simple «reconstitution technique» sur le quai où ont eu lieu les faits. Et deux années pour «expertiser» le téléphone de Steve. Tout ça pour démontrer ce que tout le monde savait depuis le début : Steve a chuté dans la Loire au moment où la police a gazé et chargé la foule.
À présent, trois individus sont mis en cause et risquent un procès : le préfet de Nantes de l’époque, Claude D’Harcourt, homme détestable qui a installé un climat de répression sanglante à Nantes, contre les exilé-es, les Gilets Jaunes ou les écologistes. Son directeur de cabinet. Et le commissaire Grégoire Chassaing. Cet agent était connu depuis de longues années à Nantes pour ses méthodes violentes, notamment contre les cortèges revendicatifs. À la tête de ses hommes, il faisait le coup de poing et déchaînait la répression de ce soir là, provoquant de nombreuse-eux blessé-es. Par ailleurs, Grégoire Chassaing est lié à l’extrême droite : déguisement raciste sur les réseaux sociaux, engagement religieux traditionaliste, prises de position réactionnaires. Le soir de la fête de la musique, les témoins parlent d’une charge sans sommation, et d’insultes comme «sales gauchistes». La police a attaqué après qu’une chanson contre l’extrême droite a été diffusée.
Tout ce petit monde passait donc le 5 juillet devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Rennes. Avant même le procès, les mis en cause contestent le fait d’être potentiellement poursuivis. Leurs avocats veulent un non-lieu : c’est à dire un abandon total des poursuites.
Le commissaire Chassaing, qui dirigeait sur le terrain l’opération de police, conteste sa mise en examen en affirmant qu’il n’a rien à voir avec les faits. Il ose : «Je n’ai pas ordonné de charge». Il était pourtant sur place, hurlant à la tête d’unités de policiers armés qui tiraient, comme le montrent de nombreuses vidéos. 33 grenades lacrymogènes et 10 grenades explosives ont été tirées ? Il répond qu’il n’en a pas utilisé «à titre personnel». Et même «Chaque effectif qui en a fait usage l’a fait sans ordre de ma part». Le commissaire était donc sur ce quai par hasard, les policiers sous son commandement pratiquaient l’autogestion et utilisaient leurs armes selon leur bon vouloir. Bref, Chassaing se défausse. Mais alors, pourquoi ne pas avoir poursuivi l’ensemble de la Compagnie d’Intervention qui était sur place ?
Le préfet d’Harcourt est tout aussi pathétique. Il réclame également un non-lieu en prétendant qu’il n’était au courant de rien, même pas que le quai Wilson où a eu lieu le drame appartenait à l’État. Le préfet de Nantes ne connaissait donc pas sa propre ville ! Pourtant, l’opération a bien été supervisée depuis la préfecture cette nuit là. Au lendemain des faits, il avait pourtant soutenu avec virulence la charge sur le quai, en affirmant dans la presse : «les forces de l’ordre interviennent toujours de manière proportionnée. Mais face à des individus avinés, qui ont probablement pris de la drogue, il est difficile d’intervenir de façon rationnelle».
C’est tout de même malheureux toutes ces violences d’État meurtrières pour lesquelles il n’y a jamais de donneurs d’ordre ni d’exécutants. La hiérarchie dit qu’elle n’a rien vu. Les flics qui tirent et tabassent disent qu’ils ne faisaient qu’obéir. Personne n’est responsable.
Suite à cette audience, la chambre d’instruction rendra sa décision le 28 octobre. Ensuite seulement, il y aura peut-être un procès. Et même en cas de procès, pas avant un ou deux ans, il est très improbable que les criminels soient sanctionnés à la hauteur de leurs actes. La justice : machine à organiser l’impunité.
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