«On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent» écrivait Bertolt Brecht. Il arrive que la nature, si souvent détruite, domestiquée et soumise par l’être humain, se défende. La surenchère capitaliste et autoritaire de l’époque se heurte parfois au vivant.
CAPYBARA CONTRE L’URBANISME DE LUXE
Il s’appelle Nordelta, c’est l’un des plus prestigieux quartiers privés de Buenos Aires. Comme dans le reste de l’Amérique Latine, les villes sont un concentré de violence sociale et de ségrégation urbaine. Pour entrer dans ce quartier, il faut être invité, passer des contrôles de sécurité, traverser des murs et des barbelés. À l’intérieur, les riches vivent dans des résidences de luxe, avec des bureaux et un centre commercial, des lacs artificiels et entourés de terrains de golf. Cet enclos de privilégiés a été construit sur une zone humide il y a 20 ans.
En septembre 2021, des centaines de capybaras ont envahi la zone, détruisant les parterres de fleurs, déféquant dans les jardins et causant des accidents de la route. Panique chez les ultra-riches. Le capybara est un animal typique de l’Amérique du Sud qui peut peser plus de 50 kilogrammes pour 1 mètre de longueur : c’est le plus gros rongeur du monde, qui fait penser à nos ragondins européens. Il ne s’agit pas d’une invasion mais d’une reconquête. C’est leur habitat naturel, dans le delta d’un grand fleuve que vivent ces «seigneur des herbes» comme les appellent les autochtones.
Les biologistes argentins se réjouissent : «Nordelta est une zone humide exceptionnellement riche qui n’aurait jamais dû être touchée». Les capybaras sont également populaires chez les pauvres de la capitale : la construction de projets immobiliers haut de gamme sur les zones humides de Buenos Aires empêchent les sols d’absorber les pluies intenses et provoquent des inondations dans les quartiers voisins. Une revanche écologique et sociale.
CORBEAUX CONTRE GOOGLE
En Australie la filiale de la multinationale Google, baptisée Wing, utilise des drones pour livrer des produits directement chez des particuliers. Cette entreprise teste son dispositif en Finlande, aux États-Unis ainsi que dans la ville de Logan en Australie.
À Logan, qui concentre la moitié de l’activité globale de l’entreprise, Wing a dû suspendre son service à cause des attaques régulières d’oiseaux. Les drones y livraient par exemple des tasses de café, des goûters, du poulet ou des sushis. Uber par voie aérienne. Mais les corbeaux, attirés par la nourriture, poursuivent et attaquent les drones. Qui doivent lâcher leur marchandise. Échec commercial salutaire.
GOÉLANDS CONTRE PRÉFECTURE
La Préfecture de Police de Paris utilise des drones de surveillance depuis des années en toute illégalité. Et puisque la gauche n’existe quasiment plus en France, les goélands ont finalement été le meilleur des contre-pouvoirs. Il est fréquent de voir ces oiseaux attaquer les drones de la police.
Le journal Le Monde expliquait en 2019 qu’aucun des «quinze multicoptères» n’avait encore été détruit, mais que les flics chargés de télépiloter «ont dû procéder à quelques replis stratégiques et atterrissages d’urgence pour échapper à la vindicte des goélands». D’autres attaques, par des corneilles cette fois, ont été recensées durant les manifestations de Gilets Jaunes.
Autre exemple en Autriche, un particulier utilisait un drone dans le Tyrol. Un aigle royal avait fondu sur la proie mécanique et l’avait emmenée entre ses serres, jusqu’à son nid. En revanche, l’armée a tenté de dresser des aigles pour «intercepter des drones non identifiés», sans succès pour l’instant. Les aigles seraient «trop désobéissants» et le dressage trop coûteux.