«Valeur travail», «assistanat» : quand la gauche reprend les mots du patronat


Nouvelle défaite du combat culturel : analyse


Ruffin et Roussel reprennent les mots du patronat sur le travail

Fabien Roussel, grand amateur de saucisses, ami de Gérald Darmanin et accessoirement chef du Parti Communiste Français s’est enflammé ce week-end à la Fête de l’Huma’. Il s’est lancé dans un grand discours contre les assistés : «les Français nous parlent d’assistanat en nous disant qu’ils travaillent et que [les bénéficiaires de minima sociaux] ne travaillent pas». Il a continué : «Je ne suis pas pour une France du RSA et du chômage.»

Fabien la saucisse avait déjà soutenu le syndicat policier d’extrême droite Alliance ou craché sur l’écologie, il parle désormais comme un dirigeant du CAC 40. Mais là où l’obscénité confine au grandiose, c’est que Fabien Roussel est justement le symbole de l’assisté et du profiteur qui n’a jamais bossé. Il a bénéficié d’un emploi fictif d’assistant parlementaire pendant des années. Une enquête le vise actuellement pour avoir perçu 180.000€ indûment.

Cette semaine François Ruffin, champion de la France Insoumise, s’enflammait sur la «valeur travail» à la radio pour vendre son dernier livre. Évoquant la «France des Gilets Jaunes», il expliquait son souhait «que la valeur travail revienne à gauche : quand j’entends des gens me dire qu’ils ne peuvent pas être pour la gauche parce qu’ils sont pour le travail, je considère qu’on a un souci majeur».

La «France des Gilets Jaunes» est justement celle qui subit des boulots précaires, des temps partiels et du chômage, et qui a justement besoin des aides sociales voire des associations humanitaires pour survivre. Ruffin ajoutait : «Quel que soit le bulletin de vote que mettront dans l’urne les anciens Goodyear et les anciens Whirlpool, je serai avec eux». Ce sont justement ces ouvriers mis au chômage par la mondialisation qui ont besoin d’allocations !

Il fut un temps où les«allocations et minimas sociaux» s’appelaient «solidarité nationale». Ce sont des droits, durement conquis. Dans un système inégalitaire, cet argent est une – maigre – redistribution des profits à destination des plus démunis. D’ailleurs, les statistiques montrent qu’une grande partie des personnes qui pourraient toucher des allocations ne les demandent pas. Taper sur les «assistés» est donc un non-sens total.

François Ruffin, confond la «valeur travail» et la production. Or, la production de richesse n’a jamais été aussi élevée et aussi mal partagée depuis le début du 20ème siècle en France. Ce n’est pas le «travail» qu’il faut augmenter, mais la répartition des richesses.

Petit cours de Marxisme accéléré pour les deux députés du fond de la classe : Marx prônait littéralement l’abolition du travail salarié, qu’il décrivait comme «funeste» et aliénant. Dès la Révolution Industrielle, toutes les luttes ouvrières ont pour objectif de réduire le temps de travail. C’est même l’origine du 1er Mai : des journées moins longues. En 1880, le gendre de Marx, Paul Lafargue, écrit «Le Droit à la paresse». Dans les années 1950, les situationnistes popularisent le slogan «Ne travaillez jamais».

Bref, toute l’histoire des luttes sociales se résume à une grande bataille pour faire reculer le travail salarié de nos vies. Roussel et Ruffin réclament le contraire, ils sont à l’envers de l’histoire !

Dans quel camp politique se situent ces discours ? En 2007, le thème des «assistés» est l’angle choisi par le candidat Nicolas Sarkozy pour la campagne présidentielle. Avec lui c’est le triomphe d’une droite autoritaire et ultra-libérale, qui cogne sur les pauvres. 15 ans plus tard, le discours sur les «gens qui vivent des allocs» est celui du gouvernement Macron, qui veut imposer des heures de boulot gratuit aux bénéficiaires du RSA et réduire les droits des chômeurs pour les forcer à «retrouver du travail».

Les deux politiciens prétendent parler «au peuple» et au nom du peuple, mais recyclent, consciemment ou non, les éléments de langage anachroniques de la droite la plus violente. L’engagement politique, c’est faire bouger les lignes, pas conforter les idées dominantes. En Occident, des millions de personnes quittent actuellement leurs emplois, désertent le monde du travail. Qui désire encore effectuer des boulots inutiles voire nocifs, mal payés, précaires, dans un monde en crise écologique et sans retraite à l’horizon ? Personne.


Plutôt que de questionner le sens du travail et ses mécanismes, proposer plus de temps libre, de loisir et de plaisir, les sorties de Roussel et Ruffin sont une défaite du combat culturel. Une de plus.


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