Histoire : à propos de la «valeur travail» et de la gauche
Cette archive est à voir et à faire voir. Elle est filmée devant l’usine Wonder, qui fabriquait des piles électriques à Saint-Ouen, en banlieue parisienne. C’est sans doute l’une des meilleures réponses à la pollution du débat par la «valeur travail» depuis la rentrée.
Nous sommes en juin 1968. La France a failli basculer. Un mois d’émeutes, de grève générale, d’occupations d’usine… Le président a dû fuir le pays. Mais début juin, c’est le retour à l’ordre. Après les accords négociés entre les directions syndicales et le gouvernement, les bureaucrates remettent la France au travail et font voter l’arrêt des grèves. Et c’est la grande désillusion. La révolution espérée n’aura pas lieu.
Ces images tristes et sublimes montrent une ouvrière qui pleure de rage : elle refuse de retourner à l’usine. En larme, elle crie sa vérité, raconte ses conditions de travail : «on est dégueulasses», «on ne peut pas se laver», «on ne peut pas aller aux toilettes», «la paie est minable». Cette jeune ouvrière est entourée de bureaucrates de la CGT, qui lui malaxent les épaules et lui parlent comme à une enfant, en lui disant de se calmer, de retourner au travail, qu’il faut «savoir arrêter une grève».
Il est alors très clair pour les grévistes que le retour à l’usine est une défaite, et que le travail n’est pas une «valeur». Finalement, les syndicalistes staliniens arrivent à calmer la situation avec paternalisme. Ils ont négocié la longueur des chaînes : «c’est une étape», répètent-ils. Tout le monde rentre à l’usine, la tête basse. Sauf une autre femme qui s’échappe en souriant «j’ai pas envie de rentrer».
Depuis le mouvement de Mai 1968 et ses avancées sociales, notre camp est allé de défaites en défaites, de reculs en échecs et autres humiliations. L’usine Wonder a été fermée et ses ouvriers licenciés. Aujourd’hui comme hier, les prolétaires des usines et du bâtiment, les caissières, les intérimaires chez Amazon, les livreurs, les nettoyeurs et tous les boulots de «première ligne» subissent le travail comme une contrainte. Quoiqu’en disent certains politiciens hors sol, dignes héritiers des bureaucrates de 1968.
Repartir à l’offensive, c’est faire reculer l’exploitation de nos vies et mieux répartir les richesses, donner du sens à nos activités, pas encenser le travail comme une «valeur» morale ou une source de «dignité».
La vidéo complète, de 10 minutes, par Jacques Willemont :
Une réflexion au sujet de « Une ouvrière de 1968 devant son usine : «Je ne rentrerai pas dans cette taule dégueulasse» »
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