La peste brune de retour en Europe : analyse
En 1922, Benito Mussolini prenait le pouvoir à Rome, c’était le début du fascisme. 100 après, dimanche 25 septembre 2022, ses héritiers remportent les élections en Italie. Le parti d’extrême droite «Fratelli d’Italia» recueille entre 22 et 26% des voix, à la tête d’une coalition des droites, avec la «Ligue» de Salvini et «Forza Italia» de Berlusconi, qui pèsent entre 8,5 et 12,5%. À leur tête, Georgia Meloni, qui estime que Mussolini était «un bon politicien».
Le retour du fascisme en Europe est la conséquence logique mais évitable d’une longue descente aux enfers politique.
L’Italie n’a jamais vraiment purgé son passé fasciste. Après la guerre, Mussolini a gardé des adeptes et des partis se revendiquant de son héritage n’ont jamais cessé d’exister. Le symbole de la flamme, repris par la famille Le Pen, vient d’ailleurs du fascisme italien. Pire, dans le cadre de la guerre froide, les cercles de pouvoir italiens se sont appuyés sur les groupes d’extrême droite pour lutter contre la «menace communiste». Y compris à l’aide d’attentats meurtriers et de complots. Avec Meloni, c’est une authentique héritière de ces courants qui arrive au pouvoir. Pourtant son parti, fondé en 2012, ne récoltait que 3,6% des voix en 2014. Sa fulgurante ascension est liée à la droitisation généralisée, à l’absence d’alternatives et à l’effondrement de la gauche italienne.
Après la chute du bloc de l’Est le Parti Communiste Italien, le plus puissant d’Europe, disparaît en quelques années. Le reste de la gauche se convertit au libéralisme. Les mouvements sociaux sont réprimés de plus en plus durement. C’est la descente aux enfers. Un millionnaire réactionnaire et vulgaire possède des médias et arrive au pouvoir : c’est Berlusconi. Quelques années plus tard, c’est Salvini, venu de l’extrême droite qui l’emporte. Sur fond d’instabilité permanente, un gouvernement «technique» géré par le banquier néolibéral Mario Draghi arrive à la tête du pays. Le centrisme laisse à présent la place au fascisme allié à un vieillard richissime, orange et botoxé. Comment ne pas faire le parallèle avec la France ? Sarkozy n’est qu’une copie de Berlusconi, Macron et Hollande sont des Draghi français. Et demain ? Le fascisme n’arrive pas d’un coup, il s’inscrit dans une continuité. Nous y sommes.
L’extrême droite, meilleure alliée du capital. Dans le nord de l’Italie, un forum qui réunit les patrons et les responsables politiques, le Forum Ambrosetti, a fait un triomphe à la candidate néofasciste juste avant les élections. Le journal Le Monde titrait il y a quelques jours que «le monde des affaires penche pour Meloni». Le rôle du fascisme a toujours été de maintenir l’ordre en période de crise.
En France, l’extrême droite est soutenue par les médias des milliardaires, qui leur offrent des tribunes quotidiennes. Ces derniers jours, pour parler des élections italiennes, RTL invitait Marion Maréchal Le Pen, France Inter Jordan Bardella, Cnews recevait l’essayiste fasciste François Bousquet, France Info se demandait si la nostalgique de Mussolini devait «faire peur à l’Europe»… Les médias français bavent de gourmandise sur la situation italienne. Et sur le plan politique, le Rassemblement National travaille déjà avec Macron au Parlement : contre la hausse du SMIC, pour détruire les droits sociaux, pour augmenter la répression. En France comme en Italie, l’histoire du fascisme est de casser les aspirations sociales et mettre au pas la population, au service de la bourgeoisie.
L’abstention en forte augmentation, de 10 points par rapport à 2018. Comme en France et dans de nombreux pays, ce n’est pas tant la «victoire» d’un camp, mais la défaite de tous les autres. C’est une grande désertion démocratique, provoquée par le dégoût de la classe politique, des trahisons de la gauche, des mensonges. Si l’abstention ne s’accompagne pas de contre-pouvoirs forts et de moyens d’autodéfense populaire, le pire s’installe. Les vulnérables paient le prix fort. Et les camarades italiens vont subir encore plus de répression.
En Suède, pour la première fois de son histoire, un parti issu du néo-nazisme est arrivé la semaine dernière en deuxième position aux élections, juste derrière les sociaux-démocrates. Il va jouer un rôle central à la tête d’une coalition de droites désormais majoritaire. En France, la droite radicalisée veut elle aussi nouer une alliance électorale avec les partis fascistes, pour s’imposer au pouvoir. C’est d’ailleurs le projet de Zemmour.
En Suède, en Italie, en Hongrie, l’extrême droite est au pouvoir. En France elle a fait 30% des voix aux élections présidentielles et elle est majoritaire dans la police et l’armée. Partout en Europe, des réseaux néo-nazis s’arment, partent combattre en Ukraine, s’organisent et tuent… Le fascisme fait son grand retour. Comme dans les années 1930, la situation politique ressemble à celle de la République de Weimar en Allemagne, qui s’est effondrée sur ses propres reniements pour laisser le pouvoir aux nazis. Face à cette situation, il n’y a pas de fatalité, une résistance globale est à construire : à la fois médiatique, culturelle, sociale et martiale.