Nantes : retour sur une journée ordinaire au milieu du désastre


Alors que le désastre gronde, toutes les raisons de se révolter sont là. Toutes. Et que se passe-t-il ? Rien ou si peu, à Nantes et ailleurs.


Les semaines qui viennent de s’écouler ont illustré l’effondrement social, écologique, géopolitique que nous vivons. Une inflation massive appauvrit la population, le coût de la vie explose et les salaires stagnent. Des millions de personnes galèrent pour se loger, manger et, bientôt, pour se chauffer. Des incendies immenses ont ravagé la France et le monde et des pénuries d’eau potable ont lieu. La guerre gronde, chaque jour de plus en plus fort, à nos portes. Des dizaines de milliers de jeunes n’ont pas de place à l’université. Le système de santé agonise, les écoles aussi. Macron gouverne avec l’extrême droite et promet d’attaquer les retraites. Les milliardaires se gavent comme jamais.

Bref, toutes les raisons de se révolter sont là. Toutes. Et que se passe-t-il ? Rien ou si peu.

Dans ce contexte, une première journée de grève avait lieu en ce jeudi de la fin du mois de septembre. Elle devait donner l’impulsion d’une éventuelle «rentrée sociale». C’est peu dire que la mobilisation est loin d’être à la hauteur de la situation. Dans la rue à Nantes, sous le soleil, environ 5000 personnes.

Un défilé sympathique, parti autour de 11h30 et disloqué après une grosse demie heure de marche tranquille, jusqu’à la Place Bretagne. Gros cortège rouge de la CGT, batterie de drapeaux solidaires, camions sono. Un petit tour et puis s’en va. Un enseignant gréviste pestait à l’heure de midi «je suis déçu d’avoir perdu une journée de salaire pour ça».

Chose rare : il n’y avait pas vraiment de cortège de tête, ni de bloc anticapitaliste. Une première depuis longtemps à Nantes. Même Karaba la sorcière sur une banderole et un petit cortège étudiant à l’avant ont eu du mal à réchauffer l’ambiance. C’est peu dire que le niveau de conflictualité diminue à l’heure où il devrait monter en flèche. Comme si plus la situation était oppressante, plus la résignation gagnait les esprits.

Pourtant, l’immense majorité de la population est insatisfaite de la situation sociale et s’oppose à la casse des retraites. Une partie jure même qu’elle est «prête» à descendre dans la rue. Mais c’est comme s’il y avait les «habitués» et les autres, celles et ceux «chargés» de manifester pour tout le monde et les spectateurs. La lutte se fait désormais par procuration.

Au même moment, Cnews débarquait à Nantes pour faire un show sur «l’insécurité». Une opération de com’ bien ficelée pour réclamer plus de flics et stigmatiser les immigrés. Le présentateur Morandini, visé par une affaire de pédophilie, est venu sauver la ville des griffes de l’islamo-gauchisme. Son spectacle n’a attiré qu’un seul client : l’extrême droite. Un de nos lecteurs est venu troubler le direct, en se faufilant entre les vigiles pour clamer durant le direct que «l’insécurité est d’abord économique, sociale, écologique», et rappeler que la police est déjà partout présente à Nantes.

Mais aussi dire «on est en Bretagne pas au zoo». Car Morandini faisait son petit safari à la recherche de dealers à la croisée des trams : ses cameramans faisaient des gros plan sur chaque passant arabe. L’émission a fait flop. Cnews prétendait montrer une ville à feu et à sang. Elle n’a montré qu’une agglomération de province calme et presque ennuyeuse, avec un centre-ville quasi vide.

Que retenir de cette journée, qui n’a d’ailleurs pas été plus combattive dans le reste de la France ? Que la riposte reste à imaginer. Un conseiller de Macron expliquait au Parisien que le gouvernement compte sur «une dépolitisation» liée à la guerre. Un ministre ajoutait : «Les gens ont la tête ailleurs. Il y a une inquiétude sur l’énergie, mais pas un risque d’explosion sociale». Macron lui-même déclare sa volonté d’imposer des reculs sociaux : «Mon autorité est en jeu, je n’ai pas l’intention de la lâcher 6 mois après mon élection». Peut-on lui donner tort ? Il ne rencontre pas de contre-pouvoirs.

Personne ne viendra nous sauver. Il n’y aura pas de deuxième mouvement des Gilets Jaunes miraculeux. Si, vous aussi, vous refusez de vous résigner, rejoignez la Contre Attaque. Écrivez-nous.


Photos : Oli Mouazan et James Coco

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