Désintox : les salariés des raffineries sont-ils privilégiés ?


Et pourquoi il faut soutenir et généraliser la grève


Images d'une raffinerie, dont les salariés seraient privilégiés selon les médias des milliardaires

C’est l’éditorialiste Dominique Seux qui a lancé l’offensive médiatique pour salir les grévistes. Il a ensuite été largement repris par les chaînes de télévision. Selon lui, les salariés des raffineries Total gagneraient 5000 euros par mois. Il serait donc inutile de les soutenir, puisqu’ils sont déjà privilégiés. Cet éditorialiste macroniste et néolibéral passe pourtant son temps à dire que les rémunérations mirobolantes des patrons sont méritées et que les riches ne doivent leur fortune qu’à leurs efforts. Mais bizarrement, la logique néolibérale s’arrête quand il s’agit des salariés.

Commençons par Dominique Seux : il est à la fois éditorialiste dans la matinale de France Inter et directeur du journal économique des Échos. S’il rechigne à dévoiler son salaire, il fait partie, selon Acrimed, des «2% des salariés français les mieux rémunérés». Ces grands «chroniqueurs» et patrons de presse gagnent généralement bien plus de 10.000 euros par mois. Par ailleurs leur profession, qui bénéficie de larges subventions publiques, dispose de nombreux privilèges, notamment des exonérations d’impôts.

Mais revenons aux salariés de Total. Dominque Seux a menti. La réalité est loin du chiffre de 5000 euros net pour les raffineurs. Un pompiste Total est payé 1282 euros net par mois. Un opérateur Total dans une raffinerie gagne autour de 2500 euros net. Un raffineur interrogé par Libération évoque une rémunération «aux alentours de 3000 euros pour les postes à haute, très haute qualification». La CGT de la firme Exxon Mobil a mis en ligne les fiches de paies d’un opérateur : «2243€ brut fiscal, 3241€ et net incluant toutes primes de pénibilité dues au roulement 5×8 continus 2542€.»

Par contre le PDG de Total gagne 6 millions par an. Et l’entreprise pétrolière va verser un dividende supplémentaire de 2,62 milliards d’euros à ses actionnaires. Avec cette somme, chacun des 100.000 salariés du groupe pourrait être augmenté de 26.000 €. Oui, chacun. Autant dire que réclamer la répartition des bénéfices indécents de sa propre entreprise est parfaitement légitime. Mais ça n’est pas tout.

Travailler en raffinerie, ce sont des cadences épuisantes : les fameux 3×8, que subissent beaucoup d’ouvriers. Trois équipes qui se relaient toutes les huit heures pour assurer la continuité de l’activité, y compris la nuit, les week-ends et les jours fériés. C’est une vie de famille difficile, des loisirs quasiment impossibles, un rythme usant pour le corps et l’esprit.

C’est également un métier dangereux. Comme tous les ouvriers de la pétrochimie, ils sont sur des sites Seveso, au contact de produits nocifs. Le pétrole brut est cancérigène et le raffinage crée des sous produits comme le sulfure d’hydrogène qui sont mortels. Sur ces sites, le risque de blessure voire de mort au travail plane toujours. À Donges, près de Saint-Nazaire, où se situe une des plus grosses raffineries de France, le taux de cancers est anormalement élevé, comme à Fos-sur-Mer. Avis à tous les Dominique Seux : allez profiter de ce boulot si privilégié.

En résumé, contrairement à ce que disent Dominique Seux, BFM TV et autres chiens de garde, les raffineurs gagnent autour de 2500 € pour travailler en horaires décalés, avec des produits dangereux, des machines dangereuses, dans une industrie stratégique qui génère d’énormes profits. Non seulement leur grève est légitime, mais nous devrions tous en faire autant : précaires, SMICards, chômeurs, soignants, ouvriers, enseignants ou étudiants. Tout le monde étouffe.


Plutôt que de pointer du doigt d’autres exploités, faisons sauter le couvercle de la marmite.


La fiche de paie chez Exxon Mobil :

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