1961, la France est en guerre contre le peuple algérien qui lutte pour son indépendance. Elle veut maintenir son emprise coloniale, quel qu’en soit le prix. De l’autre côté de la Méditerranée, l’armée française torture, enlève, fait disparaître des opposants et crée des camps de regroupements. L’État français expérimente ses tactiques contre-insurrectionnelles.
En métropole, des groupes fascistes commettent des attentats : l’OAS, Organisation Armée Secrète, fait sauter des bombes et tue des milliers de personnes. En avril 1961, des généraux d’extrême droite ont tenté un Putsch à Alger. La situation politique est très tendue. Trois ans plus tôt, le pouvoir Gaulliste avait renforcé son pouvoir par un coup d’État légal qui a donné naissance à la 5ème République : un régime d’exception, centralisé, d’inspiration monarchique, sensé résoudre la crise algérienne.
Pendant cette guerre, les populations maghrébines vivant en France subissent une répression constante et des humiliations racistes quotidiennes. Des brigades spécialement créées pour les «Nord-Africains» sèment la peur dans les bidonvilles. Automne 1961, un couvre feu réservé aux maghrébins est décrété à Paris par le Préfet Maurice Papon.
Le soir du 17 octobre, 20.000 personnes manifestent à Paris pour la paix en Algérie et contre le couvre-feu. La police, commandée par le préfet Papon, un ancien collaborationniste, ordonne la charge des cortèges composés presque exclusivement d’Algériens.
La police frappe, tire. Dans un véritable défoulement policier, plusieurs centaines de manifestants sont tabassés et jetés dans la Seine. Ils meurent noyés. Des milliers d’autres sont raflés, chargés dans des cars et expulsés vers l’Algérie. Il s’agit de la répression d’État la plus violente jamais provoquée contre une manifestation pacifique dans l’histoire contemporaine de l’Europe. C’est aussi le plus grand massacre en plein Paris depuis la Semaine sanglante, à la fin de la Commune, en 1871.
Le 18 octobre 1961, Le Figaro titre : «Violentes manifestations de musulmans algériens hier soir à Paris» et écrit : «il y a eu des heurts, mais grâce à la vigilance et à la prompte action de la police, le pire – qui était à craindre – a pu être évité».
Ce crime est aujourd’hui encore largement passé sous silence. Pire, une partie de la classe politique continue de légitimer la colonisation française en Algérie et ses nombreuses exactions. La droite parle des «bienfaits» de la colonisation, Macron parle d’une «histoire d’amour qui a sa part de tragique». Un ancien parachutiste qui a participé au putsch d’Alger et aux opérations de «pacification» vient même d’être réhabilité. Le passé ne passe pas.
61 ans plus tard jour pour jour, la police continue de frapper en priorité les fils et filles de colonisés. La répression, d’abord réservée aux habitants et habitantes des quartiers, s’est généralisée. L’état d’exception est devenu la norme. La 5ème République est toujours plus autoritaire. Le racisme et l’islamophobie colonisent les médias et les discours politiques. N’oublions jamais.