Les faits ont eu lieu il y a 80 ans, et l’artère la plus importante de la ville de Nantes porte le nom de «50 Otages».
Mais qui s’en souvient vraiment ?
Que reste-t-il de cette mémoire antifasciste ?
Retour sur cet épisode historique nantais.
Nous sommes le 20 octobre 1941, un peu avant 8 heures du matin. L’état-major nazi se trouve sur la Place Foch, où se situent aussi les locaux de la Gestapo, qui arrête et torture des résistants durant toute la guerre. Karl Hotz, Feldkommandant – responsable des troupes d’occupation en Loire-Inférieure – se promène à proximité de la place avec un autre soldat.
Trois résistants communistes attendent à l’angle, avec pour mission de tuer des officiers allemands, quels qu’ils soient. Karl Hotz est abattu entre la cathédrale de Nantes et la préfecture. Le capitaine qui l’accompagnait en réchappe. Hotz est le plus haut gradé allemand tué en France depuis l’armistice. Les trois résistants prennent la fuite, et ne seront jamais attrapés.
Étant donné l’importance de Hotz dans la hiérarchie militaire, Hitler est rapidement mis au courant : il ordonne l’exécution immédiate de cent otages. Il faut frapper fort et terroriser la population. Finalement l’armée d’occupation ramène le chiffre à 50 exécutions.
On organise les funérailles de Hotz en grande pompe dans les rues de Nantes : les préfets rendent hommage au nazi, les magasins baissent leurs rideaux au passage du cortège funèbre. C’est le Régime de Vichy qui fournit la liste des otages à abattre. Le ministre de l’Intérieur Pierre Pucheu donne les noms de responsables syndicaux et militants communistes. Ils ont de 16 à 58 ans, ils sont ouvriers, employés, médecins, enseignants ou anciens combattants.
La vengeance est très rapide. Le 22 octobre, 48 otages sont fusillés. Parmi eux, le célèbre Guy Mocquet, lycéen de 16 ans qui laisse une lettre émouvante à ses parents. Deux jours plus tard, 50 otages sont également assassinés à Bordeaux. Après ce massacre, Nantes est désignée première «ville compagnon de la Libération» et le sentiment de rejet contre l’occupant va augmenter dans la population.
D’autres actions de résistance suivront, notamment des sabotages et des attaques organisées par des ouvriers communistes nantais contre les nazis et leurs collaborateurs. En 1943, le «procès des 42» a lieu à Nantes : un procès pour l’exemple, par un tribunal militaire allemand qui condamne des résistants pour «terrorisme». 37 communistes sont condamnés à mort, puis fusillés. Nantes paiera également le prix du sang lors des bombardements, qui raseront une partie de la ville et tueront des milliers de personnes.
Que reste-t-il de cette mémoire antifasciste ? Que reste-t-il du refus du nationalisme et du racisme ? Désormais, les médias donnent quotidiennement la parole à des nostalgiques de Pétain, les groupes d’extrême droite s’entraînent et passent à l’acte, des néo-nazis combattent à l’Est de l’Europe, des partis issus du fascisme remportent les élections dans plusieurs pays occidentaux, le président français réhabilite Pétain et Maurras. Les forces armées et policières de ce pays votent très majoritairement pour l’extrême droite. C’est la France de Vichy et des assassins collabos qui tient le haut du pavé en 2022 !
L’antifascisme, valeur consensuelle après la guerre, est quasiment devenu un gros mot. 80 ans après les 50 otages, absolument aucune leçon n’a été tirée. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que des actes de résistance seraient qualifiés de terrorisme et condamnés unanimement. Et qui résisterait sous un régime d’extrême droite ?
Qui s’opposerait, par les armes, à la barbarie ?
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