Le gouvernement se soumet (encore) au lobby des chasseurs


Pas de dimanche sans chasse et mesures dérisoires


Willy Schraen, patron du lobby des chasseurs, pose devant ses trophées.

Avec la multiplication des accidents de chasse et la mobilisation croissante de la population contre la toute puissance des chasseurs, le gouvernement Macron avait annoncé des «mesures» pour réguler la chasse en France. Outre les millions d’animaux abattus chaque année dans notre pays, il y a aussi des dizaines de personnes blessées ou tuées par des balles perdues. En 20 ans, plus de 410 personnes ont perdu la vie lors de parties de chasse, et plus de 2500 blessées.

Intimidation réussie

L’une des mesures attendues était une interdiction de la chasse le dimanche, pour permettre aux promeneurs et promeneuses de marcher tranquillement dans la campagne. Le patron du lobby de la chasse, Willy Schraen, a tout simplement menacé le gouvernement. En cas de jour sans chasse, «la ruralité sera à feu et à sang» a-t-il déclaré. Un vrai séparatiste.

Willy Schraen et Macron sont de vieux alliés. Pendant la campagne présidentielle, le boss des chasseurs avait assuré son soutien total au président, précisant qu’il met «toute son énergie pour répondre à nos demandes» et ajoutant «il ne m’a pas déçu». C’est vrai : en 2019, Macron avait baissé massivement les prix du permis de chasse, vieille demande du lobby. En 2021, 11,46 millions d’euros d’argent public ont même été versés à la fédération des chasseurs, alors que la structure ne recevait que 27.000 euros de subventions en 2017. Une augmentation de 23000% en 4 ans !

Des mesures ridicules

Bref, les chasseurs ont obtenu gain de cause. Le gouvernement renonce à interdire la chasse le dimanche, et se soumet aux menaces. Pourtant, cette mesure existe déjà chez nos voisins. Au Royaume-Uni, la chasse est interdite le dimanche pour de nombreuses espèces. Aux Pays-Bas et au Portugal, pas de chasse le dimanche. En Italie la chasse n’est autorisée que trois jours par semaine, comme dans la région de Castille-et-León en Espagne. Bizarrement, cette fois-ci, les grands médias évitent de comparer avec les autres pays. L’exception française.

Alors quelles sont les mesures ? Minimales. «Un chasseur sur deux devra être formé d’ici 2025 et tous les chasseurs devront l’être d’ici 2029». 6 ans pour se former à la manipulation d’armes, pour des gens qui tirent déjà dans les campagnes. Autre décision, une amende est prévue pour les chasseurs sous emprise «excessive» d’alcool ou de drogue. On en déduit que jusqu’à présent, c’était open bar, alcool à gogo avant de sortir avec son fusil. D’ailleurs, les chasseurs dénoncent cette mesure !

Dernier gadget, une «application» pour smartphone destinées aux «usagers de la nature». En gros, on vous prévient sur votre téléphone qu’il faut partir d’une zone fréquentée par des chasseurs. Si votre smartphone ne capte pas (fréquent dans les zones rurales) ou si vous n’en avez pas, tant pis pour vous. Et les chasseurs pourront se dédouaner en accusant l’application.

Toujours plus de morts et de blessés

Huit personnes sont mortes pendant la saison 2021-2022 sous une balle de fusil de chasse et, au total, 95 personnes ont été victimes de tirs. En général, les responsables «d’accident de chasse» bénéficient d’une grande clémence de la justice. Par exemple, Thérèse Coudrais a été tuée par un chasseur, chez elle en Aveyron en 2017. Le tireur a été condamné à 12 mois de prison avec sursis. Morgan Keane, 25 ans, abattu dans son jardin le 2 décembre 2020 ? Toujours pas de peine. Ses amis se mobilisent.

Régulation ?

La chasse serait nécessaire pour «réguler» les «espèces nuisibles». Un vocabulaire douteux, puisque l’espèce la plus nuisible pour l’environnement est l’Homo Sapiens. Mais savez-vous que de nombreux sangliers dans la nature sont des créations humaines ? L’homme a hybridé des sangliers mâles avec des porcs domestiques femelles, fabriquant des «cochongliers» qui font entre 8 à 10 petits, contre 4 à 6 pour la laie… C’est un gibier «domestique» produit et relâché dans la nature pour être chassé. Il s’est croisé avec les sangliers sauvages, ce qui a fait proliférer l’espèce. Les chasseurs sont responsables des «nuisances» qu’ils prétendent «réguler».

Être anti-chasse, un truc de bobo des villes ?

Une image s’est imposée dans les médias : le chasseur, campagnard issu des classes populaires, que des bourgeois urbains voudraient priver de son loisir. Rien n’est plus faux. 75% des habitants des communes rurales sont pour l’interdiction de la chasse le dimanche. Oui, les premières victimes d’accidents de chasse sont les ruraux eux-mêmes, parfois victimes jusque sur leur propriété. À l’inverse, une étude révèle que 70% des chasseurs sont urbains, et moins de 4% d’entre eux sont agriculteurs. La chasse n’est pas un «loisir du peuple» ni le symbole de la ruralité, c’est un moyen de transformer les campagnes en stand de tir par des mâles alpha alcoolisés et violents. Limiter la toute puissance des chasseurs, c’est d’abord protéger les habitants des campagnes. Et ça, Macron n’a visiblement pas l’intention de le faire.

Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.

Pour ne rien manquer de nos publications, suivez-nous sur nos réseaux