Fabrique de la résignation : le cas de l’institut Elabe


Décryptage de la manipulation de l’opinion avec Bernard Sananès


Bernard Sananès, président de l'Institut ELABE et manipulateur professionnel.

Vous n’avez sans doute pas retenu le nom de Bernard Sananès, un insipide communiquant au teint gris. Pourtant, il squatte presque tous les jours les plateaux de la chaîne BFM pour donner son «analyse» de la situation politique et sociale. Il est à la tête d’un institut de sondage très utilisé par les médias : ELABE.

Ces dernières semaines, Bernard n’a pas chômé. Toutes les semaines, il intervient en plateau pour souligner que «72 % des français» pensent que la réforme des retraites va être «votée et appliquée». Et ce, malgré une mobilisation massive et un rejet ultra-majoritaire. La chaîne utilise ces chiffres pour parler de «résignation» et instiller l’idée que «les mobilisations ne servent à rien».

C’est un procédé d’endoctrinement classique pour soumettre quelqu’un. Si vous répétez sans cesse à une personne qu’elle ne peut rien changer à sa condition, que quoi qu’on fasse il est impossible d’améliorer les choses, l’esprit humain finit par abandonner toute idée de résistance et d’action. Ce procédé, utilisé dans toutes les dictatures, est aussi largement employé par les dirigeants des démocraties. Le clan Macron n’arrête pas de répéter qu’il n’y a «rien à négocier», qu’il ne «cédera pas». Pourtant l’histoire nous apprend que rien n’est jamais écrit d’avance, et qu’on a toujours raison de se révolter.

Venons-en à la couverture de BFM. D’où vient le fameux sondage mis en avant chaque semaine depuis le début des manifestations ?

Il est produit par une boite de conseil et de sondage, Elabe, basée dans la ville cossue de Levallois. Le siège, composé «d’open spaces et bureaux vitrés» avec «une vue sur la tour Eiffel» a été créé en 2015, écrit le journal patronal Les Échos. La boite «qui ressemble à uns start up» selon le même journal, est dirigée par un certain Bernard Sananès. Le cinquantenaire est un de ces courtisans qui peuplent les couloirs du pouvoir, toujours au service des puissants, patrons milliardaires ou élus réacs.

«De Vincent Bolloré à Stéphane Fouks en passant par Xavier Bertrand ou Manuel Valls, son président connaît le Tout-Paris depuis de longues, très longues années» écrit Les Échos. Et son ami d’enfance, Olivier Pardo, n’est autre que l’avocat d’Eric Zemmour.

Bernard Sananès était macroniste avant Macron : il est responsable de la communication du groupe parlementaire centriste dès les années 1980, puis directeur chez Euro RSCG, entreprise devenue Havas : l’une des plus grandes boites de marketing et de communication du monde, possédée par Bolloré. Bernard y vend ses conseils à EDF, Veolia, Orange, McDonald’s, la RATP ou la SNCF, mais aussi aux personnalités politiques comme Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand.

Public, privé, publicité et politique, aucune frontière dans ce petit monde. Sananès dirigera l’institut de sondage CSA, lui aussi possédé par Bolloré, avant de fonder son institut Elabe, partenaire de BFM. Il a fait profession d’influenceur.

Entre temps, Bernard a reçu l’ordre national du Mérite créé par la République pour «récompenser les mérites distingués, militaires ou civils, rendus à la nation française».

Dans un article de 2016, Bernard explique que son père, représentant de commerce, lui a «appris le sens du client». Sans blague ! «On ne mord pas la main qui nous nourrit», disait aussi un animateur aux ordre de Bolloré.

La République des lobbyistes, des faiseurs d’opinion et des médias des milliardaires fait tout pour fabriquer la résignation, installer la défaite dans les esprits. Si Macron remporte la bataille, il ne s’agira pas seulement des retraites : il mettra un coup d’arrêt majeur au mouvement social, et renforcera durablement le sentiment d’impuissance de notre camp.


Ne nous laissons pas embrouiller par les sondages des puissants, travaillons à renverser la table.


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