Nantes, 13 avril : giboulées et lacrymo


Douze journées de grève, trois mois de lutte, des milliers de grenades et des dizaines d’interpellations plus tard, Nantes n’a pas rendu les armes. Ce jeudi 13 avril, la ville était encore en révolte.


La manifestation ressemble à la météo : des giboulées de printemps. Des moment de calme et d’éclaircie vite remplacés par des bourrasques et des averses. L’apaisement et la musique qui qui précèdent un déluge de lacrymogène.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont encore pris les rues, avec un cortège de tête toujours aussi impressionnant, la jeunesse au rendez-vous, une ligne de syndicalistes CGT déterminés bras dessus bras dessous, une fanfare… Et un énorme dispositif policier, auquel Nantes semble indéfiniment condamnée. La peine à purger pour sa réputation de ville rebelle.

Toute la largeur du cour des 50 Otages est investie comme la semaine passée, empêchant une nasse mobile du cortège de tête. Premiers gaz Place du cirque, et beaucoup de solidarité. Les CRS reculent rue d’Orléans, mais il y a déjà des blessé-es : parapluies et feux d’artifice contre balles en caoutchouc. Les lignes de policiers semblent partout prêtes à attaquer, et la pluie tombe abondamment.

À la croisée des trams, tous les accès semblent cernés. Une incursion a lieu dans la petite rue Kervégan, seul passage pour aller vers le centre-ville et éviter le parcours dangereux imposé par la préfecture. Sérieux affrontements dans les ruelles, et doses de gaz ultra-concentré pour les irréductibles. Retour au calme à Hôtel-Dieu. Un canapé posé au milieu de la rue permet de prendre une pause, de regrouper des forces et de rigoler. Il sera transformé en feu de joie.

Mais des gaz tombent déjà à Gloriette. Le dispositif est très agressif : la doctrine, c’est l’anéantissement de tout regroupement en-dehors du sentier balisé qui mène à l’île de Nantes. Le cortège de tête démarre une course collective pour prendre la répression de vitesse sur le quai de la Fosse. Mais il y a tellement de flics que d’autres compagnies attendent déjà au loin. Nouveaux affrontements, et beaucoup de barricades enflammées.

D’un côté comme de l’autre du quai, les grenades tombent. Il y a beaucoup de courage et de détermination, face aux lâches qui tirent au LBD, cachés derrière des murs ou des voitures. Le black bloc est acclamé par le reste des manifestant-es. La révolte est unanime.

Retour sur le parking Gloriette, vidé de ses voitures, transformé en champ de tir par le préfet. Des grenades explosives GM2L détonnent. Celles qui arrachent des mains, utilisées à Sainte-Soline. Sauf qu’ici, c’est en pleine ville. À partir de là, c’est un festival. Grenades de désencerclement lancées en l’air, tirs à l’aveugle, explosions en tout genre… Ce parcours est décidément criminel.

La CGT, qui buvait un coup et écoutait de la musique à Gloriette, est encerclée par des dizaines de policiers cagoulés. Charges, coups, grenades et gaz. Tout y passe pour terroriser des syndicalistes. Plusieurs personnes sont embarquées, dont un homme ensanglanté à la tête. Scène terrifiante.

La situation semble compliquée, mais un cortège parvient tout de même à repartir vers le centre. Le soleil est de retour. Il va semer la pagaille et tenir la rue pendant des heures. Les derniers groupes ne seront dispersés qu’en fin d’après-midi dans le secteur de Vincent Gâche.

Pendant ce temps, un groupe de syndicalistes à vélo déambule avec des sacs poubelle. Un tas d’ordures est posé devant l’hôtel de luxe Radisson Blu, au cœur du quartier le plus chic de Nantes. Un autre devant une agence BNP Place Royale. Action maline qui déjoue la répression.

Mais la police organise une chasse à l’homme. La BAC débarque dans des bars à la recherche de manifestant-es. Deux personnes sont arrêtées dans un troquet. Un jeune homme est suivi dans un Carrefour et arrêté la lèvre en sang. Le régime de terreur du préfet de Nantes semble franchir de nouvelles limites à chaque manifestation. Il y a vraisemblablement un grand nombre d’interpellations. Mais les autorités sont en train de révolter une ville entière. La partie est donc loin d’être terminée.


Rendez-vous ce vendredi soir, 18h au miroir d’eau, après la décision du Conseil Constitutionnel.


Images : James C., Oli Mouazan, Estelle Ruiz

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