Petit-neveu de Macron « tabassé » ? Analyse d’un déchaînement médiatique et judiciaire

La devanture de la chocolaterie "Jean Trogneux" à Amiens : le neveu de Macron y aurait reçu des menaces, mais toutes les versions ne se valent pas.

Gros titres, reportages en boucle, «indignation» de la classe politique. Le petit-neveu de Brigitte Macron aurait été «tabassé» par une dizaine de manifestants à Amiens lundi soir. La scène décrite par les médias est cauchemardesque. La chocolaterie portant en grand l’inscription «Trogneux» – le nom de la Première Dame – au cœur de la ville picarde aurait reçu des «projectiles», puis son patron, âgé de 30 ans, serait sorti avant d’être «agressé» et «frappé au sol» par une meute en furie.

Le témoignage du papa de Jean-Baptise, Jean-Alexandre, est relayé non-stop à la télévision : le petit-neveu de Macron aurait été insultée, avant que les agresseurs ne se «jettent sur lui et le rouent de coups». Il ajoute : «Quand je parle de rouer de coups, c’est des coups de poing dans la figure, à plusieurs reprises, ils l’ont jeté au sol et l’ont tabassé avec des coups de pieds dans la tête, dans la tempe, dans les doigts, dans les bras». Il n’aurait dû son salut qu’à l’intervention d’un voisin. Terrifiant.

«En tant qu’oncle, je trouve le geste inacceptable. En tant que Président, je trouve ça inqualifiable» s’empresse de dénoncer Emmanuel Macron. Brigitte Macron parle de «lâcheté, la bêtise et la violence». Puis c’est un feu d’artifice. France Culture parle de «horde primitive», Ciotti de «terreur», un policier pro-Zemmour dénonce les «racailles», tous les politiciens sont sommés de «condamner avec fermeté». Les syndicalistes et élus de gauche sont relancés sur tous les plateaux pour soutenir la famille Macron. L’affaire prend le pas sur l’attentat d’extrême-droite commis à Saint-Brévin.

Les médias insinuent que Jean-Baptiste serait «gravement blessé», qu’il a dû subir «un scanner cérébral» et «qu’il a une commotion, plusieurs doigts abîmés, des côtes cassées». Pourtant, une première bizarrerie est annoncée, sans que personne ne la relève. Le neveu n’aurait «n’a pas souhaité être pris en charge par les pompiers» sur le coup, et n’aurait finalement reçu que 4 jours d’ITT. Cela ne concorde pas avec le récit apocalyptique du papa.

Le soir même, 8 personnes ont été interpelées et placées en garde à vue par la BAC. Après deux jours en cellule, 4 sont relâchées sans aucune poursuite judiciaire. Mises hors de cause. Parmi les quatre personnes toujours retenues, une jeune mineure de 16 ans. C’est une deuxième bizarrerie : on s’éloigne de plus en plus d’une attaque en meute, d’un «passage à tabac» ciblé par 10 personnes.

Les personnes relâchées vont alors expliquer leur version en sortant du commissariat. Des poubelles ont été posées devant l’entrée de la chocolaterie, fermée au moment des faits, à 22h. Aucune dégradation, aucun projectile, comme c’était raconté. «Le neveu de Brigitte Macron a bousculé notre camarade, on est venus pour séparer et, quand on est repartis, une voiture de la BAC est venue». Un autre homme arrêté confirme cette version : «Jean-Baptiste Trogneux est intervenu, il a plaqué au sol mon collègue. Autant vous dire que mon collègue ne s’est pas laissé faire». Une personne s’est alors interposée : «un autre collègue est juste intervenu» pour les séparer. Le fait qu’ils aient été relâchés, probablement sur la base de la vidéosurveillance, va dans ce sens plutôt que celle de la version répétée en boucle la veille.

«On a retenu la personne de la boutique qui voulait frapper un de nos camarades, et c’est lui qui se retrouve en garde à vue pour rien du tout» répètent ces témoins.

Il s’agit en fait d’une altercation : un commerçant mécontent a bousculé un manifestant, des coups ont été échangés, heureusement sans gravité, avant qu’un autre manifestant ne fasse cesser les tensions. Pas de quoi monopoliser toute l’attention médiatique pendant des jours, ni créer un martyr du macronisme. Des tabassages, des vrais, qui provoquent des blessures graves, il y en a eu des centaines par la police depuis le début du mouvement, sans que les médias n’en parlent.

En attendant, il faut des exemples pour éviter que la baudruche ne se dégonfle totalement. Les quatre arrêtés restants sont envoyés en comparution immédiate ce mercredi. Une adolescente devant le juge pour enfants. Et des homme en grande précarité : un travailleur handicapé, un homme sous curatelle. Pour quatre jours d’ITT et un déroulé encore bien trouble, ils sont placés en détention provisoire jusqu’au procès fixé le 5 juin. Trois semaines de taule avant même leur jugement. Pour une altercation.

Les autorités annoncent même désormais que des policiers vont passer «chaque heure» sur les plages de fermeture de la chocolaterie. Une protection plus rapide et efficace que pour le maire de Saint-Brévin visé par l’extrême-droite.

Criminalisation de gestes désespérés alors que la violence institutionnelle frappe partout. Justice de classe. Et emballement médiatique. Encore et toujours.


Une source mainstream : https://rmc.bfmtv.com/actualites/police-justice/violences-contre-le-petit-neveu-de-brigitte-macron-des-agresseurs-presumes-temoignent-sur-rmc_AV-202305170057.html

Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.

Pour ne rien manquer de nos publications, suivez-nous sur nos réseaux