Milice patronale dans le Nord : un syndicaliste de Verbaudet séquestré, une autre blessée par la police


Tentatives de terroriser une grève héroïque


Banderoles et fresque revendicatives des grévistes de Vertbaudet

Pendant que les médias font leurs Unes sur le patron d’un chocolaterie secoué lors d’une altercation ou sur des caricatures de Macron, la violence, la vraie, frappe le mouvement syndical. Ça se passe dans le Nord, près de Lille. Une grève ouvrière tient depuis deux mois dans l’entreprise Vertbaudet, qui fabrique et achemine des vêtements et des jouets.

Les ouvrières (la main d’œuvre est très majoritairement féminine) réclament une augmentation des salaires. Non seulement le patron refuse toute négociation, mais la police terrorise les grévistes. Une vraie milice patronale. Voici un aperçu de cette situation insupportable :

Le 17 mai Mohammed, délégué syndical CGT de l’entreprise, rentre d’une journée de mobilisation lorsqu’il tombe dans un guet-apens. Des individus inconnus l’interpellent verbalement : «Toi le gréviste, toi le délégué syndical», avant de l’emmener de force dans leur voiture. Le père de famille est aspergé de gaz lacrymogène, se fait cracher au visage, tirer les cheveux et voler ses papiers. Enfin, il est sorti du véhicule, lâché dans la nature après l’agression.

L’enlèvement a eu lieu sous les yeux de son fils de 16 ans et toute sa famille est sous le choc. Mohammed ne sait pas précisément s’il s’agit de policiers en civils ou d’une milice privée envoyée par le patron de la boîte. Une chose est sûre, ce sont des méthodes de voyous fascistes : une scène digne de dictatures latino-américaines.

Les médias n’en parlent quasiment pas, ou alors au conditionnel : «la CGT dénonce l’agression du délégué Vertbaudet, qui serait survenue mardi 16 mai dans la soirée» titre France 3. Le délégué CGT n’a pas déposé plainte, de peur des représailles.

Le 16 mai, jour précédant cet enlèvement, les forces de l’ordre interviennent pour déloger le piquet de grève qui bloque l’entrepôt de Vertbaudet. Claudia, une salariée de 36 ans, va finir aux urgences. La gréviste est violentée par un policier lors de l’évacuation : «Il m’a prise pour cible, il m’a attrapée au cou et m’a soulevée du sol. Je me suis sentie partir quelques secondes» raconte-t-elle à Street Press. Les témoins confirment qu’elle a été prise par la gorge. La mère de famille porte désormais une minerve et a déposé plainte.

Le 15 mai déjà, la police s’en était déjà prise au piquet de grève. Deux soutiens du mouvement, syndiqués CGT, ont été interpelés et ont fait 48h de garde à vue.

Cette affaire révèle la férocité de la bourgeoisie et le recours à la police comme milice patronale. Elle révèle aussi l’indifférence totale des grands médias nationaux lorsqu’il s’agit de syndicalistes ou de manifestant-es agressé-es. Alors même que ces médias tentent de nous faire pleurer pour des vitrines de banques ou pour le petit-neveu de Macron.

Rappelons-nous qu’en 2021 une patronne avait mis un contrat sur la tête d’un syndicaliste de son entreprise. Muriel, à la tête d’une entreprise de plasturgie dans l’Ain, voulait faire assassiner Hassan, adhérent à la CGT, qui avait manifesté en 2018 aux côtés des Gilets Jaunes de sa ville, et pour défendre les retraites l’année suivante.

Muriel a reconnu qu’elle avait engagé un tueur à gage pour assassiner le syndicaliste. Elle avait «peur qu’il ne fédère d’autres salariés autour de lui et que des syndicats se déclarent». Elle avait alors approché une cellule criminelle composée de francs-maçons, de policiers, d’anciens militaires. La cellule a été démantelée, ce qui a permis de remonter à cette commande. «Au cours de repas et de week-ends au ski», la patronne avait posé contrat sur la tête du syndicaliste, qui faisait partie d’un «pack» formation + audit + élimination. Le tout pour environ 80.000 euros, réglés en «quatre factures». Le bras armés du groupe criminel avait déjà espionné sa «cible», avec des surveillances et des photos du domicile et de la voiture du syndicaliste. Heureusement, il n’a pas eu le temps de passer à l’acte.

Terrifiant ? Malheureusement habituel. La Troisième République n’hésitait pas à mitrailler les grévistes. Juste après la guerre le ministre de l’Intérieur socialiste, Jules Moch, envoyait l’armée pour anéantir des grèves de mineurs. Dans les années 70, des contremaitres faisaient régner la terreur dans certaines usines.

L’histoire de Vertbaudet et les barbouzeries patronales renvoient à la nature même du fascisme. Historiquement, les fascistes sont des groupes violents recrutés par les patrons italiens dans les années 1920, pour tabasser les ouvriers et casser violemment les mouvements de grève. Le fascisme est une forme radicalisée du capitalisme patronal. Lorsqu’un syndicaliste est kidnappé devant son fils, nous n’en sommes pas loin.

Face à la gravité des attaques contre notre camp, nous restons immensément sages et timides. L’affaire Vertbaudet mériterait à elle seule une grève générale et des attaques ciblées. N’ayons pas peur : lorsqu’il est organisé, notre camp social peut facilement balayer toutes les milices qui nous entravent.


Pour soutenir les grévistes de Vertbaudet dans leurs luttes, une cagnotte est disponible.

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