Teknival : démonstration d’autogestion dans l’Indre


30 ans de culture festive et revendicative : ça passe et ça bass. Retour sur une victoire du mouvement Free Party


Cela faisait près de quatre ans qu’il n’y avait pas eu de grand Teknival en France. Le dernier était à la mémoire de Steve Maia Caniço, porté disparu à Nantes dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, jour de la Fête de la musique. L’intervention violente de la police sur le quai Wilson avait fait tomber plusieurs personnes dans la Loire. Le corps de Steve y avait été retrouvé plus d’un mois après les faits.

Cet événement baptisé tek’steve’all, s’était déroulé sans encombre à Sainte-Luce-sur-Loire : un tekos revendicatif, où presque 15.000 personnes s’étaient retrouvées pour faire entendre leur voix. Après le tek’steve’all en 2019 et plusieurs rassemblements les années d’après, il y avait eu la nuit du 18 au 19 juin 2021, à Redon. Un teknival en hommage à Steve qui avait débuté par des tirs de lacrymogènes, ainsi que des grenades explosives GM2L. Les affrontements avaient duré sept heures et s’étaient soldés sur une main arrachée et des dizaines de personnes blessées.

C’est après ces années de répression grandissante que démarre la préparation des 30 ans du Teknival, rendez-vous annuel des Free Party, qui sera une réussite. Retour sur cet événement massif et réussi qui a culminé durant le week-end du 20 et 21 mai.

Châteauroux. Premier point de rassemblement pour les soundsystems du tekos. Cela fait plusieurs mois que les organisateur-ices donnent leur énergie et leur cœur à préparer leur matériel, créer leurs décorations, leurs stands et leurs sets. Les DJ, les créateur-ices, les cuisinier-ères, les technicienen-nes… se sont donné-es pour faire passer au public une des plus mémorables soirées de leur vie. Venus des quatre coins de la France et même d’ailleurs, pour pouvoir partager, danser, aimer, tout ça rythmé par la frénésie des basses.

Mercredi 17 mai, ça y est, l’heure de la fête a sonné. La veille, les premiers sounds ont commencé leur périple pour se rapprocher des premiers points de rendez-vous en jouant au chat et à la souris avec les forces de l’ordre. Le convoi est parti vers 2h, et ce sera le début de longues heures d’attente, jusqu’à douze pour certain-es, mais les teufeur-euses savent pourquoi iels sont là. Le 18 mai, vers 4h du matin, les premières sonos sont montées pendant que le reste du matériel entre petit à petit sur le site. Le son débutera vers 14h pour le plus grand bonheur des participant-es pendant qu’un grand village est en train de se dessiner dans le champ en jachère.

D’après le préfet de l’Indre, il n’est pas question de disperser un rassemblement festif, avec déjà plus de 15.000 participant-es le premier soir. Du côté du propriétaire du terrain, il est plutôt confiant, et se laisse aller à la curiosité en allant au contact des fêtard-es : “Question de respect, je peux vous dire, ce sont des jeunes respectueux et très gentils”. Le maire de Villegongis, quant à lui, est tout aussi optimiste : “Je suis allé tous les jours voir ce qu’il se passait sur le site. J’ai toujours été très bien reçu par des gens calmes, très courtois et très accueillants. Certains m’ont même invité à déjeuner. Pour moi, c’est bien”.

Un point de vue qui contraste avec les discours anxiogènes des médias. Durant tout le week-end, alors que l’ambiance était excellente sur place, les grandes chaînes d’information en continu n’ont pas arrêté de diffuser le nombre de personnes secourues sur place et le nombre de contrôles. Pourtant, tous les grands événements qui réunissent des dizaines de milliers de personnes connaissent les mêmes soucis sans pour autant créer de polémique. La déception de ne pas avoir d’images d’affrontements était palpable sur les plateaux télé. Sur la chaîne du milliardaire Bolloré, les chroniqueurs appelaient ouvertement à aller déloger le Teknival, fustigeant “l’absence d’autorité de l’État”. La caste médiatique, avide de répression, n’avait pas ce qu’elle désirait : voir la jeunesse une nouvelle fois gazée et privée de fête.

Après tout, le site est un champ en jachère qui sera minutieusement nettoyé pendant et après l’événement. Car en effet, sous ces allures de fêtes, que certains considèrent comme irresponsable, la free party a toujours revendiqué des valeurs de liberté, d’acceptation et d’anticapitalisme. L’autogestion est la clef de ces soirées techno qui prônent une autre manière de faire la fête. Ces idéologies font bien évidemment peur au gouvernement qui devient de plus en plus répressif à l’encontre de ces soirées.

En fin de Teknival, les autorités ont tout de même saisi, c’est-à-dire confisqué, 17 platines, 87 caissons, 40 enceintes, 20 amplificateurs de sons, 12 groupes électrogènes, 2 ordinateurs portables et 1 rampe lumineuse, dont 11 murs de son. Une minable vengeance.

Mais le Teknival 2023 a prouvé que lorsque le pouvoir exécutif laissent faire, ces soirées peuvent se dérouler dans le respect d’autrui, du matériel, du site ainsi que des participant-es. Elles ne sont pas un exemple parfait à suivre à la lettre, mais poussent à se remettre en question sur nos relations, notre jugement envers l’inconnu, ainsi que notre surconsommation sur une planète où les ressources se font de plus en plus rares.

Rave on.

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