Yvan Colonna, militant indépendantiste corse était décédé suite à une violente agression le 2 mars 2022 par un co-détenu de la prison d’Arles. Le militant avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, à la suite d’une procédure douteuse, avec des doutes émis y compris par un légiste et des rétractations de témoins. Yvan Colonna n’a jamais cessé de clamer son innocence, sans jamais changer de version.
Son agression, en plein centre de détention, sous la surveillance complice de l’administration pénitentiaire et des caméras de surveillance, interroge… Les deux détenus étaient en effet placés sous le statut de détenu particulièrement signalé (DPS). Comment ce détenu «particulièrement signalé» a pu être laissé seul, pendant une période aussi longue, en compagnie d’un détenu psychotique très violent ? Pourquoi Yvan Colonna n’a pas été rapatrié en Corse alors qu’il le demandait depuis des années ? Dans les jours qui ont suivi son assassinat, une vague de révolte avait embrasé la Corse.
Suite à cette flambée de colère, une commission d’enquête parlementaire avait été ouverte. Le rapport de celle-ci, publiée mardi 6 mai, pointe de «graves défaillances des autorités», mais révèle également un échange de SMS choquants entre deux préfets, l’un d’eux défendant la peine capitale. Il estime que les faits plaident pour «le rétablissement de la peine de mort» et que le détenu auteur de l’assassinat de Colonna «n’a fait que ce que l’État aurait dû faire à l’époque». Leur identité n’a pas été révélée, mais ces deux préfets sont toujours en exercice. Il faut noter que «ces échanges ont lieu entre le 10 mars et le 11 mars 2022, c’est-à-dire au moment de la décision de levée du statut de DPS d’Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri [deux autres membres du commando Érignac, précise Médiapart], à la suite de l’agression mortelle d’Yvan Colonna du 2 mars 2022». Les deux préfets contestent ainsi la levée de ce statut, qu’ils qualifient de «décision scélérate».
Ces échanges «confirment qu’une rancœur et une “haine” existaient bien au sein de certaines sphères de la haute administration d’État concernant le “commando Érignac”» déclare le député Jean-Félix Acquaviva (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, Liot), qui présidait la commission d’enquête parlementaire.
Si de tels propos peuvent être tenus dans les plus hautes sphères de l’État, il ne fait nul doute que l’inaction du personnel pénitentiaire lors de l’agression a largement pu être influencée dans une logique de vengeance des autorités à l’encontre d’un militant à qui l’on attribue la mort d’un préfet. Pour les indépendantistes Corses, il ne fait en tout cas aucun doute que la mort de Colonna est une vengeance d’État qui ne dit pas son nom.
L’inspection générale de la justice avait dévoilé dès juillet 2022 son rapport sur les circonstances de la mort d’Yvan Colonna. Elle y décrivait dans les détails, vidéo à l’appui, l’agression très violente du militant qui a duré 9 minutes, sans qu’aucun surveillant n’intervienne. C’est par la suite l’agresseur qui interpelle un surveillant pour l’informer du «malaise» de son co-détenu. Le surveillant a bien déclenché son alarme portative mais le rapport dénonce «une certaine nonchalance dans sa manière de procéder, son peu d’empressement à secourir un homme de 60 ans gisant inanimé sur le sol alors qu’il pourrait le placer en position latérale de sécurité».
La mort d’Yvan Colonna n’est pas un fait divers, elle s’inscrit dans une longue liste de décès en détention : agressions, suicides, mauvaise traitements… la prison tue. L’Observatoire international des prisons comptabilise en moyenne un décès tous les deux ou trois jours en France. Les conditions de détention y sont indignes. L’enfermement est conçu pour être une sanction punitive et dégradante, marquer les corps, atteindre la dignité humaine… sans aucune réflexion concrète sur le sens de la peine et la réintégration dans la société.
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