Le 14 juin 2023, le Conseil de l’Europe a fait part de son inquiétude quant à l’utilisation massive de l’article 49-3 de la Constitution et le risque que celui-ci porte sur la séparation des pouvoirs. En mai et en juin, c’est l’ONU qui s’inquiète de la répression policière et des techniques de maintien de l’ordre utilisés contre le mouvement social et les populations non-blanches. Depuis la mort de Nahel, l’ONU a publié une troisième alarme concernant la police française et ses pratiques racistes. La France de Macron alerte désormais les observateurs internationaux avec une régularité déconcertante. Darmanin va-t-il réclamer la dissolution de l’ONU ?
Dans un avis rendu par le Conseil de l’Europe, l’organisation internationale, spécialisée notamment dans la défense des droits humains et des libertés fondamentales, met en garde l’usage répété du 49-3 pour imposer des décisions autoritaires sans le consentement de la majorité de la population. Elle questionne ainsi le risque que fait peser cette pratique, désormais régulière du gouvernement, sur le principe de séparation des pouvoirs.
Rappelons que ce principe, consacré tout d’abord par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen en 1789, fait partie intégrante de la Constitution de la Vème République. Ce principe à valeur constitutionnelle énonce ainsi que «Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution». La constitution de 1848 estimait dans son article 19 que le principe de séparation des pouvoirs était «la première condition d’un gouvernement libre».
Concrètement, ce principe implique une séparation effective entre le pouvoir législatif (qui discute les lois et en décide la nature), le pouvoir exécutif (qui met en application les lois) et le pouvoir judiciaire (qui juge si la loi a été correctement appliquée). Pourtant, n’importe qui a déjà mis les pieds dans un tribunal sait déjà le lien de dépendance étroit entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. Les procureurs suivent les orientations de politiques pénales du gouvernement et sont directement soumis au Garde des Sceaux, le ministre de la Justice. La Cour Européenne des Droits de l’Homme dénonce déjà depuis longtemps la dépendance du Parquet vis-à-vis du pouvoir en place et a d’ailleurs condamné la France à cet égard.
En ce qui concerne l’absence de séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, le constat est accablant. En à peine plus d’un an, le gouvernement Borne a utilisé l’article 49-3 onze fois ! Une procédure qui place l’exécutif comme législateur, en niant tous les principes démocratiques et en permettant ainsi au pouvoir en place de faire la loi en-dehors de tout contrôle parlementaire.
La séparation des pouvoirs en France est donc depuis longtemps un mythe. La Constitution de la Vème république, notamment son article 49-3, donne toute liberté au gouvernement de passer outre la volonté du peuple, et permet ainsi d’instaurer en toute légalité un régime autoritaire. Et comme tout régime autoritaire, détesté par une grande partie de la population, celui-ci ne peut tenir sans la répression policière et judiciaire de ses opposant-es. L’État ne tient que par sa police et les juges qui la protègent.
Dans un rapport de l’ONU publié le 16 juin dernier, celui-ci alerte sur l’usage excessif de la force par la police française. Les experts des Nations Unies, mandatés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, s’inquiètent ainsi de «l’usage excessif de la force» de la part des autorités françaises, et appellent à «procéder à un examen complet» des pratiques du maintien de l’ordre dans l’hexagone. Ces experts rappellent que «toute stratégie de maintien de l’ordre doit respecter les principes de nécessité et de proportionnalité».
Une problématique qui s’étend bien plus largement que dans le seul cadre du maintien de l’ordre des manifestations. La police mutile, viole et tue, partout. Le récent meurtre de Nahel nous le rappelle tristement. L’ONU pointe également depuis des mois les discriminations au sein de la police française. Un racisme d’État avéré, mondialement constaté.
Dans les banlieues, dans les manifs, dans les stades, au sein des commissariats comme partout ailleurs, la police française dispose d’une impunité la plus totale, et n’hésite donc aucunement à faire usage de la pire barbarie, dissimulée sous l’anonymat de l’uniforme et protégée jusque dans les plus hautes sphères de l’État.
Après la mort de Nahel, l’ONU vient d’adresser une nouvelle mise en garde à la France, exigeant aux gouvernement de se pencher «sérieusement sur les profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale» au sein des forces de l’ordre. La réponse des autorités françaises ? «Toute accusation de racisme ou de discrimination systémiques par les forces de l’ordre en France est totalement infondée. Le dernier examen périodique universel nous a permis d’en faire la démonstration».
Notre pays est celui du déni permanent et de la double pensée. Un pays dont le roman national est basé sur la Révolution, mais qui passe son temps à écraser toute révolte. Un pays prétentieux qui prétend diffuser des «valeurs universelles» mais qui applique une politique d’extrême droite et dont le gouvernement ne tient que grâce à une police raciste et militarisée. À force de faire le grand écart, on finit par créer des déchirures.
Sources :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/la-separation-des-pouvoirs
https://www.politis.fr/articles/2023/06/onu-etrille-la-france-pour-son-maintien-de-lordre/