Révolte pour Nahel : une répression d’une violence inédite


Un bilan provisoire à faire connaître, pour ne pas oublier


Nous avons tenté de recenser les victimes de la répression de la révolte après la mort de Nahel. En quatre nuits seulement, la police a tué un homme, brisé plusieurs vies à tout jamais, procédé à des milliers d’arrestations. Sans compter le nombre considérable de blessés qui ne se signaleront sans doute jamais. Voici donc un bilan provisoire de cette répression militarisée dans banlieues :

Violences physiques

➡️ Un mort à Marseille

Dans la nuit du 1er au 2 juillet : Mohamed, livreur de 27 ans, père d’un fils de deux ans et qui attendait un autre enfant, a été tué par un tir de LBD. Alors qu’il circulait à scooter ce soir là, il est retrouvé mort, avec le choc d’une balle en caoutchouc dans le thorax. Les dernières images retrouvées dans son téléphone sont une vidéo de policiers arrêtant un homme, filmées quelques minutes avant qu’il ne soit retrouvé. Un policier a donc abattu Mohammed avant de le laisser agoniser sur le bitume.

➡️ Deux personnes dans le coma

À Mont Saint-Martin, en Lorraine, le 30 juin. Aimène, agent de sécurité de 25 ans, rentrait du travail et venait de rejoindre ses amis. Alors qu’ils sont en voiture, le jeune homme reçoit un tir en pleine tête : un «bean bag», une cartouche contenant du plomb, tirée par le RAID. Il est plongé dans le coma. Les habitants de la ville racontent une nuit «terrifiante» durant laquelle le RAID «tirait à tout va», dissimulé dans les buissons. Un habitant a filmé une scène dans laquelle on voit trois voitures roulant à faible allure, puis le RAID tirer en leur direction.

À Marseille, le 1er juillet, Hedi est laissé pour mort. Il sort de son travail en hôtellerie vers 1h30 et rejoint un ami. Coincé dans une ruelle par des policiers en civil, il reçoit un tir de LBD dans la tempe avant d’être passé à tabac. Il fait une rupture d’anévrisme, puis sombre dans le coma. Miraculeusement, il se réveillera après une prise en charge en urgence absolue. «Selon les médecins, j’aurais dû être un légume» dit-il à la presse. Il garde de lourdes séquelles et devra être réopéré.

➡️ Cinq éborgnés

Virgil éborgné par LBD à Nanterre, le 29 juin. Après la marche blanche pour Nahel appelée par la mère du défunt, cet ancien militaire part s’acheter à manger. «Hé toi, casse-toi !» lui crie un policier. Virgil relève la tête en direction des agents. «La dernière image enregistrée par mon œil gauche est celle du point lumineux du LBD avec lequel le policier me visait». Il perd un œil sur le coup.

Le 27 juin, un autre jeune homme est éborgné à Nanterre. Une vidéo montre un très jeune garçon évacué sur un fauteuil avec une blessure saignante à l’œil, dès le premier jour de révolte suite à la mort de Nahel. Son nom n’est pas connu.

Mehdi a été éborgné par LBD à Saint-Denis. C’était le mercredi 28 juin au soir. L’impact du tir l’a gravement blessé à l’œil et à la tempe droite. Il est laissé au sol, se réfugie dans une école et appelle les secours seul.

À Angers le 3 juillet, un homme de 32 ans est éborgné par un tir de LBD dans le centre-ville, alors que la police protégeait un local d’extrême droite. Au même moment, un autre homme est gravement blessé par un autre tir de LBD qui lui fracture le visage.

Aux Ulis, en région parisienne, une femme qui rentrait du travail a reçu un tir du RAID dans sa voiture en pleine tête.

➡️ Une main arrachée

Le 30 juin à Villejuif, des morceaux de main sont retrouvés dans la rue. Un journaliste de Cnews, informé par la police, parle d’un «morceau de phalange et les restes de grenade» qui «ont été prélevés» par la police pour retrouver la victime, qui ne s’est pas manifestée.

➡️ D’autres cas nous ont été signalés, mais préfèrent rester secrets pour le moment, notamment un hématome intra-crânien par un tir de LBD. Des dizaines d’autres personnes ont subi des passages à tabac au moment de leur arrestation. Lors de nombreux procès, les personnes arrêtées arrivaient avec des hématomes et des plaies dans la salle du tribunal.

Violences judiciaires

➡️ La police a procédé à 3400 arrestations en 4 nuits.

➡️ En 2 semaines, 1278 jugements ont été prononcés, avec un taux record de 95% de condamnations. 63% ont été condamnés à de la prison ferme, avec une moyenne des peines de 8,2 mois. Il s’agit très souvent de simples vols en marge des émeutes. Par exemple des personnes qui ont été interpellées après avoir récupéré de la nourriture ou des vêtements dans des magasins.

➡️ Pour le moment, près de 600 personnes ont été incarcérées.

Et ce ne sont que les interpellations immédiates. Les enquêtes, perquisitions et arrestations a posteriori vont continuer pendant des mois.

Une violence inédite

En comparaison, en une année de révolte des Gilets Jaunes, 3204 condamnations ont été prononcées, pour un total de 440 Gilets Jaunes incarcérés. Ce qui était déjà énorme, et qui le reste : une violence judiciaire extrême pour l’époque.

Sur le plan des dégâts humains, du traitement judiciaire et de l’arsenal déployé, la répression de juin/juillet 2023 est tout simplement inédite depuis la guerre d’Algérie. Surtout sur un laps de temps aussi court : un mort, deux comas, autant de mutilés et de peines de prisons pour quatre nuits de colère seulement – suite à l’exécution d’un adolescent, rappelons-le. C’est bien plus violent que durant la réforme des retraites, les Gilets Jaunes, Notre-Dame-des-Landes ou même les émeutes de 2005.

Et le pire ? Les médias ne parlent quasiment pas de cette répression inouïe, ou alors pour la trouver insuffisante. Elle est considérée comme normale, légitime, incontestable puisqu’elle s’exerce sur des corps non-blancs, habitant les banlieue, et contre une révolte qui n’emprunte pas les formes «classiques» de la contestation.

Pourtant, tout le monde devrait regarder avec gravité ce qu’il se passe, et exiger réparation pour les blessés et liberté pour les inculpés. Car ce qui a été testé pendant ces quatre nuits d’été dans les banlieues française sera, soyez-en sûrs, généralisé contre toutes les formes de contre-pouvoirs.

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