
La contestation se poursuit en Israël contre la réforme judiciaire, qui porte gravement atteinte à la séparation des pouvoirs. Cette loi du gouvernement d’extrême droite a été votée lundi, mais des milliers de personnes continuent de se mobiliser. Dans ce contexte, les autorités ont aspergé les manifestants de «skunk water», littéralement «eau de putois» : un liquide propulsé avec des canons à eau, à haute pression, contenant une mixture chimique à l’odeur pestilentielle, qui reste sur la peau et les vêtements, pour humilier durablement les victimes.
En matière de répression et de sadisme, nos dirigeants ont une imagination sans limite. Dans les rues de Tel Aviv, des manifestant-es ont mis des bouchons dans leur nez ou ont des brins de romarin cueillis pour tenter de couvrir la puanteur. Certains médias ont raconté que c’était la «première» utilisation d’une telle arme humiliante. Il n’en est rien. En réalité, ce liquide pestilentiel sert depuis des années d’arme contre les palestiniens.
Inventé par la société israélienne Odortec, ce produit chimique a été projeté pour la première fois par l’armée israélienne contre des manifestant-es en Cisjordanie occupée en 2008. Il s’agissait de punir les habitant-es d’un village qui manifestaient. Les personnes touchées décrivaient l’odeur «comme un mélange d’excréments, de gaz nocifs et d’un âne en décomposition», qui peut provoquer des vomissements. Le produit se lave très difficilement et peut imprégner les tissus pendant des années.
En Palestine, au-delà des cortèges protestataires, les canons à eau arrosent régulièrement des bâtiments, des magasins, des écoles ou des maisons, les rendant irrespirables. Il s’agit de punitions collectives, visant des quartiers ou des villages entiers à soumettre, même en dehors de moments de manifestations.
Comme à chaque innovation dans l’horreur, les autorités parlent d’un «moyen efficace et non létal de dispersion des émeutes» visant à réduire le risque de victimes. La police israélienne vante même une option «humaine». Comme pour le LBD ou le Taser : ces armes étaient censées éviter de tuer. La société américaine Mistral Security, qui fournit la Skunk Water aux États-Unis, la recommande pour une utilisation aux «frontières, établissements correctionnels, manifestations et sit-in».
En Israël, les fabricants du produit vendent aussi un «savon spécial» réservé aux autorités mais inaccessible au grand public, qui neutralise l’odeur.
Les manifestant-es israélien-nes sont donc en train d’expérimenter dans leur chair les armes utilisées depuis des années contre les palestinien-nes. Les outils de répression qui frappent les populations marginalisées finissent toujours par être généralisés au reste de la population. À Tel Aviv comme à Paris.
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