Affaire “France Travail” : une banalisation du crime en col blanc

Évoquée par Macron pendant sa campagne, la transformation de “Pôle Emploi” en “France Travail” promettait d’améliorer la coordination des différents organismes de l’emploi par la création d’un guichet unique. Pourtant, le 12 juillet dernier, le journal Blast révélait dans une enquête comment cette réforme “imaginée et conceptualisée par le meilleur ami et témoin de mariage d’Emmanuel Macron va profiter aux affaires de son père et à lui-même. Ce circuit, qui relie le député Renaissance Marc Ferracci et son père Pierre Ferracci, passe par une société que le second a créée avec deux hommes dont il est le mentor, et un accord qui fait de son groupe Alpha le grand bénéficiaire de la réforme de Pôle Emploi. Blast révèle également, fait aggravant de ce mélange des genres insensé, que le député des Français de l’étranger va… lui aussi bénéficier de la loi dont il est rapporteur à l’Assemblée Nationale.”

Malgré l’ampleur de ces révélations, l’écho médiatique est inexistant. Aucun média ne semble reprendre l’information, aucune interview des protagonistes n’est programmée. Les dessous de l’affaire rappellent pourtant directement les affaires Kohler, Uberfile, Schiappa ou Mc Kinsey qui avaient su capter l’attention et occuper le débat sur les collusions entre public et privé sous le gouvernement Macron. La faute à un terrain médiatique occupé par les émeutes et la fronde des policiers ? Pas vraiment, car le journal Le Monde avait en même temps l’audace de faire sa Une sur la fraudes sociales. Un excellent contre-feu dont la macronie a le secret. Côté institutions, aucune commission d’enquête parlementaire, aucun procès pour conflit d’intérêt ne semble prendre forme. Seule conséquence visible : Marc Ferracci sera poussé à abandonner son poste de co-rapporteur de la commission des affaires sociales qui devait statuer sur la réforme France Travail.

Ce silence assourdissant est organisé structurellement. Les médias sont bien trop souvent complaisants face à la criminalité en col blanc par rapport à d’autres types de délinquances. Il n’y a qu’à voir le contraste d’exposition entre les émeutiers et des voleurs capitalistes notoires comme les Balkany ou Carlos Ghosn. Certains sont enfermés sans possibilité de s’exprimer après des comparutions expéditives au tribunal, d’autres sont invités sur les plateau télé pour se plaindre d’un acharnement judiciaire face à des journalistes compatissant-es. La faute également à des contre-pouvoirs trop souvent vidés de leur substance ou même carrément mis sur la touche. On pense à l’association Anticor, contre la corruption et pour l’éthique en politique, qui vient de perdre son agrément de la HATVP, le précieux sésame qui lui permettait d’agir en justice dans les affaires d’atteinte à la probité. Côté institutions, seule une cinquantaine d’agents sont placés sur ce type d’enquêtes financières complexes. À titre de comparaison les agents de l’inspection du travail sont plus de 3500 sur tout le territoire, et c’est pourtant déjà bien insuffisant. Pour pallier à ce manquement, la société civile est bien souvent obligée de compter sur de rares lanceurs d’alerte, qui sont traqués et poursuivis en justice. Rompre le silence étant bien souvent un suicide social, familial, professionnel et financier.

Alors que faire face à ce conflit d’intérêts entre sphères publiques et privées qui gangrène l’appareil d’État et notre organisation collective ? D’abord dénoncer avec force ce braquage en bande organisée, sur toutes les plateformes disponibles. Soutenir les médias indépendants, protéger la liberté de la presse. On peut militer contre le recours abusif à des cabinets de conseil pour l’organisation collective ou encore restreindre les versements d’aides publiques au secteur privé. Avec un rapport de force suffisant, on peut rêver de soumettre un jour les décisions publiques à des assemblées populaires afin de garantir l’intérêt général. Les efforts à déployer sont larges tant la toile du secteur privé a su s’insinuer dans nos organes de décisions politiques mais l’enjeu est de taille pour construire une société juste et débarrassée de ses véritables parasites : la bourgeoisie vorace et sociopathe.

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