Une journaliste perquisitionnée et placée en garde à vue par la DGSI


Attaque inédite contre la liberté de la presse


6h du matin ce mardi 19 septembre. Le domicile de la journaliste Ariane Lavrilleux est perquisitionné par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la police politique du gouvernement, et emmenée en garde à vue dans leurs locaux.

Cette interpellation a lieu sur fond d’enquête pour «compromission du secret de la défense nationale et révélation d’information pouvant conduire à identifier un agent protégé».

Ariane Lavrilleux travaille pour le média d’investigation Disclose et publie également des articles sur Médiapart. En l’occurrence, l’opération policière menée ce mardi vise une enquête publiée par Disclose en novembre 2021 sur un opération militaire française en Égypte, baptisée Sirli. Le média d’investigation révélait que le renseignement français avait été utilisé par l’armée égyptienne pour traquer et assassiner des civils. Une vingtaine de frappes contre des civils avaient été menée sur la base des renseignements français entre 2016 et 2018. Tout cela par le régime du Maréchal Al-Sissi, dictateur égyptien ami de Macron. Suite à ces révélations, une plainte avait été déposée contre la France pour «complicité de crime contre l’humanité».

Plutôt que de reconnaître ces crimes, les autorités françaises arrêtent une des journalistes qui a révélé ces faits. Mathias Destal, cofondateur de Disclose dénonce «une violation manifeste grave et inquiétante du secret des sources». «C’est une escalade dans un système d’intimidation et de répression sur les journalistes qui font leur métier. On franchit un cap», estime le journaliste. C’est en effet une atteinte inédite au secret des sources, base de la liberté de la presse. Cette attaque n’est pourtant pas la première.

En juin 2023, un photojournaliste ayant couvert une action de désobéissance civile contre le cimentier Lafarge était arrêté dans le cadre d’un coup de filet anti-terroriste. Il est désormais mis en examen pour «association de malfaiteurs», uniquement pour avoir fait son travail.

En avril 2019 : le média Disclose était déjà inquiété par la DGSI après avoir enquêté sur les armes françaises vendues au Yemen. Le gouvernement avait menti en prétendant qu’aucune arme française n’était utilisée dans la guerre atroce menée au Moyen Orient. Disclose avait alors prouvé que la France avait exporté pour 1,4 milliards d’euros d’armes à l’Arabie Saoudite, qui massacre des dizaines de milliers de civils au Yemen. Deux journalistes avaient été convoqués par la DGSI.

En mai 2019, la journaliste Ariane Chemin, reporter au quotidien Le Monde, était convoquée par les services de renseignement pour son enquête sur l’affaire Benalla. C’est elle qui avait réalisé des articles sur les réseaux mafieux qui entourent Benalla, au sommet de l’État, dans les cercles de l’Élysée.

Le vendredi 18 novembre 2022, le tribunal de Paris ordonnait, sans audience ni débat contradictoire, la censure préalable d’une enquête de Médiapart à propos de l’ancien maire de Saint-Étienne Gaël Perdriau, qui avait fait chanter l’un de ses adjoints avec une sextape filmée à son insu.

Le 6 octobre 2022 le tribunal de commerce de Nanterre, au nom du secret des affaires, condamnait le média Reflets.info. Le site avait démontré que le milliardaire Patrick Drahi avait menti devant les sénateur lors d’une audition, en affirmant qu’il n’avait pas de société au Panama. La justice a même interdit au média de publier «de nouvelles informations» sur le milliardaire.

Et tout cela sans parler des nombreux reporters de terrain visés dans leur chair par les violences policières.

L’an dernier, une étude du journal The Economist s’alarmait d’un «énorme recul des libertés démocratiques» dans notre pays, classant la France dans la catégorie des «démocraties défaillantes». La France est désormais un régime autoritaire, où les rares médias non-contrôlés par les ultra-riches sont censurés ou réprimés, quand il ne sont pas directement menacés de dissolution. Face à cette situation, il est vital de soutenir massivement les médias indépendants et d’organiser de véritables contre pouvoirs.

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