Arménie : nettoyage ethnique et indifférence européenne


Que se passe-t-il au Haut-Karabagh ?


Emmanuel Macron vient de l’annoncer : pour lui, «le temps n’est pas aux sanctions» contre l’Azerbaïdjan. Cette dictature est pourtant en train d’organiser une véritable opération d’épuration ethnique et multiplie les crimes contre le peuple Arménien. On fait le point pour comprendre la situation.

Il suffit de regarder une carte pour comprendre que l’Arménie, petit pays de trois millions d’habitant-es, riche d’une longue histoire et situé dans le Caucase, est en fâcheuse posture. Déjà victime de persécutions et d’un génocide en 1915, l’Arménie est coincée entre plusieurs grandes puissances hostiles : la Turquie, l’Iran, la Russie et l’Azerbaïdjan.

La petite Arménie est majoritairement chrétienne, isolée, coincée entre deux régimes autoritaires : la Turquie et l’Azerbaïdjan, qui sont deux pays musulmans et turcophones. Alliés, ils rêvent de reconstituer le grand empire de la Mer Noire à la Mer Caspienne dont rêve Erdogan, président d’extrême droite turc, nostalgique de l’Empire Ottoman.

L’Arménie est donc le caillou dans la chaussure de ce rêve impérialiste. Elle subit, depuis des années, les attaques régulières de l’armée d’Azerbaïdjan, pays trois fois plus peuplé, beaucoup mieux armé, bien plus riche et soutenu par des puissances de l’OTAN.

Depuis une semaine, c’est un véritable nettoyage ethnique qui a lieu dans la zone arménienne du Haut-Karabagh. Cette enclave de 150.000 personnes est peuplée à 95% par une population de culture et de langue arménienne. Ses habitant-es avaient déclaré leur indépendance vis-à-vis de l’Azerbaïdjan en 1991, après la chute de l’URSS. Mais le régime azéri veut l’annexer et surtout détruire son identité arménienne.

Avec le soutien de la Turquie, le dictateur Aliyev a lancé en 2020 une guerre contre le Haut-Karabagh et l’Arménie : des massacres avec l’envoi de mercenaires syriens et l’usage d’armes interdites par les conventions internationales. Les arméniens sont décrits par le régime azéri comme des «cafards et des nuisibles» à «éliminer». Des civils ont été torturés et décapités, des vidéos de démembrements fièrement diffusées par des soldats azéris. Depuis, un cessez le feu est décrété, mais il n’a jamais été respecté par l’Azerbaïdjan. De nouveau, depuis la fin du mois de septembre, des bombardements massifs y font des centaines de morts. De nouvelles atrocités ont été commises contre la population, provoquant un exode massif.

120.000 arménien-nes vivant dans le Haut-Karabagh auraient déjà abandonné leurs terres et leurs maisons. En plus d’une crise humanitaire majeure, c’est une véritable épuration ethnique. Une opération qui s’inscrit dans la continuité des politiques racistes anti-arméniennes depuis le génocide de 1915. L’armée présente dans le Haut-Karabagh vidé de ses arménien-nes a d’ailleurs renommé symboliquement les rues de la ville de Stepanakert. L’une de ces rues porte le nom d’Enver Pasha, l’un des organisateurs du génocide arménien.

Un État militaire et autoritaire qui attaque son voisin, un pays plus petit que lui, pour s’approprier son territoire : la situation ressemble en tout point à l’attaque russe en Ukraine. Pourtant, l’Occident laisse faire. Pourquoi ces persécutions ne font pas plus réagir ? Tout simplement parce que le dictateur d’Azerbaïdjan, Aliyev, est lié à l’Europe. Bon stratège, il est à la fois proche du pouvoir turc, sur lequel il calque sa diplomatie, mais aussi avec Poutine, tout en faisant du commerce avec l’Occident pour vendre ses ressources en gaz et en pétrole.

En 2022, l’Union Européenne a signé un accord prévoyant de doubler les importations de gaz azerbaïdjanais. La présidente de la Commission Européenne s’est rendue à Bakou et a qualifié l’Azerbaïdjan de partenaire «fiable» au moment même où des crimes de guerres étaient commis. Prix du gaz contre prix du sang. En France, une «amicale» de l’Azerbaïdjan est composée de politiciens de droite et d’extrême droite, notamment le responsable RN Thierry Mariani.

Aujourd’hui, l’Arménie appelle à l’aide et craint de disparaître. Mais elle n’a pas de ressources à vendre, ni de relais diplomatiques puissants en-dehors de sa diaspora. C’est donc en informant et en mobilisant qu’elle peut être soutenue face aux appétits impérialistes et au silence occidental.

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