Augmentations massives, réouverture de site, nouveau rapport de force…
Aux USA, le triomphe du néolibéralisme depuis les années 1980 et la destruction des perspectives de changement social semblaient indépassables. Mais l’édifice se fissure.
Depuis plusieurs mois, des grèves très importantes ont lieu dans la première puissance mondiale qui est le cœur du capitalisme planétaire. Les scénaristes de Hollywood ont lancé une grève très médiatisée, mais aussi des dizaines de milliers de travailleurs de la santé pour exiger des augmentations cet automne. Surtout, les ouvriers de l’automobile ont lancé un mouvement inédit, puissant, et victorieux.
Le gros syndicat United Auto Workers, soutenu par une large partie des Américains, a paralysé les trois énormes entreprises de construction automobile, les «Big Three» : Ford, General Motors et Stellantis, nœud de l’économie US. Dès le mois de septembre, le syndicat UAW avait mis en grève plus de 45.000 ouvriers de plusieurs grands sites industriels chez les trois grands constructeurs automobiles américains. Arrêts surprise, blocage de production, chaînes de production désorganisées : la stratégie a été efficace.
Signe de la force du mouvement, les deux principaux candidats à la présidentielle États-unienne étaient venus faire des discours de soutien aux grévistes : Biden avait même enfilé une casquette et pris un mégaphone. De la pure démagogie électorale, mais qui prouve le rapport de force : les dirigeants US ont toujours méprisé les luttes sociales. Il y a quelques années, cela n’aurait sans doute même pas été un sujet.
Après des semaines de conflit, un premier accord a été signé chez Ford. Puis le 29 octobre, c’était Stellantis, firme qui regroupe notamment la production de Fiat, Peugeot et Chrysler. Et enfin la General Motors a cédé le 31 octobre.
Les trois constructeurs ont accepté une très forte augmentation de salaires et des concessions importantes dans la gestion de la production. La possibilité d’embaucher des précaires moins payés que les autres salariés est également supprimée. Les grévistes ont même imposé la réouverture d’une usine de l’Illinois qui avait été fermée au mois de mars, licenciant 1200 ouvriers. Le groupe Stellantis s’est engagé à créer 5000 nouveaux emplois.
L’accord est conclu sur quatre ans et demi et prévoit, sur cette période, une hausse de 25% du salaire de base et le retour des primes de compensation de l’inflation qui avaient été supprimées après la grande crise de 2008-2009.
Le salaire de base pour un débutant chez Stellantis pourrait ainsi progresser jusqu’à 67% et les salaires les plus élevés de 33% ! Les syndicats en sortent renforcé, et se disent prêts pour de nouvelles victoires.
Il s’agit d’un succès important du mouvement social outre-Atlantique, qui prouve qu’il est possible de faire plier le patronat et d’arracher d’importantes augmentations, même dans la nation du capitalisme le plus sauvage. Une première victoire pour rendre les conditions de travail moins insupportables, en attendant de pouvoir abolir l’exploitation en tant que telle.
Cet exemple doit nous inspirer, et nous rappeler qu’en France non plus, malgré une bourgeoisie radicalisée, les luttes ne sont pas condamnées à l’échec.