Le rap est à l’origine un genre musical afro-américain, un chant rythmé et contestataire, le cri des opprimés. Il s’est répandu dans le monde entier avec l’essor du mouvement Hip-hop à partir des années 1970. Puis le rap est devenu une industrie commerciale, récupéré de toutes part. À présent, Israël invente un genre nouveau : le rap génocidaire, avec des paroles militaristes et fascistes.
Deux morceaux se sont hissés au sommet des écoutes en Israël. En décembre, c’était la chanson «Harbu Darbu» du duo Ness et Stilla, qui cumule aujourd’hui 20 millions de vues sur youtube. Les paroles sont très claires : appels à tuer les «fils d’Amalek» – dans la Bible, Amalek est l’ennemi du peuple Hébreu et est exterminé – ou à écrire des noms sur les bombes envoyées sur Gaza, répétition de l’absence de «pardon», menaces sur les soutiens de la Palestine qualifiés de «chiens dont le tour arrivera», le tout entrecoupé du gimmick «un, deux, trois, tirez».
Un autre morceau, plus récent, est encore plus violent et a déjà été visionné quasiment 2 millions de fois sur youtube. Il s’agit de «Shager» – c’est à dire «lancement» ou «tir», une référence au compte à rebours avant l’envoi d’un missile : «deux, trois, shager», formule elle même popularisée dans les vidéos publiées par les soldats israéliens qui filment leurs crimes à Gaza.
Un rappeur annonce : «ils ne toquent plus sur les toits, il n’y a plus d’avertissement», une référence au fait de ne plus faire de sommation avant de bombarder. Les paroles sont messianiques, rappelant la «mort des premiers nés», une des plaies d’Égypte dans l’Ancien Testament, qui avait tué tous les premiers nés non juifs. «Pour chacune de nos fleurs, nous leur avons offert un bouquet» dit un rappeur, une «fleur» étant un code militaire désignant un mort. Une rappeuse parle de faire «exploser gratuitement» les maisons de palestiniens et de «supprimer» Gaza. « Il n’y a pas de gauche, il n’y a pas de droite » : tout le monde est uni contre les palestiniens, une union sacrée militariste typique des régimes totalitaires. Enfin, les paroles sont truffées de références au conflit en cours, avec des clins d’œils aux unités au combat et à leurs pratiques.
Si l’on prend les référentiels de la politique européenne, Israël est un pays que l’on peut désormais qualifier de fasciste : un État totalement militarisé, majoritairement acquis à des idées racistes, religieuses et génocidaires, avec une hégémonie culturelle écrasante de l’extrême droite, y compris dans les chansons.
Le plus bouleversant est que ces propos ne viennent pas de vieux politiciens. Ils sont prononcés et mis en musique par des jeunes, sur un rythme entraînant, avec une imagerie sophistiquée. Non seulement le fascisme n’est pas mort, mais il utilise tous les codes de la culture populaire du XXIème siècle.