Ski alpin et canoë : Comment l’industrie du tourisme pille les ressources en eau ?


Chronique de la guerre de l’eau


En haut : La Clusaz manque de neige pour le ski.
En bas : L'Ardèche manque d'eau pour le kayak et a besoin de la Loire.

La Clusaz manque de neige

Station alpine de Haute-Savoie, La Clusaz est prisée des touristes du monde entier pour ses sports d’hiver. On y vient dévaler les pentes en ski entre bourgeois et cadres supérieurs. Sous ce cadre idyllique pour riches se cache un véritable scandale autour de l’accaparement de l’eau.

Dans cette commune, les autorités projetaient d’implanter un bassin artificiel qui s’apparente à un barrage. À La Clusaz, il s’agissait d’un vaste réservoir de 148.000 m³ pour accumuler de l’eau et fabriquer de la neige artificielle pour les skieurs. Mais grâce à une lutte locale déterminée et l’implantation d’une ZAD, le projet aberrant avait été abandonné à l’automne 2022.

Sauf que le média Blast a révélé cet été que la Société d’aménagement touristique d’exploitation de La Clusaz avait pompé illégalement de l’eau de source pendant plus 20 ans pour fabriquer de la neige artificielle. L’affaire a été mise en lumière par l’OFB – l’Office Français de la Biodiversité – après une enquête. En 2022, Les agents s’aperçoivent que les fleurs de la municipalité sont arrosées malgré les arrêtés liés à la sécheresse. Ils y découvrent un système de captage d’eau clandestin construit sans aucune autorisation dans les années 2000.

Le réseau de canalisation alimente les canons à neige et pompe directement l’eau de la source dans la retenue de Lachat. L’estimation des prélèvements en eau pour les besoins de l’enneigement des pistes de ski de la Clusaz n’est connue qu’à partir de 2014. En 10 ans c’est environ 135 000 m³ d’eau qui ont été pompée illégalement, soit l’équivalent de 55 piscines olympiques.

Candidate pour les JO d’hiver 2030, la station est le symbole de l’accaparement de l’eau par l’industrie du ski et des sports d’hiver aux détriments des écosystèmes et des habitants.

La Loire donne son eau à l’Ardèche

Fleuve sauvage et magnifique, la Loire s’écoule sur plus de 1000 kilomètres, du sud du Massif Central jusqu’à l’océan Atlantique, ce qui en fait le plus long fleuve en France. Depuis les années 1950, son eau est détournée vers la rivière Ardèche. D’abord prélevée pour les besoins de production en électricité dans la période de l’après guerre, les prélèvements viennent soutenir aujourd’hui l’industrie touristique du département, notamment celle du canoë.

Chaque année, lors de la période estivale, les gorges sont prises d’assaut par une myriade de visiteurs. Mais les étés sont de plus en plus chauds et la pluie manque. Le lit de l’Ardèche est à sec. Les impacts du changement climatique assèchent les rivières.

Pour que l’Ardèche soit praticable en kayak et canoë, il faut donc renflouer la rivière pour faire perdurer les activités nautiques. Et c’est grâce à l’eau de la Loire que cela reste possible l’été.

Mais le problème c’est que la Loire n’est pas exemptée des problématiques liées à la baisse des précipitations et de la catastrophe climatique. Il arrive que même ce grand fleuve manque d’eau, cela a été le cas durant l’été 2022. Le niveau était si bas à Nantes, qu’il y a même eu un risque de pénurie d’eau potable.

Le transfert d’eau de la Loire vers l’Ardèche ne fait que repousser l’échéance d’un assèchement généralisé en été, perturbe les écosystèmes et prive la population d’une ressource vitale. Tout cela pour le plaisir de touristes.


Le ski ou le kayak ne sont pas des activités nocives en soi. Le problème, c’est que la le capitalisme voudrait à la fois pouvoir polluer l’atmosphère et piller l’écosystème sans en subir les conséquences, c’est à dire sans modifier les zones naturelles qui attirent les touristes. C’est impossible, il faut choisir l’un ou l’autre. Avec le réchauffement planétaire, les stations de ski européennes n’auront plus de neige et les sublimes gorges du Sud de la France vont s’assécher. Et les petites magouilles temporaires n’y pourront rien sur le long terme.

Le partage de l’eau est devenu un enjeu majeur de ce siècle. Partout dans le monde, des luttes éclatent autour de son usage. En Bolivie, au Pérou jusque dans les Deux-Sèvres contre l’agro-business, les peuples s’organisent contre les industriels qui s’accaparent l’eau.


C’est la bataille des communs, du juste partage contre ceux des intérêts privés.


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