La police contrôle la marche, les partis temporisent et la colère est désorganisée : récit d’une promenade revendicative
Plus de 8.000 personnes ont foulé le pavé ce samedi 7 septembre à Nantes contre le coup de force de Macron. Pour une manifestation de rentrée, après des vacances d’été où les luttes ont été littéralement anesthésiées par les Jeux Olympiques, le chiffre est conséquent. Mais la masse ne fait pas tout : les prises de parole des organisations politiques sont bien molles et n’offrent aucune perspective au-delà du simple défilé.
C’est donc une balade qui s’élance, dans la bonne humeur et avec quelques sonos crachant de la musique, assez peu de slogans et, surtout, une combativité au plus bas. Il n’y a donc rien à dire sur le premier tour si ce n’est qu’il fait beau.
Au bout d’une demi heure de promenade, retour au point de départ du cortège. La frustration est palpable, la ville nous avait habitué à mieux en terme d’agitation. Sans même s’arrêter devant la préfecture, c’est donc la quasi-totalité du cortège qui reprend le Cours des 50 Otages pour un deuxième tour de manif. Seuls les officiels des syndicats et les élu-es de gauche s’arrêtent. Leur job est fait, on pourra se féliciter d’une belle manif sans incident sur les plateaux télé.
La foule qui s’émancipe de la tutelle de ses “leaders” peut enfin exprimer sa colère, réelle mais trop désorganisée. Tout le monde a envie de déborder, mais aucune banderole en tête de cortège et pas vraiment de stratégie ni d’objectif. Il y a bien une tentative de quitter le Cours et s’enfoncer dans les ruelles de Bouffay, mais les flics jusqu’ici discrets n’ont qu’à se montrer pour faire reculer la foule.
Le cortège rejoint alors la croisée des trams et tente de nouveau de se diriger vers une zone du centre-ville interdite aux manifestations : la place du Commerce. Nouveau blocage policier, les insultes fusent, des jeunes s’assoient devant le barrage à bonne distance en chantant “tout le monde déteste la police”. Un homme explique le slogan au mégaphone en direction des policiers : “Si tout le monde vous déteste, ce n’est pas parce que nous avons de la haine en nous, c’est même le contraire : c’est parce que vos uniformes vous permettent de mettre toute votre haine en action en toute impunité, pour protéger un pouvoir autoritaire”.
La foule stagne à la croisée des trams, quelques tentatives de passer les barrages échouent, et la pression policière se fait plus menaçante : plutôt que risquer une nasse, tout le monde reprend le trajet déjà emprunté une heure avant vers la rue de Strasbourg. Finalement le débordement aura lieu lorsque quelques centaines de personnes parviendront à se faufiler pour atteindre les rempart du château et en faire le tour pour arriver à la statue de Louis XVI.
Passant devant la fête foraine, certain-es manifestant-es se souviennent du gazage de la fête foraine en 2019 lors des Gilets Jaunes. Cette fois les flics restent à distance, l’ambiance est bon enfant et, malgré la faible offensivité, on a un sentiment de liberté. Une fois à la préfecture, la police siffle toutefois la fin du bal : les issues sont bouchées et les flics augmentent la pression. Les gens partent peu à peu, rendez-vous à la prochaine manif.
S’il faut tirer une leçon de cette manifestation trop calme, c’est qu’elle montre une intention sans vraiment poser d’acte. Exprimer sa colère, c’est mieux que rien, mais il faudra de l’organisation dans des AG et des moyens de pression par la grève, le blocage et le sabotage, pour renverser le fascisme qui s’installe de plus en plus clairement au pouvoir.
Images : Oli Mouazan
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