Sécheresse et canicule en Europe du Sud, été pourri dans le nord de la France, déluge sur l’Europe centrale
Des cumuls de 150 millimètres de pluie par mètre carré en quelques heures sur l’Europe centrale. Cela représente plus de 3 mois de précipitations moyennes à Paris. 150 millimètres d’eau, c’est 150 litres, soit l’équivalent d’une baignoire sur chaque mètre carré d’une zone étendue comme la moitié de la France. Un déluge que le sol ne peut pas absorber.
Sur certaines zones, il est même tombé plus de 300 millimètres d’eau par mètre carré en trois jours, notamment en Autriche, en Pologne et en République Tchèque. Les dégâts sont énormes : la tempête surnommée «Boris» a tué au moins 18 personnes, chassé des milliers d’habitants de leurs logements, privé d’électricité des centaines de milliers de foyers, coupé des routes, arraché des ponts et des lignes de chemins de fer… L’état de catastrophe naturelle a été décrété dans tous les pays concernés.
Comment expliquer cette tempête alors que l’été n’est officiellement pas encore terminé ? L’Europe centrale est particulièrement exposée aux fortes pluies à cette époque, et a déjà subi des inondations par le passé. Cette fois-ci, l’épisode est simplement plus fort que d’habitude.
Comme vous l’avez remarqué, il fait particulièrement frais sur la France et l’Angleterre depuis plusieurs jours : une masse d’air polaire est descendue sur l’Europe de l’Ouest. En parallèle, la Méditerranée est anormalement chaude, l’eau a dépassé les 30°C ces dernières semaines, ce qui dégage d’énormes quantités de vapeur d’eau et des masses d’air humides et chaudes. La rencontre de ces deux masses, froide qui descend du nord et chaude et humide remontant du sud, a eu lieu au niveau de l’Europe centrale et du relief, provoquant ce choc météorologique qui a donné naissance à la tempête Boris.
Si ce phénomène n’est donc pas inattendu, il est lié au dérèglement climatique. La Méditerranée a subi une sorte de canicule marine et des températures maritimes tropicales cet été, qui ont bouleversé les équilibres locaux. Le pourtour méditerranéen est l’une des zones les plus fortement touchées par la hausse des températures. Les estimations scientifiques craignent jusqu’à +7°C sur cette zone d’ici 80 ans. Cela implique une quasi-désertification d’une partie des rivages de la Méditerranée, et un fort impact sur les espèces marines. Ces dernières semaines, pendant que le nord de la France connaissait un été pourri, l’Espagne a d’ailleurs traversé trois vagues caniculaires, de même qu’en Italie et en Grèce, avec des pics de 43°C et des incendies.
Le réchauffement du climat n’est pas uniforme. Quand on parle de +1,5°C, cela ne veut pas dire une augmentation identique partout sur la planète. Et cela ne signifie pas forcément plus de soleil et la sécheresse en même temps et dans tous les pays. En fait, nous entrons dans l’inconnu : cela provoque une multiplication des phénomènes extrêmes et difficiles à prévoir, qui peuvent aussi bien être l’absence de pluie que des inondations. On le voit, la Catalogne manque cruellement de pluie alors que l’Europe centrale est sous l’eau. Certains coins pourraient être inhabitables l’été, mais il se pourrait même que les côtes Atlantiques d’Europe de l’Ouest se refroidissent brutalement, avec le dérèglement des courants marins qui adoucissent nos territoires océaniques.
Ainsi, les épisodes climatologiques violents sont amenés à se renouveler à intervalles plus fréquents. D’après une étude parue dans Nature Communications, «Les émissions de gaz à effet de serre jouent un rôle déterminant dans la survenue de précipitations extrêmes». Elles entraînent le réchauffement de la température globale, ce qui a pour conséquence directe d’augmenter la vapeur d’eau présente dans l’air et donc des précipitations.
Le chercheur en hydro-climatologie à l’université de Californie Gavin Madakumbura expliquait en 2021 : «Le fait que le réchauffement du climat entraîne des précipitations plus violentes peut sembler contre-intuitif. Le changement climatique peut pourtant non seulement rendre les endroits plus secs, mais également intensifier les précipitations». Avec Boris, nous y sommes.
2 réflexions au sujet de « «Tempête Boris» : un avant-goût de la multiplication des «phénomènes météorologiques extrêmes» en Europe »