Une caserne attaquée au camion bélier pour exiger la vérité
C’était il y a 10 ans au Mexique, un massacre d’État. Il a eu lieu le 26 septembre 2014, à Iguala, au sud du pays. Les étudiant-es de l’école rurale d’Ayotzinapa, qui se forment à l’enseignement, réquisitionnent des bus pour se rendre à une manifestation à Mexico. Le convoi est intercepté par les forces de l’ordre, les étudiant-es sont arrêté-es, certain-es sont atrocement mutilé-es et tué-es ou livré-es à des cartels.
Il y a 27 blessé-es, 6 morts et 43 disparu-es. Ces événements déclenchent une vague de colère historique, des centaines de milliers de personnes prennent les rues du Mexique pour exiger la vérité sur les «43 disparus d’Ayotzinapa». Et sur les murs du pays, les visages des jeunes sont dessinés. Au Mexique, «l’affaire» Ayotzinapa est devenue un symbole fort dans un pays qui compte plus de 114.000 disparu-es.
10 années ont passé. L’affaire est tentaculaire. Un haut fonctionnaire accusé d’avoir participé au meurtre de 43 étudiant-es et d’avoir manipulé les enquêtes sur leur mort, Tomas Zeron, s’est réfugié en Israël qui refuse de l’extrader. L’État colonial, décidément dans tous les bons coups, n’a pas donné suite depuis des années aux demandes des autorités mexicaines qui l’accusent d’enlèvement, de torture et de falsification de preuve.
Zeron, qui dirigeait l’équivalent du FBI mexicain, a même pu se plaindre à la télévision israélienne en 2022, affirmant qu’il faisait l’objet de «persécutions politiques». Suite à ces provocations insupportables, l’ambassade d’Israël à Mexico avait été attaquée par des manifestant-es.
Il y a deux ans, un juge acquittait l’ancien maire d’Iguala, impliqué dans le massacre. En 2018, le président avait pourtant changé : un président «de gauche», López Obrador surnommé AMLO, avait promis du changement. Il n’en est rien.
Mais les 43 personnes disparues n’ont jamais été oubliées. Les familles continuent de faire vivre le souvenir de leurs proches et manifestent régulièrement avec leurs portraits.
Le 6 mars 2024 à Mexico, des centaines de manifestant-es ont défoncé les portes du palais présidentiel pour réclamer justice. Deux jours plus tôt, le 4 mars, des étudiant-es ont envoyé un camion bélier pour démolir l’entrée principale du Centre National d’Arraigo, un bâtiment judiciaire. Le 1er mars, des explosifs avaient été jetés sur le Sénat à Mexico lors d’une protestation étudiante. Chaque année ou presque, des manifestations de colère explosent autour du palais présidentiel en mémoire des disparus.
En ce mois de septembre 2024, depuis plusieurs jours des actions sont organisées pour célébrer les 10 années du massacre des étudiants d’Ayotzinapa.
Une caserne militaire abritant le 27ème Bataillon d’infanterie à Iguala a été encerclée par les manifestant-es le 20 septembre. Les famille ont demandé à voir 800 documents que l’armée refuse toujours de divulguer, et ont juré de se battre jusqu’à ce qu’ils trouvent la vérité. Un véhicule enflammé a été envoyé contre le bâtiment et des affrontements ont éclaté.
Ces prochains jours, des initiatives se poursuivront dans l’État du Guerrero et à Mexico pour les 10 ans de la disparition.
Photos : Elizabeth Díaz, Periodistas Unidos