Procès de Dominique Pélicot et des 51 violeurs : “Pas tous les hommes ?”


Si votre réflexe est de dire «pas tous les hommes», c’est que vous n’avez pas compris le problème. Et que vous en faites partie.


Pas tous les hommes, mais que des hommes qui partent rejoindre le banc des accusés.

Le hashtag “Not all men” a surgi en réaction au mouvement Me Too, débuté il y a 7 ans. Les hommes se sont levés pour protéger les leurs ou s’absoudre de leurs propres responsabilités. Avec le procès de Dominique Pelicot et des 51 violeurs, on voit ce vieux réflexe réactionnaire ressortir de plus belle.

Que ce soit sur les plateaux télé ou les commentaires des réseaux sociaux, et parmi les accusés eux-mêmes, il aura fallu peu de temps. À peine 3 semaines après le début du procès, le boys club – selon la formule de Martine Delvaux dans son livre du même nom – prend les armes.

Tous des hommes

Les féministes s’échinent à expliquer depuis des années que le sens du propos n’est pas que tous les hommes sont des violeurs avérés, mais que n’importe quel homme peut l’être, l’avoir été, ou le devenir. Les chiffres sont édifiants, parfois portés par des instances dont on peut douter qu’elles soient de violentes féministes misandres.

Rappelons qu’en 2022 le très sérieux et conservateur Conseil de l’Europe indiquait que pour les femmes de 16 à 44 ans, la première cause de décès et d’invalidité est la violence masculine. Devant les guerres, les cancers et les accidents de la route.

On peut ne pas aimer ces chiffres, mais ils sont là. Nier une chose ne la fait pas disparaître – quoique Macron niant la victoire du NFP aux législatives puisse être l’exception qui confirme la règle, mais c’est un autre sujet. Tant qu’on en sera à remettre en question l’existence de ce système, on sera encore bien loin d’être en mesure de le combattre. On ne parle pas ici d’essentialisation de l’homme. Non, les hommes ne naissent pas violents. Mais le système dans lequel on vit les construit en ce sens, et ce dès le plus jeune âge.

Le code civil de Napoléon instaurait l’homme comme le tuteur de la femme qui lui devait obéissance. On parle d’un système de domination. Chaque homme profite du système patriarcal et de la culture du viol qui l’accompagne. Cette culture du viol qui permet à la défense d’humilier Gisèle Pelicot avec des questions d’une indécence sans nom comme : «Vous n’auriez pas des penchants exhibitionnistes que vous n’assumeriez pas ?» L’avocat de la défense affirme que «en France il ne faut pas nécessairement recueillir le consentement de la victime pour qu’il n’y ait pas viol».

En effet, en droit français il faut prouver qu’il y a eu «contrainte, menace, violence ou surprise». Le droit, écrit par les hommes pour les hommes, protège les violeurs. Lorsqu’on regarde la définition que donnent les accusés du consentement, on se rend compte d’à quel point cette notion est floue pour beaucoup. Quand elle n’est pas franchement accessoire voire inconnue. Ça ne les intéresse pas.

35 des accusés plaident non coupable, voire se posent en victimes collatérales, niant carrément le calvaire de Gisèle. Ces hommes ont été vus en train de ricaner lors des audiences et d’aller manger ensemble lors des pauses, comme s’ils étaient une bande de potes, alors qu’ils ne se connaissaient pas avant d’être arrêtés.

Le journaliste Frédéric Munsch, qui a été agressé par l’un des accusés, parle de “meute” qui se serait créée. “Je vais violer ta mère, tu vas voir” insulte encore l’un des accusés à une personne qui l’interpelait sur ses actes. Des liens de solidarité se sont créés entre ces hommes qui se soutiennent. C’est ça, le boys club : des hommes goguenards qui, à leur propre procès, rigolent devant les femmes venues soutenir Gisèle : «Tout ça pour nous ? Fallait pas !» Et soulignons que 0% des hommes ayant vu l’annonce de Dominique Pelicot sur internet ne l’ont dénoncée.

Une question d’égo et de privilèges

Brandir le “Not all men” comme un totem d’immunité, c’est se placer soi-même en héros sans peur et sans reproche. Qualifier les violeurs de Gisèle de monstres qu’il faut enfermer, demander leur mort ou leur castration chimique à cor et à cri, assurer publiquement et parfois à la place des femmes qu’on est du côté de la victime, faire comme si cette affaire était en-dehors de la société, c’est se placer en “homme bien”, en opposition à ces monstres.

Sauf qu’à part flatter l’égo, ça ne sert à rien. En tout cas, lorsque l’on est plus préoccupé par la peur d’être mis dans le même sac que ces hommes que du calvaire de Gisèle, c’est que oui, il y a un problème.

Mais en effet, se remettre en question est plus inconfortable. Admettre profiter du système patriarcal et des avantages induits, c’est déjà un premier pas. Se demander si on a soi-même été irréprochable avec chacun-e de ses partenaires, c’est potentiellement se rendre compte qu’on a soi-même eu des comportements problématiques. Et oui, renoncer à ses privilèges, ce n’est jamais simple.

Le procès de tous les hommes ?

Alors que la diversité des profils des violeurs aurait pu faire penser qu’on allait enfin abattre le vieux mythe du «monstre violeur», vu comme une anomalie, on commence à voir poindre la petite musique qu’on pensait pouvoir éviter. Et si, au bout du compte, ces hommes n’étaient pas uniquement des déviants et non des hommes lambda ? Sur le plateau de l’émission d’Arte «28 Minutes», on débat sur le thème : «Est-ce le procès de tous les hommes ?»

On décortique le profil des accusés, récolté dans un article de l’hebdomadaire Marianne : 23 ont un casier judiciaire affirme-t-on comme pour montrer qu’ils sont anormaux, mais la plupart…. Pour des infractions routières. On pointe l’alcoolisme et l’addiction à la cocaïne de certains. L’un est même chômeur et instable, le coupable idéal en somme. Pour se rassurer et éviter de perturber l’ordre établi, on va fouiller dans le passé de ces hommes pour les faire sortir de la normalité.

Pourtant, les faits ne font que confirmer le propos : les hommes sont majoritairement responsables des faits de violence et ce dans tous les domaines de la société. 96% des auteurs de viol sont des hommes, 84% des responsables d’accident de la route mortels sont des hommes, 91% des auteurs d’homicide sont des hommes, et la liste est longue – voir l’excellent “Le coût de la virilité” de Lucile Peytavin à ce sujet.

La chroniqueuse Tristane Banon, libérale qui critique les «dérives du néo-féminisme», s’occupe quant à elle de déplacer le débat : «en France on a surtout un problème de traitement du récidivisme». Le JDD de son côté titre «Procès des viols de Mazan : l’histoire sombre de Jean-Pierre Maréchal et Dominique Pelicot» et va chercher dans l’enfance «fracassée» du premier la justification de ses actes. Fracassée par qui ? Un homme. Le père de Jean-Pierre est un individu violent et incestueux avec ses enfants. La boucle est bouclée, la violence masculine engendre la violence.


Le patriarcat a encore de beaux jours devant lui.


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Une réflexion au sujet de « Procès de Dominique Pélicot et des 51 violeurs : “Pas tous les hommes ?” »

  1. En 2016, Ploum, alias Lionel Dricot, ancien porte-parole du Parti Pirate, avait écrit un excellent article sur son blog:
    https://ploum.net/la-moitie-du-monde-qui-vit-dans-la-peur/index.html.
    Tout était déjà bien dit et bien expliqué.

    Par ailleurs, ce que ce procès montre également, c’est que les violeurs sont des blancs français, et pas des immigrés noirs en situation irrégulière venus en France pour profiter de notre système de santé. Et ça, ça ne plaît pas dans une société patriarcale masculiniste raciste dirigée par la manif pour tous. Donc tout sera fait par les médias pour rabaisser la victime ou pour trouver des circonstances atténuantes aux criminels.

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