
Le dessinateur Plantu est le caricaturiste le plus connu de France. Âgé de 73 ans, il a dessiné pour le quotidien Le Monde depuis les années 1970. Plantu, ce sont des milliers de caricatures mignonnes qui ont bercé des générations. Plutôt de centre-gauche dans les années 1980, gentiment antiraciste dans les années 1990, contre «les extrêmes» et «pour la paix» dans les années 2000… les dessins de l’artiste sont désormais principalement dirigés pour démolir la gauche.
À la retraite depuis deux ans, mais toujours très suivi sur les réseaux sociaux, Plantu incarne parfaitement la manière dont les grands médias français et les boomers qui y occupent les postes importants se sont brutalement droitisés.
Le 7 octobre 2024, Plantu publie un dessin douteux : on y voit des enfants juifs, portant l’étoile de David, encerclés de barbelés évoquant un camp nazi. Et ces barbelés figurent les lettres «Hamas». C’est un dessin doublement révisionniste.
D’abord parce que les camps où ont été exterminés les juifs d’Europe n’étaient pas l’œuvre du Hamas mais bien de l’extrême droite européenne antisémite, et que cette confusion fait l’amalgame entre des situations très différentes : le fascisme génocidaire des années 1940 et la lutte contre la colonisation en Palestine.
Ensuite parce que les barbelés et les enfants affamés ne se trouvent pas aujourd’hui en Israël, mais chez les palestiniens qui sont assiégés, enfermés derrière des murs et assassinés en masse à Gaza et en Cisjordanie.
Plantu avait une approche diamétralement différente il y a seulement quelques années. En 2015, il publie un dessin montrant un colon sioniste dire à un soldat israélien qui tire sur des civils : «Vous ne pourriez pas tirer un peu plus vite, je suis pressé d’emménager». Une dénonciation claire du nettoyage ethnique et du vol de terre par l’armée israélienne et les colons.
À l’époque, en-dehors de quelques pro-israéliens qui avaient essayé de le traiter d’antisémite, personne n’avait critiqué Plantu. Le dessinateur dénonçait des colonies qui violent le droit international : une opinion banale à l’époque, largement partagée. Trois ans plus tard, Plantu dessinait une femme palestinienne et son enfant dans les bras visés par des soldats israéliens en train de montrer «la maison de grand père» volée par les colons. Dans sa carrière, Plantu a beaucoup dessiné sur le Proche-Orient, et avait même rencontré Yasser Arafat.
Tout cela était il y a quelques années seulement, et cela paraît dater d’il y a un siècle. Aujourd’hui, de tels dessins ou propos provoquent un torrent de haine et une féroce répression contre ceux qui les expriment. D’ailleurs, Plantu lui-même a complètement vrillé. Depuis le 7 octobre, il caricature systématiquement les élus de la France Insoumise avec des bandeaux verts du Hamas sur le front. Ces élus adoptent pourtant la ligne que Plantu défendait quelques années plus tôt !
Pour un dessinateur de cette envergure, assimiler régulièrement le premier mouvement politique de gauche en France à une organisation armée islamiste, sous prétexte que ce mouvement appelle au cessez-le-feu et au respect du droit international, est gravissime. Puisque le Hamas est considéré comme terroriste par les autorités, cela insinue que la France Insoumise l’est aussi, et installe l’idée qu’il faudrait interdire la France Insoumise.
Plantu assimile désormais toute dénonciation du colonialisme et du génocide en cours à l’islamisme, comme s’il était suspect de s’indigner du sort infligé aux palestiniens. Le dessinateur reprend exactement la rhétorique des colons sionistes qu’il dénonçait férocement jadis. Comme tout le reste du microcosme médiatique, Plantu s’est droitisé, peut-être sans même s’en rendre compte, porté par l’esprit du temps, en toute bonne conscience.
Cette dérive est celle de toute une génération : le Canard Enchaîné, qui était autrefois un hebdomadaire réellement satirique et dérangeant, n’est plus qu’une feuille conformiste et de plus en plus réactionnaire, dont les articles cognent essentiellement sur la gauche. Charlie Hebdo a basculé dans le néoconservatisme depuis la prise de pouvoir de Philippe Val, rédacteur en chef très à droite. Quant aux petits journaux satiriques indépendants, ils galèrent pour survivre et sont de moins en moins lus.
Pour la première fois depuis des siècles, n’y a plus de caricaturistes contre le pouvoir ni de presse satirique de masse en France. Au delà de la question palestinienne, c’est un signe très inquiétant d’assèchement des esprits et d’extinction de la pluralité.
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5 réflexions au sujet de « Le dessinateur Plantu : baromètre de la droitisation des médias »
en fait, dès 2011, Plantu avait commencé à virer à droite (dessin polémique dans l’Express où il mettait le Front de Gauche et son programme sur le même plan que la blondasse de la peste brune), virement d’ailleurs dénoncé par Daniel Schneidermann en 2013
Dès 2011, on peu dire que sur le conflit Israëlo-palestinien, Plantu s’efface avant même de poser son crayon à dessin…
Je ne deviens donc pas idiot en vieillissant. Je m’étais bien rendu compte depuis un moment que les Plantu, les « Canard enchaîné » et autres « Charlie Hebdo » n’avaient plus rien à voir avec les éléments subversifs qu’on adorait antan. Pourquoi faut-il qu’en vieillissant une frange de la population deviennent conne, réactionnaire voire fasciste ?
Plantu s’est planté!
Plantu avec son tutu et sa plume au c… à complètement vrillé et il s’est droitise en tapant constamment sur LFI malheureusement. Aujourd’hui il reste encore Sine Mensuel dans la presse satirique et qui a du mal à survivre et en appelle aux dons…