Les faits ont eu lieu il y a 83 ans, et l’artère la plus importante de la ville de Nantes porte le nom de «50 Otages». Mais qui s’en souvient vraiment ? Que reste-t-il de cette mémoire antifasciste ? Retour sur cet épisode historique nantais.
Nous sommes le 20 octobre 1941, un peu avant 8 heures du matin. L’état-major nazi se trouve sur la Place Foch, près de la cathédrale de Nantes, où se sont implantés les locaux de la Gestapo, qui arrête et torture des résistants durant toute la guerre. Karl Hotz, le Feldkommandant – responsable des troupes d’occupation dans le département de Loire-Inférieure – se promène à proximité de la place avec un autre soldat.
Trois résistants, envoyés depuis Paris par le Parti Communiste, attendent à l’angle d’une rue, avec pour mission de cibler des officiers allemands, quels qu’ils soient. La veille, équipés de pains de dynamite, ils avaient fait sauter la ligne de chemin de fer qui passait en bas du quartier de Chantenay, à l’Ouest de la ville. Ils avaient pris soin de prévenir leurs camarades cheminots pour éviter de mettre en danger des civils. Au petit matin donc, alors qu’ils errent dans le centre-ville, ils voient passer Hotz et un capitaine. Ils décident de les liquider. Karl Hotz est abattu de deux balles par le résistant Gilbert Brustlein. L’arme de son complice s’enraye, le capitaine en réchappe. Les tireurs sautent précipitamment dans un tramway qui passe par là, un contrôleur leur dit en parlant du moyen de transport : « vous l’avez bien eu ». Ils répondent : «de justesse !».
Les tireurs ignorent qu’ils viennent de viser un militaire d’un rang aussi élevé. C’est le plus haut gradé allemand tué en France depuis l’armistice de 1940. Étant donné son importance dans la hiérarchie militaire, Hitler en personne est rapidement mis au courant, et ordonne l’exécution immédiate de cent otages. Finalement, l’armée d’occupation ramène le chiffre à 50 exécutions après des négociations avec les autorités collaborationnistes. On organise les funérailles du défunt en grande pompe dans les rues de Nantes, la population est incitée à assister à la procession, les préfets rendent hommage au nazi, les magasins baissent leurs rideaux au passage du cortège funèbre …
C’est le Régime de Vichy qui fournit la liste des otages à abattre. Le ministre de l’Intérieur Pierre Pucheu donne les noms de responsables syndicaux et militants communistes. Ils ont de 16 à 58 ans, ils sont ouvriers, employés, médecins, enseignants ou anciens combattants. Les otages sont pris à Châteaubriant, Nantes et Paris.
La vengeance est très rapide : on fusille, dès le 22 octobre, 48 otages. Parmi eux le célèbre Guy Môquet, lycéen de 16 ans, qui laisse une lettre émouvante à ses parents. Deux jours plus tard, 50 otages sont également assassinés à Bordeaux. Après ce massacre, Nantes sera désignée première «ville compagnon de la Libération», et dès 1941, le sentiment de rejet contre l’occupant va augmenter dans la population. À la Libération, on renommera le cours central de la ville : Cours des 50 Otages, pour inscrire dans l’espace la mémoire de la violence fasciste.
D’autres actions de résistance suivront, notamment des sabotages et des attaques organisées par des ouvriers communistes nantais contre les nazis et leurs collaborateurs, notamment l’attaque du tribunal pour libérer des camarades arrêtés. En 1943, le «procès des 42» a lieu à Nantes : un procès pour l’exemple, par un tribunal militaire allemand qui condamne des résistants pour «terrorisme». 37 communistes sont condamnés à mort, puis fusillés. Nantes paiera également le prix du sang lors des bombardements, qui raseront une partie de la ville et tueront des milliers de personnes.
Que reste-t-il de cette mémoire antifasciste ? Que reste-t-il du refus du nationalisme et du racisme ? Désormais, la bourgeoisie s’allie ouvertement avec les héritiers du pétainisme, les médias donnent quotidiennement la parole à l’extrême droite, les groupes néo-nazis s’entraînent et passent à l’acte, des partis issus du fascisme remportent les élections dans plusieurs pays occidentaux, le président français réhabilite Pétain et Maurras et applique le programme du RN. Quant aux forces armées et policières de ce pays, elle votent très majoritairement pour l’extrême droite. C’est la France de Vichy et des assassins collabos qui tient le haut du pavé en 2024.
L’antifascisme était une valeur consensuelle après la guerre. Il faut dire que le patronat et l’extrême droite avaient intérêt à faire profil bas : discrédités par la collaboration, et face à un monde ouvrier organisé, lourdement armé, et conscient de sa puissance. Ce même antifascisme est aujourd’hui quasiment devenu un gros mot dans les médias. Il est synonyme de violence, de radicalité, quand il n’est pas tout simplement réprimé. Des groupes antifascistes sont désormais visés par des procédures de dissolution.
83 ans après l’exécution des 50 otages, absolument aucune leçon n’a été tirée. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que des actes de résistance seraient qualifiés de terrorisme et condamnés unanimement. Les médias n’ont déjà aucun mal à justifier un génocide commis par un État dirigé par l’extrême droite au nom de représailles : ça se passe sous nos yeux, en Palestine.
L’exécution en masse de civils est déjà légitimée, car des «terroristes» se cacheraient dans la population. Comme sous l’occupation. Et l’attaque préventive d’un pays comme le Liban est même valorisée par nos médias au nom d’une présence de «terroristes» sur le territoire. La presse vichyste devait utiliser des arguments très comparables en 1941.
Le terme «terroriste» lui-même, jadis très utilisé par les nazis et les collabos pour justifier leurs crimes, est désormais employé pour désigner des écologistes, des anticapitalistes ou même des soutiens de la Palestine.
Une réflexion au sujet de « 22 Octobre 1941 : 50 otages nantais assassinés »
Hier collaboratrice du régime capitaliste et de l’Allemagne nazie aujourd’hui collaboratrice du régime neoliberal et des ctimes du régime nazi sraélien, la grande bourgeoisie française est capable de faire ressortir les pires traumatismes historiques, en France les milliardaires et la grande bourgeoisie portent sur eux un parfum composé de merde et de mort qui se diffuse partout dans l’air et bien au delà des frontières.