Paris : les CRS expulsent une ZAD qui défendait un club de pétanque

Les CRS en pleine expulsion du club de pétanque à Montmartre.

«C’était à Paris, une ville qui était alors si belle que bien des gens ont préféré y être pauvres, plutôt que riches n’importe où ailleurs. Qui pourrait, à présent qu’il n’en reste rien, comprendre cela ; hormis ceux qui se souviennent de cette gloire ? Qui d’autre pourrait savoir les fatigues et les plaisirs que nous avons connus dans ces lieux où tout est devenu si mauvais ?»

Voilà comment l’auteur situationniste Guy Debord déplorait la destruction de Paris par la modernité capitaliste en 1978. Une ville qui fut à bien des époques fabuleuse, populaire, insurgée et transformée progressivement en désert marchand, bourgeois et policier. C’était il y a 40 ans, et c’est peu dire que la situation a considérablement empiré. Du Paris populaire, des interstices, des dérives, des places incontrôlables, il ne reste quasiment rien.

Encore un exemple avec l’expulsion aussi absurde que scandaleuse d’un club de pétanque à Montmartre. Depuis plus de deux ans, la mairie « socialiste » d’Anne Hidalgo veut absolument installer le projet d’un hôtel de luxe sur un terrain de pétanque. Lundi 21 octobre à 7h30 du matin, les membres du Clap, pour Club Lepic Abbesses Pétanque, le club de pétanque historique du quartier, ont ainsi été expulsés physiquement par les CRS et la Brigade Anti-Criminalité.

Leurs locaux ont été détruits le jour même, par des coups de pioche derrière des rangées de policiers. Ce club existait depuis 53 ans dans le quartier, c’était le plus ancien de Paris, et il comptait 300 adhérent-es. Une page se tourne. Des membres du CLAP campaient dans des tentes sur ce terrain transformé en ZAD urbaine depuis des semaines, mais ne sont pas parvenus à empêcher la destruction. «C’est 50 ans d’histoire de Montmartre qui disparaissent, ils auraient pu nous chasser mais ils ne sont pas obligés de tout casser si vite» déplorait un bouliste. «On est entre gueux, les riches sont de l’autre côté» expliquait un autre.

Le 20 avril 2024, le Conseil d’État validait la décision de la Ville de Paris, qui a cédé le terrain à l’hôtel de luxe qui est situé à côté du club de pétanque. Nommé «l’Hôtel particulier», possédé par un holding financier, il vante «son restaurant glamour, un bar à cocktails» et ses «suites» exceptionnelles. Ce qui est exceptionnel, c’est le prix. Une seule nuit dans une suite de l’établissement coûte jusqu’à 687€. La moitié d’un SMIC. Et certains plats avoisinent les 100€.

Une adhésion au club de pétanque était, avec la licence, de 70 € pour un an. Les boulistes avaient aménagé et entretenu le terrain eux-mêmes. C’était un espace de rencontres, de jeu, réunissant des personnes d’âges et de conditions sociales variées. Les plus jeunes venaient y faire des jeux de société, et les plus âgés maintenaient ainsi une activité ludique, physique et collective hors de chez eux. La pétanque est sans doute l’un des sports les plus écologiques et peu coûteux qui soit : il ne génère ni déchet ni pollution, les boules en métal sont quasiment éternelles, il n’y a pas besoin de se déplacer en voiture pour rejoindre un terrain s’il y en a un dans son quartier.

Voilà donc le choix de la mairie « de gauche », soi-disant socialiste et écologiste : plutôt les ultra-riches que les habitant-es. Plutôt un hôtel de luxe qu’une vie de quartier. Plutôt la privatisation d’un espace collectif qu’une gestion locale. C’est la fin d’un de ces trop rares espaces qui permettent à cette ville extrêmement dense de respirer. C’est un choix à la fois anti-écologique, anti-démocratique, et qui balaie toutes les habituelles fadaises municipales sur la «démocratie participative», la «mixité sociale» et le «vivre ensemble» dont aiment tant parler les mairies PS.

Ce sont d’ailleurs ces mêmes mairies qui mettent en avant leurs «éco-quartiers» sans vie et artificiels. Cet événement est un énième épisode de la guerre de classe et urbaine, de la gentrification et de la destruction des villes comme espaces vécus.

Ce qui dérange la mairie dans l’affaire des boulistes de Montmartre, c’est aussi et surtout l’autogestion des participant-es, qui ont créé leur propre petit terrain, l’ont aménagé et occupé de façon autonome. Les petits marquis municipaux détestent que la population s’occupe de ses affaires sans eux. Des initiatives prétendument «éco-ludique-participatives» d’accord, mais sous contrôle municipal.


Ces gens gris transforment nos villes en lieux réservés aux déplacements et à la consommation, en musée réservé aux riches, et en vaste galerie commerciale vidéosurveillée pour les autres.


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3 réflexions au sujet de « Paris : les CRS expulsent une ZAD qui défendait un club de pétanque »

    1. C’est parce que le terme de gauche n’a une signification que dans un contexte donné : on est la gauche de quelque chose à instant T. Il fût un temps où la gauche était incarnée par le parti bourgeois radical hein. Le PS comme toute le NFP/NUPES est malheureusement bien la gauche d’aujourd’hui. Une gauche bourgeoise, chauvine, toujours défenseur de la propriété capitaliste. Une gauche radicale en somme. On est retourné au milieu du XIXe siècle ! La question c’est plutôt : depuis quand à gauche il n’y a plus de vrais socialistes ou de communistes ? C’est à dire de véritables partis de travailleurs dont le programme est l’abolition révolutionnaire de l’état et de la propriété capitaliste pour passer à une société dirigée par les travailleurs eux-même (quésapélorio la dictature du prolétariat)… Eh bien pour le PS c’est depuis 1914 quand ils ont rejoint l’union sacrée et soutenu la guerre. Pour le PCF ils ont abandonné en paroles ces conceptions dans les années 1970, mais en actes encore avant… « La gauche » est une gauche parlementaire de compromis avec la grande bourgeoisie, rien de plus.

  1. Les Mairies et les préfectures sont les lieux de pouvoirs physiquement proches des citoyens , mais dont l’esprit est aussi éloigné des couches populaires que le palais de l’Elysée. La bourgeoisie se fourvoie dans n’importe quel lieux de pouvoir comme elle se foirvoie dans n’importe quel parti politique, cette saloperie de classe écrasante détruit tout à coup de pouvoir et d’argent et détruit même un terrain de boules qui rassemble depuis plus de cinquante ans et donne un peu de bonheur à celleux qui en ont le plus besoin

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