Nantes : gentrification, expulsions, répression

«Ma terrasse fait la taille de mon ancien appartement à Paris». L’afflux de «jeunes cadres parisiens» à Nantes est une tendance de fond depuis plusieurs années. Ces trentenaires accourent dans ces grandes métropoles «dynamiques». «Nantes, c’est le nouveau Montreuil». Ces paroles sont celles de cadres parisiens, interrogés par le journal Le Monde, qui qualifie ces parisiens à haut revenus de «Nantisiens». Ils sont des milliers à débarquer chaque année à Nantes,et font exploser le niveau des loyers, empêchant les plus pauvres de se loger. Les ouvriers, les étudiants, les précaires, sont chassés de la ville, devenue trop chère. Entre 1968 et 2009, la part des ouvriers dans la population nantaise a été divisée par deux, alors que le taux de cadres supérieurs a bondi de 7 à 25%. Ce phénomène s’appelle la gentrification. Panorama de la destruction de Nantes.
INVASION DE CADRES ET GALÈRE DE LOGEMENT
«Huit cadres franciliens sur dix (82%) envisagent de quitter l’Île-de-France» explique un journal local, qui se réjouit : «les cadres franciliens sont 48% à désirer s’installer à Nantes, selon une étude». Nantes arrive en deuxième position des villes plébiscitées par les Parisiens. Mécaniquement, l’afflux de ces riches parisiens à Nantes fait monter les prix et prive de nombreux nantais d’un accès à un logement décent. Les loyers explosent. Ils ont augmenté de 36% en dix ans. Conséquence, une personne sur dix connaît des difficultés de logement de manière durable. Depuis la rentrée, c’est la panique dans de nombreuses familles et pour les étudiants qui ne trouvent pas d’appartements. Trop chers, ou déjà pris.
AMÉNAGEMENTS POUR LES RICHES
Des fast-food qui colonisent les rues. Une enseigne de Starbucks qui ouvre. Puis deux, puis trois. Un centre commercial qui s’installe en plein centre-ville. Des grands projets immobiliers hors de prix. Une forêt des grues qui surgissent sur l’île de Nantes. La métropole est en chantier permanent. Car l’embourgeoisement de la ville se traduit par des aménagements adaptée aux populations aisées. L’espace public est une marchandise. La rue n’est plus un lieu de rencontre, de vie, de flânerie, mais un endroit où il faut consommer à tout prix.
Ces dernières années, les élus ont lancé une série de projet pour les plus riches. Par exemple, l’ancien tribunal a été transformé en hôtel de luxe. Le souhait des aménageurs : «attirer les investisseurs» et «faire rayonner la métropole» avec une enseigne d’envergure «internationale». C’est dans cette même logique que la ville voulait se doter d’un nouvel aéroport surdimensionné, «international» lui aussi, à Notre-Dame-des-Landes, pour attirer les cadres et les patrons. Heureusement abandonné.
Juste à côté du nouvel hôtel 4 étoiles, l’ancienne prison de Nantes est transformée en logements hors de prix. La caserne militaire qui se situait sur la même place est d’ors et déjà devenue un spa-balnéo chic entourée d’habitats cossus. Bref, en quelques années, les décideurs ont métamorphosé une place et un quartier du centre-ville où se situaient les institutions punitives en espace ultra-privilégié. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
RÉPRESSION POUR LES PAUVRES
Regardez les bancs publics, les arrêts de bus, certains halls ou devantures de banques. On y a installé des pics, des barres, des inclinaisons qui rendent toute position inconfortable, qui empêchent de s’allonger et d’y rester. Personne ne le remarque, mais ces dispositifs sont conçus et pensés pour empêcher les plus démunis de rester dans la ville et de «polluer» le paysage. Plutôt que d’aider les exclus à s’en sortir, on préfère les faire disparaître de nos champs de vision. Ces aménagements s’accompagnent de rondes de plus en plus régulières de la police, chargée de contrôler, d’arrêter voire d’éloigner les indésirables qui se trouvent sous les fenêtres des habitants du centre-ville.
La mairie a installé plus de 140 nouvelles caméras de surveillance, quadrillant les rues de Nantes. Le PS a aussi commandé des tasers, des pistolets électriques, pour la police municipale qui a vu ses effectifs drastiquement augmenter. En supplément, des dizaines de policiers sont arrivés «en renfort» cette rentrée à Nantes, alors que la ville connaît déjà un sureffectif policier. Autant de moyens de flicage supplémentaires pour surveiller les manifestations et les populations dites indésirables.
EXPULSIONS À LA CHAÎNE
Des expulsions se succèdent. Mardi 3 septembre à Nantes un bâtiment occupée par des familles, qui abritait une vingtaine de personnes dont des femmes enceintes, a été expulsé par les forces de l’ordre. Aucune solution pérenne de relogement n’a été proposée. Cette expulsion n’est que la dernière d’une très longue série : plus d’un dizaine en moins de deux ans, à grands renfort de policiers. À chaque fois des dizaines de personnes sont remises à la rue. Le square Daviais, en centre-ville, a même été expulsé à son tour, alors que des exilés privés de toit y campaient. Pour éviter de nouvelles occupations, la mairie socialiste a décidé de fermer le square, d’installer des grillages et des vigiles 24h sur 24. Plutôt que d’offrir des solutions humaines à des familles privées de logement, les élus préfère dépenser des dizaines de milliers d’euros dans des grillages, des vigiles et des caméras.
Les décideurs continuent d’appliquer des politiques destinées à attirer les plus riches, à chasser les plus pauvres et à contrôler tout le monde. Ces choix ne concernent pas que Nantes : Rennes, Bordeaux, Toulouse ou Montpellier sont aussi touchées. La ville doit rester un espace de flânerie, de rencontres, de révolte pour toutes et tous. Et non un enclos sécurisé pour les privilégiés.
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