La nature se défend : quand des castors rétablissent une zone humide


Depuis quelques jours, des castors tchèques sont devenus les stars internationales de la défense des zones humides


Un castor en train de nager : plus à l'aise dans l'eau, c'est pour cela qu'il construit des barrages.

Comme toute histoire absurde, celle-ci commence avec l’armée. Non contentes de semer la mort lors des guerres, de dépenser des fortunes pour s’entraîner à tirer des explosifs, les armées saccagent une nature déjà en péril. C’est ainsi qu’un projet de base militaire américaine en République Tchèque avait asséché une zone humide dans la région de Brdy, en Bohême, en détournant le cours d’une rivière. Il fallait que le terrain soit sec pour les installations, et quand il s’agit de préparer la guerre le militarisme s’encombre peu de soucis écologiques.

Le projet de système radar américain avait été particulièrement contesté en République Tchèque, et finalement abandonné. Le site était devenu un terrain d’entraînement, mais n’est plus militarisé depuis 2016. À partir de 2018, un projet de barrage émerge alors pour restaurer la zone humide. Sauf que la bureaucratie traîne des pieds lorsqu’il s’agit de financer des projets écologiques, et que la prédation capitaliste n’est jamais très loin lorsqu’on parle d’hectares de terres à couvrir d’eau. En sept années, le projet a été progressivement sous-dimensionné et n’est toujours pas validé à l’heure actuelle.

Qu’à cela ne tienne : les castors ont bien compris qu’ils pourraient attendre longtemps la prise de conscience écologiste du pouvoir tchèque. Il semblerait que depuis plusieurs années une famille de castors – 8 animaux seulement – se soit mise en tête de construire des barrages pour retenir l’eau en amont de la rivière. Et ces derniers jours, très rapidement, c’est toute la zone asséchée qui a retrouvé son hygrométrie naturelle, effaçant les trace de militarisation.

Quelques castors qui règlent un problème causé par l’humain en quelques jours, alors que la «civilisation» s’était montrée incapable de le prendre en charge efficacement. La nature ne compte plus les leçons à nous donner, et il serait peut-être temps de l’écouter au lieu d’en piller les richesses.

Dans le même registre, la réintroduction de loups dans le parc de Yellowstone, dans le nord des USA, a profondément restauré l’écosystème en 30 ans. Jean-Marc Landry, éthologue, expliquait sur France Culture : « La présence du loup a contraint les wapitis qui broutaient de façon intensive sur les bords de rivière à remonter sur les berges pour surveiller l’apparition du prédateur. Grâce à cette pression diminuée sur ces écosystèmes, les buissons ont commencé à y repousser, les oiseaux, les insectes y sont revenus, et même les castors. Les loups ont aussi fait fuir les coyotes qui consomment beaucoup de micros-mammifères. Plus de micros-mammifères signifie plus de rapaces. Le milieu a ainsi été profondément modifié La réintégration du loup dans un écosystème déséquilibré a permis un nouvel équilibre ».

Il arrive même parfois que la faune sauvage joue des tours au capitalisme. Par exemple dans l’un des plus prestigieux quartiers privés de Buenos Aires, la capitale de l’Argentine. Pour entrer dans cette zone privée nommée Nordelta, il faut être invité, passer des contrôles de sécurité, traverser des murs et des barbelés. À l’intérieur, les riches vivent dans des résidences de luxe, avec des bureaux, un centre commercial, des lacs artificiels et entourés de terrains de golf. Cet enclos de privilégiés a été construit sur une zone humide il y a 20 ans. En septembre 2021, des centaines de capybaras ont envahi la zone, détruisant les parterres de fleurs, déféquant dans les jardins et causant des accidents de la route.

Le capybara est un animal typique de l’Amérique du Sud qui peut peser plus de 50 kilos pour 1 mètre de longueur : c’est le plus gros rongeur du monde, qui fait penser à nos ragondins européens. Il ne s’agit pas d’une invasion mais d’une reconquête. Les capybaras sont également populaires chez les pauvres de la capitale argentine : la construction de projets immobiliers haut de gamme sur les zones humides de Buenos Aires empêchent les sols d’absorber les pluies intenses et provoquent des inondations dans les quartiers voisins. Une revanche écologique et sociale.

En Europe, régulièrement, des sangliers dévastent des terrains de golf. Par exemple au Pays-Basque, où «au moins six sangliers» sont entrés sur les greens du golf d’Ilbarritz en août 2021, puis rebelote en septembre sur un golf 18 trous de Vieille-Toulouse, dans l’Ain en août 2023 ou en Sologne en mars 2022. Les propriétaires parlent d’organiser des battues, de mettre en place des ultrasons et même des clôtures électriques. En plus d’être un sport réservé aux bourgeois, le golf est une aberration écologique, ultra-gourmand en eau.

Il arrive même que la nature sabote la surveillance. Les goélands sont la première menace pour les drones policiers, notamment à Paris. Le journal Le Monde expliquait en 2019 qu’aucun des «quinze multicoptères» n’avait encore été détruit, mais que les flics chargés de télépiloter «ont dû procéder à quelques replis stratégiques et atterrissages d’urgence pour échapper à la vindicte des goélands». Depuis, à Paris comme à Rennes, les drones sont chahutés par ces oiseaux et doivent parfois arrêter de surveiller les manifestations.

D’autres attaques, par des corneilles cette fois, avaient été recensées durant les manifestations de Gilets Jaunes. Autre exemple en Autriche, un particulier utilisait un drone dans le Tyrol. Un aigle royal avait fondu sur la proie mécanique et l’avait emmenée entre ses serres, jusqu’à son nid. En revanche, l’armée a tenté de dresser des aigles pour «intercepter des drones non identifiés», sans succès pour l’instant. Les aigles seraient «trop désobéissants» et le dressage trop coûteux.


Castors, fouines, capybaras, sangliers et goélands : la faune sauvage est l’adversaire le plus ingénieux des infrastructures du capitalisme triomphant et de la domestication de l’espace.


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