Contre-insurrection : la propagande policière tourne à plein régime #01


La police s’affiche toujours et encore dans la presse locale : Contre Attaque vous propose une série d’articles pour mieux comprendre les enjeux qui se cachent derrière le journalisme de préfecture. Premier épisode aujourd’hui avec des exemples récents de reportages policiers dont le groupe Ouest-France a le secret.


Dans la presse régionale, les titres et les photos d'illustration mettent en valeur la police : des reportages de propagande.

La CRS 82 : glorifiée deux fois la même semaine

On ne sait pas ce qu’a fait Nantes pour mériter ça. La ville a beau se révolter régulièrement, être incontrôlable et irrévérencieuse, elle est aussi l’endroit où l’on trouve certains des pires spécimens policiers et des pires larbins médiatiques pour leur servir la soupe.

Ce mardi 18 février, dans Presse Océan, on pouvait trouver un reportage à la gloire de la CRS 82 (la deuxième compagnie de super-CRS créée par Darmanin). Ce jeudi, soit seulement deux jours plus tard, rebelote : Ouest-France présente la CRS 82 comme « un acteur essentiel » de la lutte contre le narcotrafic dans l’ouest. Il est de coutume, dans la presse locale, et en particulier dans les journaux du groupe Ouest-France, de publier régulièrement des tracts policiers. Une sorte de piqûre de rappel pour la population : nos forces de l’ordre sont du côté du bien, ce sont des belles personnes qui nous protègent.

Les éléments de langage sont déroulés sans aucun scrupule sur cette « compagnie nouvelle génération », à commencer par le titre qui évoque « l’excellence du maintien de l’ordre ». Une excellence qu’on a pu constater dès les manifestations contre la réforme des retraites, en 2023, où la CRS 8 a distribué les grenades explosives de type GM2L – celles qui ont causé des dommages inouïs à Sainte-Soline – comme on donnerait des bonbons à des enfants. Un maintien de l’ordre ultra-violent qui s’explique par un recrutement chez les CRS volontaires, avec des critères de sélection relevé, notamment pour la forme physique. Le tout saupoudré de primes très généreuses.

Bref, la CRS 8 recrute des agents suréquipés, surentraînés et qui veulent de l’action. C’est ce qui explique que le niveau de violence puisse passer de zéro à cent en quelques secondes : ces types sont là pour cogner dur. Mais l’article utilise un ton bienveillant et compréhensif : « Pour s’adapter à leurs différentes missions, ces CRS sont soigneusement recrutés et s’entraînent ensuite régulièrement ». L’article se termine même par une justification antiterroriste : « Leurs techniques et leur armement se sont accrus en même temps que le risque terroriste ». Il faudrait leur demander combien de terroristes ont été arrêtés par la CRS 8…

Des super flics, certes, mais super modestes : Ouest-France explique que si « ils réfutent le terme d’unité d’élite », c’est « pour ne pas dévaloriser leurs collègues ». La police est une grande famille, et chaque membre y a son importance. Et après tout, les journalistes de préfecture font aussi un peu partie de la famille.

L’article de Presse Océan revient longuement sur leur intervention en Kanaky, où la compagnie a pu maintenir l’ordre colonial. Du moins, il revient sur leur rapidité à se mobiliser pour y aller, pas sur le déchaînement de violence dont ils ont pu faire preuve sur place. Pour ça, l’illustration d’un CRS montrant une balle de calibre 7.62 pour fusil d’assaut se suffit à elle-même. Le quotidien évite soigneusement d’évoquer les centaines de Kanak blessés, souvent par balles, et les 13 morts dans cette opération de répression coloniales. Il ne revient pas non plus sur les raisons de leur départ précipité.

En effet, on apprenait en septembre dernier que la compagnie de CRS 82 avait subi une « évacuation sanitaire » après une épidémie de chaude-pisse. Entre deux émeutes, les CRS faisaient du tourisme sexuel à Nouméa. Cette histoire pathétique ne les a heureusement pas empêchés d’être médaillés par la préfecture, et l’information n’a pas fuité dans la presse régionale. Il ne faudrait quand même pas fâcher les super-CRS, sinon ils ne donneraient plus d’interview pour remplir les colonnes du torchon régional.

Chien policier : une présence « rassurante », mais qui fait peur

Un autre article paru le 10 février dans Presse Océan fait lui aussi l’éloge de la police, mais on parle cette fois de la municipale nantaise. La journaliste Anaïs Denet a en effet suivi une équipe de la nouvelle brigade canine de Nantes, et là encore les éléments de langage sont légion, le tout dans un publi-reportage de deux pages bourrées de photos valorisantes.

Par exemple, à propos du chien policier, on peut lire : « C’est un petit nerveux », sourit un policier ». On aurait pu écrire que « Le chien peut rapidement devenir violent selon un policier », mais non : le flic « sourit », et la dangerosité n’est que de la nervosité. Ceux qui l’énervent l’auront bien mérité.

Car le chien policier est une arme. D’ailleurs il n’a pas de nom dans l’article : « c’est un outil supplémentaire », commente un policier, mais qui ne remplace pas l’arme de service. Il peut frapper avec sa muselière renforcée « au niveau du plexus » explique l’article – un coup de tête de chien à la place d’un coup de matraque, on n’arrête pas le progrès – mais aussi mordre en cas d’attaque au couteau. Ceux qui sont humanisés et doivent susciter l’empathie, ce sont les policiers. L’un témoigne même avoir « été visé par des tirs de mortiers d’artifice début décembre, et a souffert d’acouphènes ». On chiale.

Tous les fantasmes y passent : agressions, drogue, guet-apens… Pourtant, de l’aveu même de l’article, « le centre-ville est calme » ce soir là. Les flics s’emmerdent en patrouille, ils jouent alors leur meilleur rôle : faire peur, par leur simple présence. « À l’autre bout du parc, une trentaine d’hommes souvent rassemblés à cet endroit partent en courant. « Le chien les effraie », explique un agent. Un autre ajoute : « Au fur à mesure on arrive à leur faire quitter l’hypercentre, ça ne résout pas le problème. Mais on préserve des espaces ». On ne sait pas qui étaient ces hommes, ni ce qu’ils faisaient, encore moins ce qui leur est reproché. La seule chose dont on soit sûr : ils étaient indésirables.

« Retour à la croisée des trams, un groupe observe le chien. Les policiers municipaux restent pendant plusieurs minutes. Ayant compris, le groupe de jeunes hommes s’éloigne ». Mais « Ayant compris » quoi ? Le sous-entendu de la journaliste est grossier : encore une fois on est dans l’idée de populations indésirables, sans qu’un reproche clair ne soit formulé dans l’article.

Bilan de l’article : aucune activité utile, si ce n’est une parade policière réalisée pour nourrir un reportage publicitaire. Pas de récit d’interpellation, pas de drogue trouvée, pas d’agression empêchée. Le chien a promené ses maîtres et a fait peur aux passant-es, c’est tout. Quel intérêt d’écrire tout cela si ce n’est d’habituer la population à accepter des meutes de flics paradant dans les villes, armés et capable de semer la terreur quand bon leur semble ?


Comme le disait Jean Cocteau : « Si je préfère les chats aux chiens, c’est parce qu’il n’y a pas de chat policier ».


L’épisode suivant de cette série portera sur les auteurs des articles policiers : de véritables journalistes de préfecture.

AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.

Une réflexion au sujet de « Contre-insurrection : la propagande policière tourne à plein régime #01 »

  1. ACAB : La police ce sont ces batards de fachos qui protègent les parasites au sommet de l’état contre le permis de tuer, blesser et terroriser la population avec nos impôts

Laisser un commentaire