USA : riposte antifasciste avec la création de milices noires d’autodéfense

À gauche : des drapeaux à croix gammées accrochés sur un pont par des néo-nazis.
À droite : un membre d'une milice noire d'autodéfense armé d'un fusil d'assaut.

Le 7 février dernier, des néonazis membres d’un collectif baptisé Hate Club – littéralement «le club de la haine» – masqués et armés débarquaient à Lincoln Heights, une commune en banlieue de la ville de Cincinnati, dans l’Ohio. Galvanisés par la victoire du néofasciste Donald Trump, enthousiasmés par le salut nazi d’Elon Musk, ils paradaient armés de fusils, le visage caché par une tête de mort et portant des drapeaux à la croix gammée, lançant des “Heil Hitler”. Ce sont des enfants de la ville qui ont alerté de leur présence après les avoir aperçus depuis le bus scolaire les ramenant chez eux. Ils s’étaient installés sur un pont, accrochant leurs drapeaux et banderoles suprémacistes et insultant les automobilistes noir·es.

La riposte s’est organisée rapidement, et les habitant-es de la ville sont arrivé-es en nombre pour les affronter, brûler leurs drapeaux et les chasser. La police a fini par intervenir, mais parmi les agents certains se sont rangés du côté des néonazis : l’un d’eux a même été aperçu escortant dans sa voiture un néonazi, et aucune interpellation n’a eu lieu.

Quelques jours plus tard, ce sont des membres du Ku Klux Klan qui débarquaient pour distribuer des tracts au même endroit. Le Hate Club a par ailleurs partagé une publication dans leur canal Telegram, un montage avec des images de la manifestation et des vidéos de campagne de Donald Trump.

Le 16 novembre dernier, dans l’Ohio déjà, le groupe de néonazis avait défilé dans les rues de Columbus. Kelly Fishman, directrice régionale de l’ADL – L’Anti-Defamation League ou «Ligue anti-diffamation», ONG de lutte contre l’antisémitisme – indique que le nombre d’actions des suprémacistes ne fait qu’augmenter ces dernières années : pas moins de 7.567 cas étaient recensés en 2023 aux USA.

Lincoln Heights n’est pas n’importe quelle ville et cette attaque résonne particulièrement : elle est la première ville composée exclusivement d’afrodescendant·es à devenir autonome au nord de la ligne Mason-Dixon, qui était la ligne de démarcation entre les États esclavagistes du sud et les États abolitionnistes du nord. Elle a été fondée dans les années 1920 par et pour les travailleurs et travailleuses noir·es travaillant à Cincinnati, mais n’ayant pas le droit d’y vivre à cause de leur couleur de peau. Ses habitant·es se sont battu·es pour que la ville soit reconnue légalement et puisse être dotée de services publics. Aujourd’hui, les habitant·es sont fier·es de leur héritage, qu’ils et elles entendent défendre.

La population sait qu’elle ne peut pas compter sur la police locale pour la protéger : elle l’a vu se ranger du côté de l’extrême droite, et elle sait que l’auto-organisation est la meilleure défense. Elle a ainsi mis en place, depuis l’incident, une milice d’autodéfense qui patrouille dans la ville afin d’éviter d’autres attaques des suprémacistes : la Lincoln Heights Watch.

Ces équipes d’autodéfense armées font écho aux Black Panthers. Groupe fondé en 1966, le Black Panther Party for Self Defense est un mouvement noir pour l’autodéfense face aux crimes racistes et aux violences policières. Le Black Panther Party élabore un programme en 10 points, organise la protection de la communauté noire, organise différents programmes sociaux – nourriture, éducation, espaces festifs, sports… – diffuse un journal, riposte aux violences policières…

En janvier 1967 à Oakland est formé le premier bureau, qui entreprend des patrouilles afin de protéger la population noire des violences policières racistes. En pleine vague contestataire aux USA, le FBI et différentes officines de l’État vont tout faire pour détruire ce mouvement. De nombreux membres sont assassinés ou mis en prison, et le mouvement finit par disparaître au cours des années 70.

La communauté de Lincoln Heights entend aller plus loin dans son auto-organisation, appelant lors de réunions publiques chaque habitant et habitante à faire connaître les compétences qu’il ou elle pourrait mettre au service de la communauté. Les habitant·es ont également démarré un boycott des commerces d’Evendale, une commune voisine d’où venait la police ayant protégé les néonazis, pour réclamer qu’une enquête soit ouverte contre les policiers. Ce boycott antiraciste évoque lui aussi la pratique utilisée par la population noire de Montgomery contre la ségrégation dans les bus, dans les années 1955.

Le pasteur de Lincol Heights, lors d’une interview télévisée, a fait passer un message aux néonazis : “vous ne gagnerez pas. Vous pouvez essayer, nous avons une Histoire. Une Histoire qui nous donne la force de vaincre dans de telles situations, aussi difficiles qu’elles soient. Vous ne gagnerez pas”.

Aujourd’hui au-dessus du pont de la ville, de nouveaux messages sont apparus, affichant la conviction des habitant·es : “Love wins” – l’amour gagne – et “Unite against hate” – unissons-nous contre la haine.

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