Aujourd’hui, les responsables de la mort de Shireen Abu Akleh restent impunis et Israël massacre les journalistes

La propagande israélienne a imposé l’idée que le «conflit» en Palestine aurait commencé le 7 octobre 2023. L’oppression coloniale, les massacres et les violations du droit international durent pourtant depuis 70 ans.
Dans la longue histoire de ces violences, l’assassinat de la reporter Shireen Abu Akleh. C’était le 11 mai 2022 : elle avait été exécutée par l’armée israélienne alors qu’elle faisait son travail. Shireen était une journaliste de nationalités Palestinienne et Américaine. Elle couvrait depuis 20 ans la situation en Palestine, sur le terrain, au cœur des événements. Elle rapportait les exactions, les tirs, les arrestations, et était l’une des reporters les plus connues de la chaîne Al Jazeera. Elle avait également travaillé pour La Voix de la Palestine et Radio Monte-Carlo.
Le 11 mai 2022, Shireen Abu Akleh s’est rendue dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie, lors d’une offensive de l’armée israélienne. Elle avait été abattue alors qu’elle portait un gilet pare-balle et un casque avec les lettres «PRESS» parfaitement visibles et lisibles. Fauchée par une balle dans la tête, qui a traversé une aspérité de ses protections.
Dès son assassinat, pour les témoins sur place, pour le ministère de la santé palestinien comme pour le média pour lequel elle travaillait, il ne faisait aucun doute que l’armée israélienne avait visé la journaliste. Pourtant, la propagande israélienne avait allumé des contre-feux, cherché à semer le doute, parlant d’une «fusillade» et affirmant qu’il s’agirait d’une balle tirée par des palestiniens. Le mensonge et l’inversion : armes systématiques de l’État colonial.
Le 30 septembre 2000, Mohammed Al Durah, enfant palestinien de 12 ans, mourait sous les balles israélienne. Son agonie avait été filmée par une caméra de France Télévision. Cela n’avait pas empêché Israël d’affirmer, en dépit de toutes les évidences, que les tirs venaient des palestiniens. Idem lorsque le premier hôpital de Gaza a été bombardé en 2023 : Israël avait assuré qu’il s’agissait d’une roquette palestinienne défectueuse, un mensonge repris par les médias du monde entier. Depuis, Israël a presque totalement détruit Gaza et quasiment tous ses hôpitaux. Plus récemment, un convoi de secouristes palestiniens a été massacré par des soldats israéliens. Version officielle ? Il s’agissait de «terroristes» circulant tous feux éteints. Les images retrouvées dans le téléphone d’une des victimes ont prouvé le contraire.
C’est donc cette même stratégie qui a été utilisée après la mort de Shireen Abu Akleh. Sara Grira, journaliste pour le média Orient XXI, s’insurgeait à l’époque : «Non, la journaliste n’a pas été ‘prise au milieu d’échanges de tirs entre l’armée israélienne et des hommes armés’. Toute la séquence a été filmée par la chaîne. La journaliste a reçu une balle derrière l’oreille.» Une balle de sniper, un tir extrêmement précis. «Et les soldats ont continué à tirer quand elle est tombée à terre et que ses confrères tentaient de la secourir…»
Ces violences s’inscrivaient dans une escalade marquée par l’attaque de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem par la police militaire israélienne, causant de nombreux-ses blessé-es, dont plusieurs gravement. L’actuel gouvernement fasciste s’apprêtait à accéder au pouvoir et préparait déjà le génocide de Gaza.
Le soir du 11 mai 2022, les forces israéliennes ont empêché les hommages qui s’organisaient près du domicile de la journaliste défunte. Le 13 mai à Jérusalem, la police israélienne attaquait les personnes en deuil qui portaient le cercueil de Shireen depuis l’hôpital. Des images scandaleuses montraient ces policiers armés agresser le cortège mortuaire avec des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes, et tabasser les porteurs du cercueil avec des matraques. La défunte avait finalement été transportée vers la vieille ville, où est célébrée une messe dans une église, étant de foi chrétienne.
Trois ans ont passé. La mobilisation des proches de Shireen Abu Akleh et la pression internationale ont empêché que l’affaire soit étouffée. Plusieurs mois après les faits, l’armée israélienne a reconnu une «forte probabilité» que la journaliste ait été tuée «accidentellement» et s’est excusée. Une enquête de l’ONU avait confirmé un tir israélien. Puis, un documentaire d’investigation intitulé « Qui a tué Shireen ? » avait identifié un soldat israélien, Alon Scaggio, membre d’une unité d’élite, comme l’auteur du tir. Selon les auteurs du film, il avait volontairement visé la journaliste. Une plainte a été déposée devant la Cour Pénale Internationale. Pourtant, à ce jour, aucune poursuite n’a été engagée.
Après la mort de Shireen, nous écrivions que 50 journalistes palestinien-nes étaient mort-es depuis 2000 à cause de l’occupation israélienne, et qu’il y avait aussi des dizaines de journalistes palestinien-nes détenu-es derrière les barreaux de l’occupation, dont Bushra al-Tawil, emprisonnée sans inculpation ni procès : il est en détention administrative.
En ce mois de mai 2025, plus de 200 journalistes ont été assassinés à Gaza en un an et demi seulement, faisant de ce petit territoire le plus grand cimetière de journalistes du monde. Cette hécatombe prouve que la mort de Shireen n’avait rien d’un accident, mais qu’il s’agissait d’une stratégie d’élimination délibérée de la presse et des témoins des violences coloniales.
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