
Le voilier se nomme «Madleen», en hommage à la première femme pêcheuse professionnelle de Gaza, Madeleine Kullab, dont le père a été tué par les bombardements israéliens. Le navire est parti de Sicile le 1er juin, emportant des «jus de fruit, du lait, du riz, des conserves, des barrettes de protéine» offerts par des centaines de citoyens solidaires du peuple palestinien.
Sur cette frêle «flottille pour la liberté» : une douzaine de personnes, dont l’eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan et la militante écologiste suédoise Greta Thunberg. On y trouve aussi l’activiste brésilien Thiago Avila, des journalistes, des bénévoles…
La mission du navire est de briser le blocus imposé à la bande de Gaza par Israël. Un blocus qui dure depuis 2007, et qui est organisé à la fois sur terre, mais aussi en mer où toute embarcation palestinienne qui s’éloigne un peu des côtes est abattue par l’armée israélienne. De nombreux pêcheurs ont ainsi été tués. Depuis plusieurs mois, ce blocus est total et prive les survivants de Gaza de nourriture et de biens humanitaires vitaux, provoquant une famine et des situations sanitaires apocalyptiques. Le projet de ce voilier et de son équipage international et prestigieux, géolocalisé en temps réel, est bien entendu de donner un écho médiatique à la dénonciation du génocide en cours et l’impunité dont bénéficie l’État d’Israël.
La mission du «Madleen» vers Gaza s’inscrit dans à la suite de plusieurs autres «flottilles de la liberté» : ce mouvement international non-violent est né en 2008 pour dénoncer, déjà à l’époque, le blocus de Gaza.
Le 5 juin, l’embarcation a fait un détour en Méditerranée pour venir en aide à quatre personnes réfugiées originaires du Soudan qui traversaient la mer dans une embarcation de fortune et s’étaient jetées à l’eau pour éviter les garde côtes. «Nous avons pu les secourir, elles sont avec nous sur notre bateau», a affirmé Rima Hassan.
Le navire devrait arriver au large de Gaza ces prochains jours, sans doute le 8 juin. Mais Israël ne compte rien laisser passer. Le 3 juin au soir, le navire a été longuement survolé par un drone. Le 4 juin, la défense israélienne a annoncé dans la presse qu’elle ne laisserait pas passer le «Madleen», afin d’empêcher «un précédent susceptible de compromettre le blocus». Même si les denrées transportées sont en quantité dérisoires au regard des besoins de Gaza, c’est un symbole qui compte et, pour l’État colonial, pas question de laisser entrer quoique ce soit.
L’armée israélienne a aussi annoncé le déploiement d’un commando maritime pour intercepter le bateau. Lors d’une conférence de presse, le général de brigade, Effie Defrin a déclaré que la «Marine est mobilisée jour et nuit pour protéger l’espace maritime d’Israël et les frontières maritimes», «je ne rentrerai pas dans le détail de la façon dont nous nous préparons mais nous avons acquis de l’expérience ces dernières années, et nous agirons en conséquence» a-t-il cru bon de préciser. Sur I24, un lieutenant-colonel a confirmé : «Si ces personnes défient les informations, il y aura une opération comme en 2010».
Il s’agit là de menaces de mort, qui ne sont pas forcément perceptibles si l’on ne connaît pas l’histoire des flottilles de la liberté. À quoi font référence ces militaires ? À un massacre survenu en 2010.
Cette année-là, Israël avait déjà attaqué la flottille pour Gaza qui s’approchait des côtes gazaouies. À l’époque, le convoi naval était composée de 8 bateaux acheminant 682 militants et 10.000 tonnes de matériel et d’aide humanitaire. On trouvait à bord des personnalités politiques, religieuses, des élus, des journalistes… «Il n’y a même pas de rasoir, de lame ou de couteau à bord» expliquait l’un des organisateurs pour souligner l’aspect totalement pacifique de la mission.
Plusieurs bateaux ont été sabotés par l’armée israélienne. Et alors que la flottille se trouvait encore dans les eaux internationales, les militaires ont donné l’assaut en pleine nuit, par surprise. Des zodiacs ont encerclé un navire, un hélicoptère le survolait, les soldats sont montés à bord et ont débord tiré des balles en caoutchouc et des grenades assourdissantes sur le navire. Plusieurs militants ont été tués par ces armes. Ce sont ensuite des tirs à balles réelles qui ont été réalisés contre les membres de la flottille, sur le pont mais aussi depuis l’hélicoptère. En tout, 9 humanitaires ont été tués, essentiellement turcs, dont plusieurs ont reçu des tirs dans le dos ou à l’arrière de la tête : des exécutions.
L’année suivante, une deuxième flottille a renouvelé la tentative, mais elle avait à son tour été agressée par l’armée israélienne, qui avait arraisonné les navires et menacé les militants présents avec des armes de guerre.
Pour les meurtres commis en 2010, plusieurs responsables militaires israéliens ont été condamnés par une cour criminelle d’Istanbul, en 2014, qui demandera à Interpol d’émettre un mandat d’arrêt international. Sans succès.
Quand des responsables israéliens parlent de «l’expérience» acquise en 2010, c’est à cela qu’il font référence. À des crimes de guerre sur une flottille humanitaire sans arme. Il faut donc redouter le pire, et rester très vigilants sur la suite du trajet du «Madleen».
Il y a un mois seulement, dans la nuit du jeudi au vendredi 2 mai dernier au large de Malte, dans les eaux internationales, un bateau baptisé «Conscience» qui contenait de l’aide humanitaire pour Gaza a été frappé par des drones israéliens. L’ONG qui affrétait cette flottille a déclaré qu’il y avait 30 militants sur le navire, qui sont heureusement sains et saufs. Il s’agissait à nouveau d’une attaque militaire contre un navire civil en haute mer : encore une violation du droit international par Israël.
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.