Un nouveau jour de honte pour les médias français


Lundi 9 juin, les faiseurs d’opinion qui dirigent les médias français, privés comme publics, auraient pu retrouver un peu de dignité, choisir un traitement de l’actualité pertinent, ou juste décider d’informer la population. Mais non, c’était un nouveau jour de honte dans les médias de masse. En voici un aperçu.


Lundi 9 juin, les médias français auraient pu retrouver un peu de dignité, mais ils en ont décidé autrement, entre mensonges et propagande fasciste.

Ce lundi, des dizaines de milliers de personnes déferlaient en France pour soutenir la flottille de la liberté, dont l’équipage venait d’être arrêté. Une mobilisation de masse, spontanée, puissante, avec une occupation de la place de la République au cœur de Paris. En parallèle, Israël poursuivait la phase finale d’un projet génocidaire à Gaza. Et ces derniers jours, un deuxième assassinat raciste a eu lieu en quelques semaines seulement dans le pays.

Devinez quel est l’angle choisi par BFM TV pour son prime time du lundi soir ? Une émission d’extrême droite. L’intitulé de la soirée : «La France est-elle en panne d’autorité ?» Dans un pays où la police est la plus armée et violente d’Europe, où le gouvernement dirige par 49.3 et piétine les résultats des élections, dans un pays où les manifestations sont écrasées et les aspirations de la population ignorées par une minorité au pouvoir, une telle question a de quoi faire rire.

La France est un régime autoritaire en voix de fascisation. Mais BFM a choisi de consacrer sa soirée aux «violences et dégradations en marge de la victoire du PSG», à la «délinquance des mineurs» et à la «justice jugée trop laxiste». Dans les faits, la justice n’a jamais été aussi sévère depuis des décennies, l’arsenal législatif n’a jamais été aussi répressif et les prisons n’ont jamais été aussi remplies. Mais BFM n’a pas pour but d’informer, seulement de préparer l’opinion à une victoire de l’extrême droite.

Dans ce prétendu «forum» télévisé, plusieurs personnalités sont intervenues, la plupart macronistes ou proches de l’extrême droite. Et l’une des invitées d’honneur était la politicienne fasciste Sarah Knafo, qui ne représente rien politiquement, mais qui a appelé à construire 100.000 places de prison, entre autres déclarations liberticides. Le jour même d’un événement politique et géopolitique majeur : l’arrestation illégale d’un équipage international par Israël, cette chaîne a donc choisi d’offrir une tribune inespérée à la frange la plus radicale de l’extrême droite. Sarah Knafo, qui n’en demandait pas tant, a tweeté : «Merci à BFM d’organiser une soirée spéciale sur l’insécurité».

Dans le reste des médias, notamment publics, la couverture est un peu moins scandaleuse, mais tout aussi malhonnête. Parmi l’avalanche d’euphémismes et de mensonges, on peut offrir une médaille à ce titre de France Inter : «Le bateau humanitaire pour Gaza intercepté par Israël, ses passagers invités à retourner chez eux».

Deux mensonges en une phrase, record à battre. Le bateau n’a pas été «intercepté» mais il a subi une attaque de soldats en armes dans les eaux internationales, ce qui est un acte de piraterie d’État. Et ses passagers ont été enfermés en-dehors de tout cadre légal, et pas «invités» à rentrer chez eux. À entendre France Inter, il s’agissait d’une sympathique promenade et d’un échange courtois.

Sur France Info, la rédaction choisit d’inviter le porte-parole du RN, qui accuse l’eurodéputée Rima Hassan de «faire de la provocation». La grande classe : donner la parole à l’extrême droite pour cracher sur une femme emprisonnée, qui ne peut donc pas répondre, et qui a été arrêtée pour avoir dénoncé un génocide.

Autres méthodes de manipulation : l’usage de mots qui ne correspondent pas à la réalité. Dans la plupart des médias, on parle d’un navire «arraisonné» ou «dérouté». La définition du mot «arraisonner» est la suivante : «Procéder à un contrôle pour vérifier la destination, la cargaison d’un navire». Et «dérouter» : «Faire changer d’itinéraire, de destination». Les faits ne correspondent ni à l’un ni à l’autre terme : il s’agit de l’attaque suivie de l’enlèvement d’un équipage civil qui ne représentait aucun danger et qui, encore une fois, ne demande que le respect du droit international de façon non violente.

Autre mensonge, l’équipage français aurait «refusé son expulsion» selon Libération et bien d’autres. C’est factuellement faux : les autorités israéliennes ont voulu forcer les détenus à signer un document reconnaissant qu’ils seraient entrés illégalement dans les eaux israéliennes, en échange d’une expulsion rapide. C’est du chantage. Cela revient à reconnaître un acte qu’ils n’ont pas commis – l’assaut israélien a eu lieu dans les eaux internationales – mais aussi à admettre la souveraineté d’Israël au large de Gaza, et donc son droit à imposer un blocus maritime au territoire palestinien. C’est ce chantage qui a été courageusement refusé par les français-es, prolongeant la détention de 5 personnalités. Mais aucun média mainstream ne l’explique en ces termes.

Le clou du spectacle a eu lieu lundi soir sur France Info : à l’antenne, une journaliste se trouve au milieu des manifestant-es sur la Place de la République, à Paris. Un homme s’approche et traite France info de «fachos», ce qui est bien son droit. Pour une fois, une vérité est prononcée en live sur cette antenne. En direct, la présentatrice perd son sang froid et lui donne un coup de coude, provoquant une bousculade. Littéralement, la porte-parole d’un média public qui frappe un manifestant pro-palestinien face caméra. La scène est immédiatement transformée en «journaliste agressée» par un manifestant dans Le parisien, Le Monde, RMC ou Le Huffington Post. Inversion, encore, toujours.

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