L’État français continue d’offrir à la chaîne de Bolloré une fréquence TNT

Des violences collectives contre des kebabs, des maisons et des individus d’origine maghrébine dans les rues. Ces scènes de pogrom ont eu lieu à Torre Pacheco, dans le sud-est de l’Espagne, près de la ville de Murcie ces derniers jours. Dans cette commune, des groupes d’extrême droite armés de bâtons et d’armes blanches ont organisé des émeutes racistes. Ces violences ont eu lieu après l’agression d’un retraité le 9 juillet, qui a raconté à des médias espagnols, le visage tuméfié, avoir été attaqué par trois jeunes d’origine nord-africaine sans motif apparent. Un prétexte utilisé pour déchainer une violence gratuite contre une communauté entière.
Parmi les assaillants, des hooligans arborant des insignes néo-nazis, mais aussi un groupe intitulé «Deport them now» – «Déportez-les maintenant» – sur Telegram, appelant à une «chasse» aux personnes d’origine nord-africaine, ou encore le parti d’extrême droite espagnol Vox. Celui-ci a recueilli 12,38% des voix aux dernières élections générales, et il est crédité de 18,9% d’intentions de vote dans les derniers sondages.
C’est un parti de tendance franquiste, xénophobe et nationaliste, qui a déjà défilé avec des néo-nazis dans les rues contre le gouvernement de centre gauche aux cris de «Espagne chrétienne, pas musulmane» et autres slogans racistes, ainsi qu’avec des bannières de la Phalange, groupe paramilitaire criminel sous Franco. Le chef de Vox, Santiago Abascal, a appelé à destituer le gouvernement élu.
Autre acteur de ces violences racistes, l’entreprise Desokupa, une milice «anti-squat» qui récupère, en dehors de tout cadre légal, par la force, des logements vides occupés. En 2023, ce groupe avait déployé une immense toile à Madrid appelant à expulser «au Maroc» le premier ministre socialiste Pedro Sanchez, et à «récupérer» le palais de la Moncloa, siège du gouvernement. En parallèle des violences à Torre Pacheco, un défilé fasciste a eu lieu à Madrid, derrière une grande banderole appelant à la «remigration», et scandant que l’Espagne est «chrétienne pas musulmane».
Dans la région de Murcie, il y a une forte main-d’œuvre agricole immigrée et surexploitée, souvent venue du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, qui trime sous les serres et dans les champs. Les locaux sont bien contents d’exploiter ces travailleurs bon marché, mais n’en sont pas moins xénophobes pour autant.
En France, les émeutes racistes sont valorisées sur Cnews. La chaîne de Bolloré a titré «Espagne : résistance populaire à l’immigration». Des pogroms organisés par des nostalgiques de Franco sont transformés en résistance. Sur la même chaine, un bandeau disait aussi «Angleterre, Irlande, Espagne : immigration, la révolte». Ce média qui saute sur la moindre occasion pour monter en épingle «l’insécurité» ou les affrontements en manifestation, réclamant toujours plus de répression, valorise ouvertement la violence ethnique, et semble se régaler d’attiser les braises d’une guerre civile.
Pour rappel, c’est l’État français, à travers l’Arcom, qui offre les fréquences aux chaînes de télévision, ce qui permet à toute la population de recevoir ces chaînes gratuitement par une antenne. En principe, l’Arcom doit s’assurer que ces médias sont en «capacité de répondre aux attentes d’un large public», qu’elles permettent la «sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels» et qu’elle produisent de l’information. Aucun de ces critères n’est réuni pour les chaines de Bolloré. L’Arcom renouvelle ces attributions tous les 10 ans, et l’institution a décidé l’an dernier de ne pas prolonger la fréquence de C8, chaîne multicondamnée pour des propos d’extrême droite, mais elle a maintenu celle de Cnews.
Pourtant, cette dernière est elle aussi souvent rappelée à l’ordre par l’Arcom. CNews est autrement plus dangereuse que C8, car elle vient de se classer numéro un, en part d’audience, des chaînes d’info, devant BFM. Une étude du chercheur français Julien Labarre révèle qu’en 2023 les mots «islam» et «immigration» étaient présents 335 jours sur 365 sur les bandeaux-titres de la chaîne. Autrement dit, il n’y a quasiment pas une journée sans que cette chaîne ne stigmatise une religion minoritaire. Quand ces bandeaux ne parlent pas des musulman-nes, d’autres termes apparaissent, tels qu’«abaya», «wokisme», «insécurité», «peur», «délinquance» et «trafic de drogue», au moins une fois tous les trois jours dans les bandeaux-titres. Le reste du temps, il s’agit de tirer sur la gauche.
L’Arcom est une institution liée à Macron. Son président est directement nommé par le chef de l’État, trois membres sont désignés par le président de l’Assemblée – macroniste – trois autres par le président du Sénat – de droite. Ni la droite ni les macroniste n’ont l’intention de nuire aux intérêts de milliardaires d’extrême droite. Petite anecdote : auparavant, l’Arcom se nommait CSA et avait dans ses rangs Christine Kelly entre 2009 et 2015. À l’époque, elle avait été nommée par la droite sarkozyste. Aujourd’hui, c’est une célèbre présentatrice de Cnews. L’État français permet à un organe de propagande raciste, qui attise la violence et répand quotidiennement des mensonges, d’entrer dans tous les foyers.
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