Malgré le rapport de l’IGPN, le Ministère de l’intérieur continue de protéger les policiers qui ont fracturé le crâne d’Hedi en 2023

Deux ans après, toujours pas de conseil de discipline pour la bande d’agents criminels
L’image douloureuse et choquante de Hedi, 22 ans, le crâne en partie amputé, avait été massivement relayée sur les réseaux en juillet 2023. Depuis, Médiapart s’est procuré le dossier de 200 pages fourni par l’IGPN pour faire la lumière sur cette histoire. Et les résultats sont accablants.
Rappel des faits
Nous sommes le 1er juillet 2023, à Marseille. Les révoltes suite à l’assassinat de Nahel, 17 ans, par un policier tirant à bout portant, embrasent le pays. Hedi, 22 ans, se trouve simplement dans la rue, quand il croise la route de 4 policiers de la BAC de Marseille. Alors qu’il se trouve de dos, Christophe I. vise la tête et tire une balle de LBD. Tirer au LBD sur une personne qui se trouve de dos est déjà formellement interdit. Le jeune homme s’effondre au sol. Le major Boris P. le relève, l’amène à l’écart puis, avec deux autres policiers, Gilles A. et David B. P., ils se mettent à le rouer de coups. Le coup de matraque asséné par David B. serait le coup à l’origine de la fracture crânienne selon le rapport.
Hedi est laissé pour mort. C’est un ami à lui, ainsi qu’un gérant d’une supérette, qui le conduisent à l’hôpital, où il passera une semaine en réanimation, puis deux semaines en neurochirurgie. Il subira 3 interventions, ainsi qu’une amputation d’une partie du crâne. Sans prise en charge immédiate, il serait mort. En juillet 2024, il expliquait que la greffe de crâne n’ayant pas pris, de nouvelles opérations devaient être programmées. En plus des graves conséquences physiques, il souffre également de crises d’angoisse. “Des fois, je me dis que je vais me réveiller, mais en fait je me réveille toujours avec la tête déformée, avec ces migraines, avec cet œil flou” avait-il déclaré.
Le 5 juillet 2023, une information judiciaire est ouverte et les 4 policiers sont placés en examen le 21 juillet pour violences volontaires aggravées avec arme, en réunion et par personne dépositaire de l’autorité publique. Les agents nient les faits. Leur cheffe, Virginie, affirme qu’elle n’a rien vu, rien entendu. À l’époque, elle n’est même pas inquiétée par la justice. Le 3 août, Christophe I. reconnaît finalement avoir fait usage de son LBD, mais affirmant que rien ne prouve que la blessure soit liée à ce tir. Christophe I. est placé en détention provisoire, avant d’être libéré le 1er septembre 2023.
Aujourd’hui sous contrôle judiciaire et suspendus, la bande de policiers continue néanmoins de toucher leur salaire. L’un des agents, le gardien de la paix David B., a également été condamné en avril 2025 à quatre mois de prison avec sursis pour violences sur un autre jeune homme de 20 ans. Gilles A. était également connu de la justice pour avoir gratuitement frappé un jeune au visage. Des enfants de cœur donc. Dans ce dossier, une enquête pénale a été ouverte, elle est toujours en cours.
En octobre 2024, des images dévoilées par Médiapart montrent le déroulé des faits. On y reconnaît bien les quatre agents rouer de coups Hedi, ainsi que le coup de matraque lui fracassant le crâne. La cheffe, si elle ne participe pas aux violences, est clairement visible juste à côté du groupe sur les vidéos. Hedi ne sera pas la seule victime de la soirée : à peine quelques minutes plus tard, on aperçoit sur les caméras de surveillance Boris P. rouer de coups une autre personne. À ses côtés, sa supérieure est toujours présente, et laisse faire de nouveau.
Le rapport accablant de l’IGPN
Le 13 février dernier, l’IGPN rendait son rapport, que Médiapart a pu consulter. Celui-ci est sans appel : les policiers ont fait un “usage disproportionné” de la force, alors qu’Hedi “ne représentait aucune menace immédiate”. La police des polices réclame un conseil de discipline pour les quatre policiers tabasseurs, ainsi que leur supérieure qui était jusqu’ici passée à travers les mailles du filet. Une demande plus que légère, et pourtant…
L’avocat d’Hedi explique que “le comportement de la commandante caractérise, également, plusieurs infractions pénales et qu’il existe, à ce stade de la procédure, des indices graves ou concordants justifiant sa mise en examen”.
Et que s’est-il passé depuis le 13 février ? Rien. Aucun agent n’est passé en conseil de discipline. Le ministère de l’Intérieur n’a pas bougé le petit doigt, allant jusqu’à mentir à Médiapart, puisque lorsque les journalistes ont posé la question, le ministère a répondu que “l’enquête administrative suivait son cours”. Alors que le rapport a été rendu il y a près de 6 mois.
Il faut dire que le ministère soutient les policiers criminels depuis le début de l’affaire, tout comme l’ensemble de la chaîne de commandement. En effet, dès que l’on apprend la mise en examen des agents incriminés, c’est une véritable fronde policière qui survient. Leurs collègues appellent à une “grève du zèle”, et à multiplier les arrêts de travail.
À leur sortie de l’IGPN en juillet 2023, ils sont accueillis par une véritable haie d’honneur. Frédéric Veaux, le directeur général de la police, affirme que savoir le tireur en prison “l’empêche de dormir” et “qu’un policier n’a pas sa place en prison”. Des propos gravissimes, exigeant un statut à part pour les policiers, qui ne seraient pas des justiciables comme les autres. C’est déjà une réalité dans les faits, mais que la plus haute hiérarchie policière le dise aussi clairement est révélateur.
Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, prend également fait et cause pour les criminels : “Je partage les propos du DGPN ». Le 27 juillet, Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, reçoit les syndicats policiers réclamant l’anonymisation générale des procès-verbaux et un régime spécial de détention provisoire. Au sortir de ce rendez-vous, il appuie également les propos du DGPN : “Je le soutiens totalement”. La boucle est bouclée, l’impunité de la police est confirmée par le ministère de l’intérieur. Et la séparation des pouvoirs est allègrement piétinée.
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