80 ans après Hiroshima et Nagasaki, l’humanité sous la menace guerrière et nucléaire

Un gigantesque champignon atomique lors d'un essai de frappe nucléaire.

C’était il y a 80 ans jour pour jour. Le 6 août 1945, à 8 heures, 16 minutes et 2 secondes, la ville d’Hiroshima est rayée de la surface du globe par une bombe nucléaire. La ville de Nagasaki subit le même sort trois jours plus tard. Dans le journal Combat, Albert Camus publie un texte magistral contre la sauvagerie de la civilisation moderne.

«Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique […] On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie.

[…] Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu’une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d’être définitive. […] Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison.»

Ce bombardement, qui emporte des dizaines de milliers de vies en quelques secondes et des centaines de milliers d’autres à moyen terme, n’a aucun objectif tactique dans le cadre de la Seconde guerre mondiale. Le Japon est déjà sur le point de se rendre, car il subit des défaites décisives en Mandchourie face aux troupes soviétiques. En utilisant le feu nucléaire, les USA ne veulent pas terminer une guerre mais en commencer une autre : une guerre où ils auraient la suprématie absolue. Une guerre où ils peuvent menacer n’importe qui d’écrasement instantané, en particulier l’URSS.

John Von Neumann, le mathématicien en chef du Projet Manhattan, écrivait cette confession avant de mourir : «Pourrons-nous survivre à la technologie ?» La promesse du physicien Robert Oppenheimer – qui s’était sobrement qualifié de «destructeur des mondes» – était pourtant d’empêcher les guerres à tout jamais. Le potentiel destructeur de l’arme atomique devait être tel que plus jamais aucune puissance n’oserait imaginer une confrontation frontale. Face à la menace d’une apocalypse nucléaire, la paix deviendrait obligatoire.

C’était l’une des plus grandes erreurs de l’histoire. Dès les années 1950, la guerre de Corée est l’un des premiers fronts de la guerre froide, les USA y envoient 735.000 tonnes de bombes et 29.535 tonnes de napalm. Le Général Mac Arthur envisage sérieusement l’usage de l’arme nucléaire contre le Nord du territoire. Les frappes auraient permis, selon le militaire, de terminer la guerre en dix jours et créé une ceinture radioactive empêchant l’entrée de troupes communistes venues de Chine. Au Vietnam, le général étasunien William Westmoreland met en place une opération secrète en 1968, pour transporter des missiles nucléaires et frapper le Nord du pays. Le président Lyndon B. Johnson doit intervenir personnellement pour faire cesser l’opération. Beaucoup de gens l’ignorent, mais les officiers des USA n’ont jamais rechigné à utiliser à nouveau cette arme ultime, cela n’a jamais été tabou.

À présent, des menaces de frappes «tactiques» nucléaires en Ukraine sont formulées régulièrement par la Russie, des combats font rage autour de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, les USA bombardent des infrastructures atomiques en Iran. L’invention de la bombe n’a pas empêché les guerres, elle a simplement rendu la menace existentielle.

120.000 têtes nucléaires ont été produites dans le monde depuis le Projet Manhattan, et 2.400 ont explosé dans le cadre d’essais. Au plus fort de la guerre froide, 70.000 ogives étaient en stock dans les silos des grandes puissances. Elles ne sont désormais « plus que » 12.000, mais il suffirait qu’une centaine soit utilisées simultanément pour provoquer un hiver nucléaire. L’entretien de cet arsenal a coûté à lui seul 82,9 milliards de dollars, soit 77 milliards d’euros en 2022 aux 9 puissances nucléaires, selon un rapport de l’ICAN, la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires. Cela représente 146.500 euros à chaque minute.

Et ce coût ne cesse d’augmenter, puisque la France comme l’Angleterre ont lancé de nouveaux achats d’avions de chasse permettant de larguer des bombes nucléaires, que des sous-marins nucléaires flambants neufs sillonnent les océans, et que Poutine construit de nouveaux silos de lancement de missiles atomiques.


En 2025, le refus des guerres doit être «un ordre qui doit monter des peuples» comme l’écrivait Camus il y a 80 ans.


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