Hommage à Léon Landini, résistant communiste, militant antifasciste, dernier survivant des FTP-MOI

Léon Landini à l'époque des FTP-MOI et plus âgé, alors qu'il parle de son engagement dans la résistance.

«La mort n’éblouit pas les yeux des partisans». Ainsi Louis Aragon rendait-il hommage en 1955 dans son poème «Strophes pour se souvenir» à Missak Manouchian et aux 22 résistants fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Ces résistants appartenaient au groupe des FTP-MOI, les Francs tireurs et partisans de la main-d’œuvre immigrée, dont Léon Landini était le dernier survivant. Il est mort ce dimanche 21 septembre, à l’âge de 99 ans.

À l’origine, les MOI sont des réseaux syndicaux regroupés par langues, composés de travailleurs et travailleuses étrangers en France dans les années 1920. Dans les années 1930, certain·es de ces militant·es partent combattre le fascisme au sein des brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Puis, les MOI s’engagent dans la résistance contre l’occupant nazi et se spécialisent dans la lutte armée et dans les actions de guérilla urbaine. Parmi leurs nombreux faits d’armes : des attaques du siège du parti fasciste italien, de casernes militaires, l’exécution d’un général SS en pleine rue à Paris, des sabotages… Léon Landini était l’un d’eux.

Il est né le 9 avril 1926 au Muy, dans le Var, dans une famille immigrée italienne communiste ayant fui le fascisme mussolinien. «Nous avons été élevés au lait rouge» racontait-il à L’Humanité le 9 septembre dernier. Dans la famille, l’antifascisme est une ligne à laquelle on ne déroge pas. Celle-ci accueille des réfugiés communistes, et son frère Roger amène celles et ceux qui veulent s’engager dans les brigades internationales en Espagne. Alors qu’au début de la guerre son père et son frère s’enrôlent volontairement pour se battre contre l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, Léon, qui n’a que 14 ans, taquine l’occupant.

«Avec mon copain Jean Carrara, nous n’avons rien trouvé de mieux que d’aller acheter des étiquettes sur lesquelles nous écrivions ‘Pétain tu as trahi la France’ et ‘Moins de discours, plus de pain’» racontait-il. En 1942, son engagement dans la Résistance prend une autre tournure. Il prend notamment part au sabotage d’un train entre Saint Raphaël et Cannes. À partir de là, son implication ne fera que grandir. Il rejoint en 1944 son frère à Lyon et participe à des déraillements et des attaques contre l’occupant nazi. «Nous avions peur vingt-six heures sur vingt-quatre parce que, certaines heures, la peur compte double» se rappelait-il. Le 25 juillet 1944, c’est l’arrestation, puis la torture. Il se retrouve entre les mains de Klaus Barbie, le «boucher de Lyon», mais s’évade le 24 août et prend part à la libération de Lyon.

Après la guerre, son combat continue : contre la guerre coloniale que mène la France en Algérie, contre l’impérialisme, contre le racisme. En désaccord avec le PCF, il le quitte dans les années 90 et co-crée le PRCF, le Pôle de renaissance communiste en France, en 2004.

Aujourd’hui, le président Macron lui a rendu hommage sur X : «Léon Landini, le dernier des FTP-MOI, nous a quittés à 99 ans. Il était un des visages de la diversité de la Résistance. Par-delà l’origine et la sensibilité politique : la France, toujours, en ce qu’elle a d’universel». Rappelons pourtant qu’Emmanuel Macron a tout fait pour que l’extrême-droite, contre laquelle s’est battue Léon Landini, soit mise au pouvoir à la dissolution de l’Assemblée nationale l’été dernier. Depuis 2017, il a multiplié les références au pétainisme, et a soutenu une politique  qui s’attaque au droit du sol, réprime les militants antifascistes et antiracistes. Soit précisément les combats de l’ancien résistant. En choisissant également d’évoquer une soi-disant «diversité de la Résistance», il choisit également de sciemment occulter le fait que ce sont les communistes qui étaient, de loin, les plus nombreux parmi les résistants. Et que les FTP-MOI étaient parmi les groupes les plus actifs. Mais il est de bon ton aujourd’hui de réécrire l’histoire.

Déjà, en février 2024, Léon Landini avait remis Emmanuel Macron à sa place lors de la cérémonie de panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian. Invité de la dernière heure par le président, il avait tenu le drapeau de son bataillon, Carmagnole et Liberté, et n’avait pas hésité à dénoncer le crachat au visage des panthéonisé·es que constituait le fait d’avoir convié à l’événement le Rassemblement national. Il expliquait que lorsque le Président Macron lui avait demandé s’il était content d’être ici, il avait répondu : «Je ne suis pas du tout content d’être là avec les Le Pen que je combattais, ceux qui ont créé ce mouvement. Avec le fusil je les ai combattus. Les fondateurs du Front national c’était des fascistes, on ne peut pas employer d’autres mots». En effet, Marine Le Pen et sa garde rapprochée avaient été autorisés à assister à la cérémonie, alors que Léon Landini n’était invité que du bout des lèvres, et seulement quelques heures avant la cérémonie. Les héritier·es de ceux qui ont assassiné Manouchian paradaient tout sourire devant le Panthéon sur le passage des dépouilles des deux résistant·es, pendant que leur camarade de lutte n’était que toléré.

Cette cérémonie était l’illustration parfaite de l’inversion des valeurs permanente dans laquelle nous vivons. Missak et Mélinée, réfugiés et apatrides, communistes engagés bien avant l’Occupation dans les luttes sociales et antifascistes, sont absolument tout ce que le gouvernement détesterait et chercherait à faire disparaître s’ils étaient vivants aujourd’hui. Une cérémonie organisée par un gouvernement qui réalise une chasse aux étrangers, stigmatise les minorités et applique des pans entiers du programme de l’extrême droite. Un peu plus tôt, des militants communistes, venus avec les drapeaux de leur parti, avaient été appréhendés par la police et leurs drapeaux confisqués. Les drapeaux rouges arrachés pendant que les héritiers de Pétain étaient en première ligne. Inversion totale. C’était une violence mémorielle. Ce régime ne se contente pas d’étouffer les combats sociaux et antiracistes actuels, il nous dépossède aussi de notre histoire.

Les médias des milliardaires ont également rendu hommage à Léon Landini. Le Figaro, Le Monde, Le Parisien… Tous lui ont dédié un article, rappelant le grand Résistant qu’il était. Mais il n’est de bon résistant qu’un résistant mort, car ces journaux seraient les premiers à vilipender les actions de Léon Landini, et à le qualifier de dangereux terroriste d’ultra gauche s’ils arrivaient demain. Ces journaux de cour qui aujourd’hui flirtent avec les idées de l’extrême-droite, il est certain que Léon Landini n’aurait eu que faire de leur hommage. Car il n’hésitait pas à rappeler dans une interview à Blast le 9 juillet 2024 que «le racisme, sous quelque forme qu’il soit, est à repousser et il est à combattre avec la dernière énergie. D’abord, il faut avoir une hargne comme la mienne. Parce-que moi, si j’en voyais un qui soit un peu provocateur, j’irai me mettre, même à mon âge, devant lui. […] Qu’ils viennent me dire du mal des Arabes devant moi. Je me tourne un revers dans la figure et paf. Et il se calmera tout de suite. Par expérience». Léon Landini, à 98 ans, n’avait rien perdu de sa combattivité. 

«Si tu ne résistes pas à l’oppression, et bien elle se développera encore plus». Pas besoin de grand discours alambiqué, Léon Landini avait tout dit.

AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.