Comment les médias font campagne pour l’extrême droite et trichent avec la pluralité

Le recensement des chroniqueurs sur BFM mené par Arrêt sur images : presque que des réactionnaires d'extrême droite.

Sur les plateaux télé, il y a les invités politiques officiels, ceux qui sont membres de partis et identifiés comme tels, et il y a les «éditorialistes» et les «chroniqueurs», qui diffusent leur idéologie derrière une fausse neutralité et un statut d’expert. Ce sont ces gens qui forgent l’opinion, imposent leurs obsessions et neutralisent certains courants politiques dans la durée.

Le média Arrêt sur image a mené un recensement complet des «journalistes et éditorialistes invités sur BFMTV pour commenter l’actualité». Ils viennent quasiment tous de titres situés très à droite. Ceux qui passent le plus à l’antenne sont issus du Figaro et l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles. Une méthode efficace pour manipuler l’opinion tout en donnant l’illusion de respecter les règles. On vous explique.

Pour obtenir une diffusion au niveau national sur les canaux de la TNT, c’est l’État français qui offre les fréquences. En principe, l’Arcom – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – un organisme sous tutelle du gouvernement, doit s’assurer que ces médias sont en «capacité de répondre aux attentes d’un large public», qu’ils permettent la «sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels» et qu’ils produisent de l’information. Si les chaînes ne remplissent pas ces critères, on peut leur retirer leur fréquence.

Pour respecter les règles de pluralité, les chaînes doivent donner un tiers de temps de parole au gouvernement en place et les deux autres tiers équitablement répartis «entre l’ensemble des forces politiques selon leur poids électoral, les sondages d’opinion et leur contribution à la vie politique». Tout cela est déjà très subjectif, mais admettons.

Cnews a choisi de tricher franchement, et de l’assumer. L’organisation Reporters sans Frontière (RSF) a analysé la méthode de la chaîne Vincent Bolloré pour contourner l’obligation de pluralisme dans un récent rapport. Et ce n’est vraiment pas subtil. En gros, pour respecter le temps de parole qu’elle doit accorder à «la gauche», Cnews passe des discours de François Hollande au milieu de la nuit. «Nous avons découvert que CNews, loin de respecter le pluralisme à l’antenne comme elle s’en targue, triche» écrit RSF : «D’un côté l’extrême droite occupe, et de loin, la première position» aux heures de grande écoute, c’est-à-dire les tranches de 7h-10h et 18h-21h, de l’autre, la «gauche» au sens le plus étendu bénéficie du même temps à l’antenne, mais quand personne ne regarde.

Selon RSF, «François Hollande se retrouve être la troisième personnalité politique la plus diffusée sur CNews». La chaine de Bolloré passe «des interviews et des conférences entières de l’ex-président socialiste en pleine nuit, ou très tôt le matin, parfois en décalage flagrant avec l’actualité». Un exemple : le 27 mars, à 23 heures, un discours de Hollande est diffusé pendant 1h20 sans interruption. Et «faute d’une prise de son adéquate, il y est à peine audible». Ce même discours sera à nouveau retransmis trois jours plus tard, un dimanche à 5h30 du matin. Et hop, ça contrebalance la même durée avec des invités néofascistes en heure de pointe.

Ceci étant posé, on critique beaucoup Bolloré, mais la chaîne BFM a adopté la même ligne éditoriale. Médiapart révélait que pendant la campagne des législatives de 2024 après la dissolution, la direction avait donné comme consigne de mettre à l’antenne davantage «d’éditorialistes de droite et droite +». Les chefs de la chaîne avaient même diffusé une liste d’éditorialistes réactionnaires qu’il faut inviter : un ex-communiquant du RN, le «JDD» et des journalistes de «Valeurs actuelles».

Les «chroniqueurs» de ce journal d’extrême droite, par ailleurs condamné pour racisme, sont ainsi invités plusieurs fois par jour sur les plateaux. En 2024 également, Arrêt sur Image, avait comptabilisé les interventions de membres de Valeurs Actuelles : la même semaine électorale «pas moins de quatre journalistes du magazine d’extrême droite s’y sont succédés, jusqu’à 7 fois par jour, dans 21 passages au total».

BFM est dirigée par Marc Olivier Fogiel, proche du couple Macron, qui avait interdit à ses équipes d’utiliser le terme de «violences policières» à l’antenne car il est, selon lui, «connoté politiquement». Sur le plateau, on trouve Yves Thréard, directeur adjoint du Figaro, qui est tellement présent qu’on imagine qu’il a une chambre à côté des studios. Il y a aussi le sondologue Frédéric Dabi, grand supporter d’Israël, ennemi juré de la France Insoumise et proche de l’extrême droite, ou encore l’insupportable Barbara Lefebvre, présentée comme «enseignante» mais qui est en réalité militante proche du RN.

La technique de BFM est donc de placer des «éditorialistes» qui ne sont pas officiellement des candidats ou des élus d’extrême droite, mais qui sont parfois encore plus réactionnaires, et dont le temps d’antenne n’est pas limité par l’Arcom. Vous ne trouverez évidemment sur BFM aucun chroniqueur à plein temps issu de Médiapart, de l’Humanité voire de Contre Attaque ou de Frustration pour porter la contradiction. Le résultat, ce sont des débats en vase clos sur l’Islam et l’insécurité, la diffusion de sondages truqués en faveur de l’extrême droite, des diffamations en série contre la France Insoumise, et la promotion du quinzième livre de l’année contre Jean-Luc Mélenchon.

La chaine publique France Info est en train d’appliquer la même méthode, avec des chroniqueurs issus eux-mêmes de la presse de droite ou recrutés chez Cnews. Tout ce petit monde se connaît, se coopte et circule de plateau en plateau pour imposer la pensée unique.

Avec des médias aussi putréfiés, il est même presque étonnant que le RN ne soit pas déjà élu. Mais les milliardaires font tout pour avant les prochaines élections. Alors pour contre-attaquer, soutenez, partagez, financez les médias indépendants.

AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.