Laid, inutile et coûteux mais «moderne» : un concentré de macronisme

Le gouvernement devait absolument trouver une solution. Il fallait répondre à ce problème lancinant, à ce sujet dont tout le monde parle dans la rue. La troisième guerre mondiale ? La pauvreté ? L’apocalypse écologique ? Non, les enseignes «Presse» des marchands de journaux.
Le Ministère de la Culture l’annonce fièrement sur Twitter le 6 mars : «Face aux défis auxquels est confronté le secteur de la presse, il était essentiel de repenser cet emblème». La presse est effectivement confrontée à de nombreux problèmes : la mainmise de quelques milliardaires sur les grands médias, la disparition de la pluralité de l’information, l’effondrement des ventes de journaux concurrencés par internet…
Rachida Dati et son ministère ont donc lancé une grande opération, qui a mobilisé des hauts fonctionnaires, des consultants, des réunions et des études de projets pendant des mois, pour… «renouveler» l’emblème «Presse» que tout le monde connaît, et qu’absolument personne, nulle part, n’a demandé à changer. Une pure idée de technocrate sans talent, probablement conseillé par un cabinet privé. L’État français veut aider le bon peuple à mieux reconnaître un marchand de journaux, car il risque d’entrer dans une charcuterie quand il part acheter son Ouest-France du jour.
Mais alors, à quoi ressemble ce nouveau logo dont tout le monde réclamait avec désir et impatience la «modernisation». C’est un aperçu du génie français : on ne voit ni le mot presse, ni le logo ! Un comité du Ministère de la Culture a réussi à transformer un emblème efficace, clair et lisible, en un gribouillis incompréhensible. L’ancien modèle était ultra-simple, il comportait trois codes visuels immédiatement reconnaissables : une plume rouge vif très voyante, le mot presse en noir, se démarquant nettement sur un losange jaune pétant.
Les graphistes payés par le Ministère de la Culture ont bafoué les règles de base de la typographie. Les lettres sont écrasées et superposées, ce qui brouille complètement la lisibilité. Une enseigne doit être écrite à l’horizontale pour être lue facilement. Les nouvelles lettres apparaissent en gris sur fond jaune, il n’y a donc aucun contraste, en plus de rendre l’emblème terne et triste, grisâtre et incolore, comme tout ce qui se fait en ce moment. Les malvoyant-es apprécieront, les typographes s’arracheront les cheveux. La plume rouge typique a disparu, au profit d’une sorte de lame métallique. S’agit-il d’un couteau suisse ? D’une guillotine à la verticale ?
Au-delà du ratage graphique évident, c’est la destruction d’un emblème populaire connu depuis des décennies par le français dit «moyen». Seuls des bourgeois parisiens peuvent trouver cela pertinent de le jeter à la poubelle. À moins qu’il ne s’agisse d’un sabotage délibéré ? En pleine crise de la presse, faut-il ainsi accélérer la fermeture des marchands de journaux ?
Dans sa com’, le Ministère parle d’un «design plus doux et accessible [qui] va lui permettre de mieux s’intégrer avec d’autres enseignes commerciales, le tout dans des matériaux plus durables et écologiques et avec une déclinaison lumineuse conforme aux réglementations définies par le Code de l’environnement». Du bullshit rédigé par une agence de marketing qui a dû facturer ça une fortune.
Mais ce n’est pas le plus honteux. Cette opération est financée par un programme gouvernemental baptisé «plan ruralité». Un plan, peut-on lire sur le site du gouvernement, qui «vise à répondre de manière adaptée aux besoins des territoires ruraux» via «la création de France ruralités», un énième gadget merdique du macronisme. Le «fruit d’une collaboration entre le Gouvernement et les collectivités territoriales. Son ambition est d’améliorer le quotidien des Françaises et des Français vivant en zone rurale».
Bonne initiative ! Les français ruraux ont justement besoin de cliniques à proximité pour se soigner, de rouvrir les gares fermées dans les petites communes, d’avoir des bureaux de Poste et des lieux de sociabilité. Non ? Pas du tout ! Confions à des graphistes hors-sol un nouvel emblème pour les marchands de presse.
L’État va financer à hauteur de 80% et jusqu’à 90% en zone rurale le changement des 20.000 enseignes de bureaux de presse existants. La plaisanterie a déjà coûté 6 millions d’euros selon le dossier du Ministère. Mais si chaque bidule coûte autour de 500€, estimation basse, on peut tabler sur 10 millions d’euros l’opération. La culture possède un des budgets les plus bas, le Pass culture subit des restrictions, on demande aux régions de sabrer les dépenses culturelles, mais il fallait changer un truc qui marchait bien pour un truc nul.
On pourrait dire que quelques millions ne représentent pas grand chose dans le budget de l’État. C’est vrai, mais cette opération est révélatrice. Elle en rappelle furieusement une autre. En 2024, le CHU de Nantes dépensait 185.000 euros pour un nouveau logo, sensé «mettre en lumière les valeurs du CHU» selon le dossier communiqué à l’époque.
Le logo au couleurs vives fabriqué par une agence de com’, porte comme sous-titre vide de sens : «Aux nouvelles frontières de la santé». On se demande s’il s’agissait de foutage de gueule, d’une pub pour une agence de voyage ou de l’hôpital public. Les concepteur mettaient en avant la «démarche collaborative» et autre bêtises du genre : «le rayonnement du collectif éclairé» ou la «rencontre des énergies positives». Pendant de temps, 100 lits étaient fermés, des gens mourraient dans les couloirs d’attente de l’hôpital et le personnel tirait une énième fois la sonnette d’alarme.
Tout fonctionne désormais comme ça dans la Start-Up Nation. Des «Partenariat Publics Privés» coûtent des fortunes à l’État et engraissent des multinationales au détriment d’investissements publics qui reviendraient moins chers. Le gouvernement a recours à des cabinets de conseils hors de prix pour réaliser des études que les organismes publics peuvent faire plus efficacement. L’argent public subventionne des crèches et des écoles privées alors qu’on manque de structures publiques pour les enfants…
Ainsi, créer des logos nuls pour tenter de masquer le désastre néolibéral est un mode de fonctionnement de l’époque.
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.
Une réflexion au sujet de « Le nouvel emblème des bureaux de presse : symbole de la médiocrité au pouvoir »
avec tout le fric qu’ils truandent ils ne sont même pas capables d’embaucher des gens de talent!!!
le cabinet de conseil c’était celui du frère ou du cousin de qui?