François : la mort d’un Pape wokiste ?

Le Pape François porté près d'un petit Jésus reposant dans un keffieh pour la crèche de Noël.

Ces 40 dernières années, trois papes se sont succédés au Vatican : Jean-Paul II, pape polonais réactionnaire et agent anti-communiste qui travaillait avec la CIA, puis Benoit XVI, pape allemand passé par les Jeunesses Hitlériennes dans son adolescence, tout aussi conservateur, et enfin François, qui s’est éteint ce 21 avril 2025. Argentin, engagé dans les questions de son temps, celui qui était à la tête du culte catholique et ses 1,4 milliards de fidèles était détesté de la plupart des catholiques occidentaux, et parfois même traité de «wokiste» par les médias de Bolloré.

Ironie du sort : quelques heures seulement avant sa mort, il recevait au Vatican J.D. Vance, le vice-président des USA, un authentique fasciste, partisan d’une idéologie baptisé «Lumières obscures». La rencontre avait été glaciale. Cette dernière rencontre a-t-elle été funeste à l’homme d’Église ?

Autre symbole, le Pape François est mort à Pacques, célébration du passage de la vie à la mort puis de la résurrection du Christ. Dans son dernier message, depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre de Rome, il avait une fois de plus dénoncé la «situation humanitaire dramatique et ignoble» à Gaza et a appelé un cessez-le-feu. Depuis son élection en 2013, le pape sud-américain aura multiplié les déclarations contre le capitalisme et la guerre, pour le droit des étrangers, pour la Palestine et l’inclusion des personnes homosexuelles. Quelques exemples.

Le 20 décembre dernier, à quelques jours de Noël, le pape François condamnait la «cruauté» de l’armée israélienne, qui venait de tuer sept enfants d’une même famille palestinienne à Gaza. Lors d’une allocution au Saint-Siège, il déclarait : «Hier, des enfants ont été bombardés. C’est de la cruauté, ce n’est pas la guerre. Je tiens à le dire parce que cela me touche au cœur».

Le 7 décembre, le Pape inaugurait au Vatican une crèche fabriquée à Bethléem, ville palestinienne de naissance du Christ, avec une représentation de l’enfant Jésus enveloppée dans un keffieh. Ce foulard palestinien noir et blanc est un symbole mondialement connu de la résistance contre le colonialisme israélien. Le pape déclarait à cette occasion : «Assez de guerres, assez de violence !» et appelait ses fidèles à avoir «une pensée pour les frères et sœurs qui, là-bas (à Bethléem) et ailleurs dans le monde, souffrent de la tragédie de la guerre». Il a aussi condamné l’industrie de l’armement «qui se nourrit de la guerre et de la mort». Dès 2014, il s’était rendu à Bethléem, en Palestine occupée.

En novembre 2024, des textes du Pape appelaient la communauté internationale à «étudier» les accusations de «génocide» contre Israël, et critiquaient les bombardements au Liban, estimant qu’ils allaient «au-delà de la morale». Le même mois, lors d’un discours au Vatican, le pape dénonçait «l’arrogance de l’envahisseur» en Ukraine comme en Palestine. Le Saint-Siège reconnaît d’ailleurs depuis 2013, année de l’élection du pape François, l’État palestinien, avec lequel il entretient des relations diplomatiques. Il téléphonait d’ailleurs régulièrement à la seule église catholique située à Gaza, pour prendre des nouvelles et donner des encouragements.

Le pape a également rencontré les parents de Palestiniens tués par Israël à Gaza, et avait dit après cette entrevue : «Ce n’est plus une guerre, c’est du terrorisme».

Le Pape n’a pas uniquement multiplié les prises de position pour la Palestine, il a aussi dénoncé le racisme et le capitalisme. Le 23 septembre 2023, alors qu’il célébrait une messe devant 57.000 fidèles à Marseille, il avait dénoncé le fait que «des nationalismes archaïques et belliqueux veulent faire disparaître les rêves de la communauté des nations», parlé de l’accueil des exilés et de leur sauvetage en mer comme étant «la sauvegarde de la dignité humaine». Il avait ajouté que «ceux qui se réfugient chez nous ne doivent pas être considérés comme un fardeau à porter». Un discours fidèle aux textes bibliques, mais totalement contraire aux politiques appliquées par les droites occidentales. Cnews s’étranglait du «wokisme» de l’homme d’Église et affirmait qu’il «n’aime pas la France».

En 2021, pendant la crise sanitaire, le pape François tenait aussi un discours anticapitaliste : «Ce système, avec sa logique implacable du profit, échappe à tout contrôle humain». Il dénonçait le «pacte non signé, mais inconscient, entre l’égoïsme des forts et le conformisme des faibles». Il allait même plus loin en refusant un éventuel retour à la normale, se disant «inquiet» du retour de «la même structure socio-économique qu’avant la crise», qu’il avait qualifiée de «suicidaire», «d’écocidaire» et de «génocidaire».

Dès le mois de mai 2015, le Pape François s’en prenait au militarisme et au culte du profit avec ces mots : «Le diable entre par le portefeuille», «L’industrie des armes : c’est grave ! C’est l’industrie de la mort !» ou encore «On fait la guerre pour défendre l’argent». François avait conclu son discours par : «Là où il n’y a pas de justice, il n’y a pas de paix !» Des paroles plus radicales que la quasi-totalité de la gauche française. Il avait aussi dit en 2023 : «La guerre est toujours une défaite ! Chaque guerre est une défaite !»

«L’enseignement catholique est très clair : chaque fois que des innocents sont pris pour cible, que de la nourriture est refusée, qu’il n’y a pas d’abri adéquat, que des installations médicales sont détruites, nous avons la responsabilité de nous élever avec force pour défendre ceux qui souffrent» expliquait-il.

Enfin, et même si c’est très insuffisant, il avait fait progresser l’Église concernant les droits des personnes homosexuelles. Dès 2013, il disait : «Si une personne est gay et cherche le Seigneur, qui suis-je pour la juger ?» En décembre 2023, François franchissait un pas, en permettant la bénédiction aux couples de même sexe par l’Église. Une décision qui avait fait hurler les catholiques conservateurs en Occident.

Parmi les successeurs probables au Vatican, on trouve le cardinal Pietro Parolin, proche de François, Jean-Marc Aveline archevêque de Marseille connu pour ses positions en faveur des droits des réfugiés, mais aussi le cardinal Robert Sarah, figure de l’aile traditionaliste, homophobe et anti-immigration.

Pourquoi revenir sur les déclarations du pape défunt ? Pour rappeler que l’extrême-droite se prétend catholique uniquement jusqu’au jour où le Pape lui dit qu’il ne faut pas laisser mourir les réfugiés et les palestiniens. Là, elle se rappelle qu’elle est surtout raciste et colonialiste.

Il faut dire que Jésus était plus révolutionnaire pour son époque que proche des idées de Retailleau ou Bardella, qui n’ont pourtant que la «civilisation chrétienne» à la bouche…

Voici pour finir un extrait de l’Évangile selon Saint Matthieu, qui raconte la vie de Jésus. «Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi». Saint Paul écrivait quant à lui que «la racine de tous les maux est la soif d’argent».


Et on trouve cette phrase dans l’évangile de Saint Luc : «Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles».


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