– Le «en même temps» macroniste : inviter des entreprises génocidaires mais cacher leurs armes derrière des panneaux noirs –

Le salon mondial du militarisme et de la guerre vient d’ouvrir au nord de Paris. Le célèbre salon du Bourget a démarré ce lundi 16 juin. C’est un événement gigantesque consacré à l’industrie aérospatiale, qui expose des entreprises de l’aviation civile et militaire. On y trouve les marchands de missiles et de drones militaires du monde entier, et des représentants de gouvernements venus des quatre coins du globe pour observer les dernières innovations et faire leur marché.
Cette année, le salon est particulièrement guerrier : sur les 2.400 exposants venus de 48 pays, 926 sont directement affiliés au secteur de la défense. Les stands venus des USA – premier vendeur d’armes du monde – et français – à la deuxième place du podium – ont évidemment la part belle. Mais neufs organisations israéliennes ont aussi reçu l’autorisation d’exposer près de Paris. Notamment un stand du ministère de la défense d’Israël : littéralement les responsables d’un génocide et une guerre internationale au Moyen-Orient, en ce moment, sous nos yeux.
Ce lundi matin, les élus socialistes du conseil départemental de Seine-Saint-Denis ont refusé de participer à l’inauguration du salon avec le Premier Ministre, à cause de cette présence israélienne. «On ne peut pas, d’un côté, se dire attaché aux droits humains, et de l’autre, dérouler le tapis rouge à un État mis en cause par la Cour pénale internationale» a écrit, le 12 juin, Stéphane Troussel, président du département accueillant le salon. C’est bien, mais il aurait fallu faire pression en amont, et surtout dénoncer le colonialisme israélien beaucoup plus tôt.
L’image marquante de ce premier jour de salon, ce sont surtout les panneaux noirs autour des stands israéliens, pour en condamner les accès. Une mesure prise en dernière minute à la demande des autorités françaises. Les organisateurs du salon avaient poliment demandé aux entreprises israéliennes de retirer leurs armes dites «offensives» – ce qui, soi dit-en passant, ne veut rien dire, de la même manière qu’un Lanceur de Balles de Défense sert à tirer des munitions en caoutchouc qui mutilent, et pas à se «défendre». Ces entreprises ont refusé, et le gouvernement français a donc demandé de masquer ces stands durant la nuit, estimant que ces entreprises auraient violé le «cadre qui avait été agréé avec les autorités israéliennes».
Parmi les entreprises cachées, l’entreprise Elbit Systems, le plus grand fabricant d’armes privé d’Israël, qui fournit 85% des drones et la plupart des équipements militaires terrestres utilisés par l’armée israélienne. Elbit vend aussi des drones à Frontex pour traquer les exilé-es aux portes de l’Europe. Cette entreprise a le sang de dizaines de milliers de palestinien-nes et de migrant-es sur les mains.
Le président israélien, qui décidément méprise la mémoire juive, et en particulier celle de la Shoah, a osé affirmer que ces panneaux noirs sont «comme créer un ghetto israélien (…) Cela doit être corrigé immédiatement». Masquer des armes servant à commettre un génocide serait une persécution antisémite. La députée française pro-Netanyahou Caroline Yadan s’est empressée de tweeter : «Je suis absolument scandalisée par cette mesure discriminatoire à l’égard d’Israël. Le symbole des rideaux noirs est terrible». La discrimination anti-vendeurs d’armes, un nouveau concept. La politicienne d’extrême droite Sarah Knafo s’est carrément rendue au salon pour enregistrer une vidéo de protestation, dénonçant une «décision hypocrite et incohérente». L’extrême droite au service d’un génocide raciste, logique.
Cette initiative montre surtout que le gouvernement français est embêté, et que la délégation israélienne est sous pression, grâce aux recours juridiques qui ont été lancés par plusieurs organisations dont ATTAC, Survie et l’UJFP, et surtout grâce à la mobilisation populaire annoncée ce week-end contre le salon.
Pour autant, les autorités françaises jouent au «en même temps». D’un côté, elles autorisent Israël à venir exposer dans ce salon qui sert de vitrine mondiale à l’industrie de l’armement, de l’autre elles mettent des plaques noires sur certains stands, pour ne pas voir ce qui fâche. Bayrou déclare d’ailleurs que les stands sont fermés «provisoirement, j’espère». Les organisateurs du salon soulignent que «le dialogue est engagé de manière à ce que les différentes parties puissent trouver une issue favorable». Il est donc possible que ces entreprises génocidaires soient de nouveau accessibles dans les heures ou les jours à venir en échange de concessions.
Tout cela ressemble à un écran de fumée. Rien n’empêche les représentants de chaque entreprise israélienne ni la délégation ministérielle de faire du business pendant les 4 jours. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : lors du salon du Bourget, des milliards d’euros de contrats sont signés dans le cadre de négociations discrètes, à l’écart des stands officiels.
Cet écran de fumée est typiquement macroniste, c’est de la com’. En réalité, la France continue à fournir des armes à Israël et à soutenir diplomatiquement un État coupable de crimes contre l’humanité. Il y a encore quelques jours, Macron proposait même d’aider militairement Israël dans le cadre de son agression contre l’Iran. Les panneaux noirs servent surtout à se donner bonne conscience. Le gouvernement, empêtré dans ses contradictions, panique et tente de corriger le tir.
Ainsi, il est indispensable de continuer à mettre la pression. D’ailleurs, Israël n’est pas le seul problème de ce salon : c’est l’ensemble de l’événement qu’il faut dénoncer. Le Bourget accueille des vendeurs d’armes du monde entier qui tirent profit des massacres, à Gaza mais aussi au Congo, en Arménie, en Ukraine, dans le cadre de répressions armées en Amérique Latine et dans bien d’autres endroits.
Déferlons samedi prochain, le 21 juin, au départ de la Bourse du Travail de Bobigny à 13h, vers le salon de la honte.
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