Macron a toujours été un autocrate, mais il semble désormais entré dans une phase terminale de déni et de toute puissance.

Depuis des mois, ses propres fidèles s’inquiètent : la députée centriste Sandrine Josso déclarait : «Macron n’écoute plus personne», son ancien bras droit Gabriel Attal s’étonnait de «ne plus comprendre ses décisions» et dénonçait son «acharnement à vouloir garder la main», le député macroniste Richard Ramos, qui était toujours volontaire pour faire reluire les mocassins de l’Élysée, balançait il y a peu que «Macron est dingue ! Il a un problème de psyché personnelle». Un député centriste confiait même, sous couvert d’anonymat : «Emmanuel Macron est persuadé qu’il peut revenir à l’Élysée en 2032. C’est dingo !»
La démonstration de cet hubris a encore eu lieu il y a quelques jours. Macron a viré le préfet du Pas-de-Calais, Laurent Touvet, comme un chien. Pas pour une faute grave. Non, parce qu’il a été contraint marcher quelques centaines de mètres sous la pluie à cause d’une manifestation.
Le Canard enchaîné et La Voix du Nord expliquent que, lors d’un déplacement du président à Arras le 19 novembre, une manifestation d’agriculteurs contre le Mercosur – un traité néolibéral qui met en concurrence les agriculteurs d’Europe et d’Amérique du Sud – l’a obligé à modifier son itinéraire. Un tracteur avait alors réussi à atteindre le lieu où Macron devait arriver. Ce dernier a donc dû marcher 500 mètres sous la pluie : inacceptable pour un monarque de droit divin.
Le préfet du Pas-de-Calais, Laurent Touvet, a donc été démis de ses fonctions en Conseil des ministres le 26 novembre. Il avait le tort de ne pas avoir réprimé assez fort, de ne pas avoir éloigné suffisamment les contestataires loin de la vue du président. Une faute impardonnable.
À l’inverse, les préfets les plus sanguinaires sont systématiquement récompensés. En 2022, le sinistre préfet de Paris Didier Lallement rendait sa casquette, et quittait sa fonction après le scandale mondial provoqué par le tabassage et le gazage de familles de supporters anglais au Stade de France. Il laissait derrière lui des dizaines de blessés graves et de traumatisés par ses policiers, notamment lors du mouvement des Gilets Jaunes. Pour le féliciter, Macron lui a d’abord proposé de diriger «l’Autorité de régulation des transports», un poste sympa à 148.000 euros annuels, avant de le nommer «secrétaire général de la mer», un autre boulot surpayé pour lequel Didier Lallement n’a aucune compétence.
Autre préfet, autre promotion : Laurent Nunez. Préfet de Paris après Didier Lallement, chargé de réprimer le mouvement social en 2023, les banlieues après la mort de Nahel et les manifestations pour la Palestine, il a été propulsé Ministre de l’Intérieur à la rentrée. Nunez déclarait en 2019 : «Ce n’est pas parce qu’une main a été arrachée, parce qu’un œil a été éborgné que la violence est illégale». Il y a quelques jours, à propos des violences d’État extrêmes lors de la manifestation de Sainte-Soline, il continuait à affirmer, malgré des preuves accablantes, qu’il n’y avait «pas eu de violences policières».
Laurent Nunez est le véritable chef de la police française depuis des années. Haut fonctionnaire, issu de l’ENA, ancien patron de la DGSI, la police politique, celle qui élimine et surveille les opposants, puis préfet. Il connaît par cœur les rouages de la répression et ses réseaux. Lorsqu’il était préfet des Bouches du Rhône en 2016, des militants CGT avaient tenté de bloquer une raffinerie à Fos-sur-Mer pour protester contre la loi Travail. Ils avaient été chargés sans sommation par les CRS. À l’époque les syndicalistes choqués disent avoir assisté à des «scènes de guerre». «Ils ont gazé, on s’est fait tirer dessus au flash-ball et ils ont arrosé tout le monde au canon à eau».
Un an plus tôt, Laurent Nuñez était impliqué dans ce qui sera nommé «le scandale des Uber files». En juin 2017, Nuñez était nommé Directeur Général à la Sécurité Intérieure, un poste clé disposant de tous les réseaux d’information et de surveillance, puis secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur. Il a donc été préfet de Paris ces dernières années, et après avoir semé la peur et la violence, il est promu Ministre de l’Intérieur.
Un autre exemple ? Claude d’Harcourt, ancien préfet de Nantes. Un énarque issu de l’aristocratie. Il a été responsable de la mort de Steve lors de la fête de la musique à Nantes en 2019, et a été récompensé depuis. Avant d’arriver à Nantes, d’Harcourt était à la tête des hôpitaux de Marseille en 2017 et a été dénoncé pour son management violent. Les témoignages des personnes qui ont travaillé sous ses ordres sont terrifiants : mutations forcées, brimades, dépressions.
D’Harcourt débarque à Nantes en novembre 2018. Dès son arrivée, il s’illustre par une grande brutalité en réprimant le moindre rassemblement, en organisant des nasses, des charges et des tirs de munitions contre tout ce qui bouge dans la ville. Lors du mouvement des Gilets Jaunes, il y a plusieurs centaines de blessés, 300 gardes à vue et trois personnes gravement mutilés rien qu’à Nantes. Le 21 juin 2019 la police nantaise attaque à coup de grenades des centaines de personnes qui font la fête au bord de la Loire. 14 personnes son repêchées dans le fleuve et Steve, 24 ans, meurt noyé. Claude d’Harcourt s’expliquera dans la presse : «Les forces de l’ordre interviennent toujours de manière proportionnée». Il réprimera ensuite tous les hommages à Steve. Le 14 juillet 2021, Claude d’Harcourt reçoit la légion d’honneur, le même jour que le préfet Lallement. En 2023, Claude d’Harcourt monte encore en grade, et devient le conseiller personnel de Darmanin.
Enfin, on peut citer le parcours d’Emmanuelle Dubée, préfète des Deux-Sèvres à partir de mars 2022. Elle est responsables de la répression épouvantable des mobilisations contre les mégabassines. Pour protéger des trous dans la terre, elle a mis en place des dispositifs militaires destinés à tuer ou mutiler le plus d’écologistes possible. Le 25 mars 2023, c’est elle qui était à la manœuvre lors des atrocités commises à Sainte-Soline. Elle a été nommée chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, et est désormais promue préfète de la Haute-Savoie.
Le macronisme, c’est la prime systématique à la brutalité, la promotion des individus les moins scrupuleux, les plus corrompus, ceux qui font souffrir leurs prochains sans remords. Et la sanction immédiate pour ceux qui hésitent à se vautrer dans l’ignominie.
Une autre préfète, celle d’Indre-et-Loire, Marie Lajus, a vu sa carrière brisée en 2022 : elle n’a pas noyé de jeune homme, ni envoyé de policiers tirer sur une fête ou massacrer des écologistes. Non, elle s’était opposée au bétonnage d’un vaste espace de végétation dans son département par un grand propriétaire terrien, conformément à la loi. Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, l’a virée. Pour justifier cette sanction expéditive, Darmanin osait déclarer : «Un représentant de l’État doit être inattaquable et respectable». Le fait d’échanger un logement contre une fellation, ou d’écraser à coups de grenades des gens qui luttent pour leurs droits, voilà la seule chose «respectable» pour ce régime.
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